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27/03/2015 | FRANCE | N°387075

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 27 mars 2015, 387075


Vu la procédure suivante :

M. A...B..., à l'appui de sa demande tendant à ce que le tribunal administratif de Paris annule la décision du 8 août 2014 par laquelle le directeur du service des retraites de l'Etat a suspendu à compter du 1er janvier 2013 le paiement de sa pension de retraite, a produit un mémoire, enregistré le 2 décembre 2014 au greffe du tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 par lequel il soulève la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du deuxième alin

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Vu la procédure suivante :

M. A...B..., à l'appui de sa demande tendant à ce que le tribunal administratif de Paris annule la décision du 8 août 2014 par laquelle le directeur du service des retraites de l'Etat a suspendu à compter du 1er janvier 2013 le paiement de sa pension de retraite, a produit un mémoire, enregistré le 2 décembre 2014 au greffe du tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 par lequel il soulève la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du deuxième alinéa de l'article L. 84, de l'article L. 85 et de l'article L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Par une ordonnance n° 1421826/3-3 du 6 janvier 2015, enregistrée le 13 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le vice-président de la 3ème section du tribunal administratif de Paris a décidé, avant de statuer sur la demande de M.B..., de transmettre la question au Conseil d'Etat en application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 2003-775 portant réforme des retraites ;

- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Marion, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat lui a transmis, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changements de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que le deuxième alinéa de l'article L. 84 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que " (...) Si, à compter de la mise en paiement d'une pension civile ou militaire, son titulaire perçoit des revenus d'activité de l'un des employeurs mentionnés à l'article L. 86-1, il peut cumuler sa pension dans les conditions fixées aux articles L. 85, L. 86 et L. 86-1 " ; qu'aux termes de l'article L. 85 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le montant brut des revenus d'activité mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 84 ne peut, par année civile, excéder le tiers du montant brut de la pension pour l'année considérée. / Lorsqu'un excédent est constaté, il est déduit de la pension après application d'un abattement égal à la moitié du minimum fixé au a de l'article L. 17, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; que selon l'article L. 86-1 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les employeurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 84 sont les suivants : /1° Les administrations de l'Etat et leurs établissements publics ne présentant pas un caractère industriel ou commercial ; /2° Les collectivités territoriales et les établissements publics ne présentant pas un caractère industriel ou commercial qui leur sont rattachés ;/ 3° Les établissements énumérés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que M. B...soutient que ces dispositions, qui interdisent en principe le cumul intégral d'une pension de retraite et de revenus d'activité perçus d'un employeur public, méconnaissent l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en tant qu'elles apportent au droit de propriété des limitations excessives ; que, toutefois, eu égard à la nature des pensions prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite, destinées à assurer un revenu de substitution ou d'assistance aux anciens fonctionnaires et aux modalités du plafonnement, qui n'est que temporaire et auquel l'ancien fonctionnaire peut, au demeurant, mettre fin à tout moment en renonçant à percevoir de tels revenus d'activités complémentaires, les dispositions contestées n'excèdent pas, en tout état de cause, les limites que le législateur peut apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété garanti notamment par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...ne peut sérieusement soutenir que les dispositions litigieuses méconnaîtraient l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen aux termes duquel " tous les citoyens (...) sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ", dès lors qu'elles n'ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte au droit d'accès aux emplois publics des titulaires d'une pension civile ou militaire de retraite ; qu'il n'est pas davantage fondé à soutenir que l'interdiction de cumul méconnaîtrait les dispositions de l'article 13 de la même déclaration selon lequel pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable et doit être également répartie entre les citoyens, la restriction au cumul prévue par les dispositions mises en cause ne pouvant être regardée comme une contribution pesant sur les bénéficiaires d'une pension entrant dans le champ d'application de ces dispositions ;

5. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " la loi est l'expression de la volonté générale. (...). Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse (...) " ; que, d'une part, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que les dispositions contestées, qui ont notamment pour objectif de maintenir l'équilibre financier du système de retraite du secteur public, ne méconnaissent pas le principe constitutionnel d'égalité en prévoyant des dispositions spécifiques réglementant le cumul de pensions prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite avec des revenus d'activité provenant d'un employeur public qui sont placés dans une situation différente de celle des retraités du secteur privé ou des retraités du secteur public bénéficiant de revenus d'activité provenant d'un employeur non public ; que, d'autre part, si, en règle générale, le principe constitutionnel d'égalité suppose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas pour autant qu'il oblige de traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; qu'ainsi, en fixant de façon générale pour l'ensemble des pensionnés intéressés le montant maximal du revenu cumulable avec la pension en valeur relative du montant brut de celle-ci plutôt que de définir des règles de cumul différant selon le montant de la pension perçue, les dispositions contestées de l'article L. 85 cité ci-dessus ne méconnaissent pas le principe d'égalité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Paris.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au tribunal administratif de Paris.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 387075
Date de la décision : 27/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 27 mar. 2015, n° 387075
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Marion
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:387075.20150327
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