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16/04/2015 | FRANCE | N°375784

France | France, Conseil d'État, 9ème ssjs, 16 avril 2015, 375784


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 25 février 2014 et 17 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Roquette Frères demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 décembre 2013 pris en application de l'article L. 314-1-1 du code de l'énergie relatif à la prime rémunérant la disponibilité des installations de cogénération supérieures à 12 MW et ayant bénéficié d'un contrat d'obligation d'achat, en tant qu'

il exige, d'une part, le dépôt d'une demande complète de contrat dans un délai de trois ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 25 février 2014 et 17 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Roquette Frères demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 décembre 2013 pris en application de l'article L. 314-1-1 du code de l'énergie relatif à la prime rémunérant la disponibilité des installations de cogénération supérieures à 12 MW et ayant bénéficié d'un contrat d'obligation d'achat, en tant qu'il exige, d'une part, le dépôt d'une demande complète de contrat dans un délai de trois mois suivant sa publication et, d'autre part, la production d'un justificatif attestant du bénéfice d'un contrat d'obligation d'achat de l'électricité produite à partir d'une installation de cogénération de plus de 12 MW électriques et de la date de fin de ce contrat ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 62 ;

- le code de l'énergie ;

- la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

- la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 ;

- la loi n° 2015-1545 du 20 décembre 2014 ;

- la décision du 23 mai 2014 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Roquette Frères ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-410 QPC du 18 juillet 2014 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Roquette Frères ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maïlys Lange, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'article L. 314-1-1 du code de l'énergie, issu de l'article 43 de la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable, permet aux installations de cogénération d'une puissance supérieure à douze mégawatts, en exploitation au 1er janvier 2013, de bénéficier, jusqu'au 31 décembre 2016, pour la disponibilité annuelle de leur capacité de production d'électricité, d'une rémunération tenant notamment compte des investissements nécessaires sur la période allant jusqu'au 31 décembre 2016. Dans sa rédaction issue de la loi du 16 juillet 2013, l'article L. 314-1-1 du code de l'énergie réservait cette rémunération aux installations ayant bénéficié d'un contrat d'obligation d'achat conclu avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. Cette condition, déclarée par le Conseil constitutionnel non conforme à la Constitution dans sa décision n° 2014-410 QPC du 18 juillet 2014, a été supprimée par l'article 21 de la loi du 20 décembre 2014 de simplification de la vie des entreprises, avec effet rétroactif au 16 juillet 2013. L'article L. 314-1-1 du code de l'énergie ainsi modifié constitue la base légale de l'arrêté du 19 décembre 2013 attaqué.

2. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 19 décembre 2013 attaqué : " Peuvent bénéficier d'un contrat avec Electricité de France les installations de cogénération éligibles au sens de l'article 2 et qui déposent une demande complète de contrat dans un délai de trois mois suivant la publication du présent arrêté (...) Cette demande est considérée comme étant complète lorsqu'elle comporte l'ensemble des documents suivants : / - un justificatif attestant du bénéfice d'un contrat d'obligation d'achat de l'électricité produite à partir d'une installation de cogénération de plus de 12 MW électriques et de la date de fin dudit contrat (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 2 du même arrêté : " La demande complète de contrat ne peut intervenir au-delà d'un délai de trois mois suivant la publication du présent arrêté. "

3. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 314-1-1 du code de l'énergie, dans sa rédaction issue de la loi du 16 juillet 2013, ont été déclarées non conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel au motif qu'en instituant une différence de traitement entre les installations de cogénération d'une puissance supérieure à 12 MW, selon qu'elles avaient ou non bénéficié d'un contrat d'obligation d'achat, elles méconnaissaient le principe d'égalité devant la loi. Dans sa rédaction issue de la loi du 20 décembre 2014, entrée en vigueur avec effet rétroactif au 16 juillet 2013, l'article L. 314-1-1 ne soumet plus le bénéfice du contrat rémunérant la disponibilité annuelle de la capacité de production de ces installations à cette condition de conclusion préalable d'un contrat d'obligation d'achat. Par suite, l'article 3 de l'arrêté attaqué, en tant qu'il exige, dans la constitution du dossier de demande complète de contrat, la production d'un justificatif attestant du bénéfice d'un contrat d'obligation d'achat, ajoute à la loi une condition qui n'y figure pas, qui méconnaît les exigences de l'article 6 de la Déclaration de 1789. Cet arrêté doit, dès lors, dans cette mesure, être annulé.

4. En second lieu, l'exigence, figurant au deuxième alinéa de l'article 2 de l'arrêté attaqué et reprise à son article 3, d'un dépôt de la demande complète de contrat avant l'expiration d'un délai de trois mois suivant sa publication, conduit à regarder comme tardives les demandes de contrat formulées après le 19 mars 2014, alors que le législateur, en adoptant la loi du 20 décembre 2014, a ouvert, pour toutes les installations de cogénération d'une puissance supérieure à 12 MW, notamment celles qui n'avaient pas auparavant bénéficié d'un contrat d'obligation d'achat, la possibilité de demander à Electricité de France la conclusion d'un contrat rémunérant la disponibilité annuelle de leur capacité de production d'électricité. Le maintien de cette exigence dans l'arrêté attaqué revient à priver de portée utile la loi du 20 décembre 2014. Il est, par suite, illégal. L'arrêté attaqué doit, dès lors, être annulé, en tant qu'il pose cette condition.

5. Il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2013 qu'elle attaque en tant qu'il exige, d'une part, le dépôt d'une demande complète de contrat dans un délai de trois mois suivant sa publication, et d'autre part, la production d'un justificatif attestant du bénéfice d'un contrat d'obligation d'achat de l'électricité produite à partir d'une installation de cogénération de plus de 12 MW électriques et de la date de fin de ce contrat.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le deuxième alinéa de l'article 2, ainsi que les mots : " dans un délai de trois mois suivant la publication du présent arrêté " du premier alinéa de l'article 3 et le deuxième alinéa de l'article 3 de l'arrêté du 19 décembre 2013 pris en application de l'article L. 314-1-1 du code de l'énergie relatif à la prime rémunérant la disponibilité des installations de cogénération supérieures à 12 MW et ayant bénéficié d'un contrat d'obligation d'achat sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société Roquette Frères une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Roquette Frères, au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 9ème ssjs
Numéro d'arrêt : 375784
Date de la décision : 16/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 2015, n° 375784
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maïlys Lange
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375784.20150416
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