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25/02/2015 | FRANCE | N°370486

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 25 février 2015, 370486


Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 juillet et 21 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des médecins d'Aix et région demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2013-547 du 26 juin 2013 relatif à l'organisation et au fonctionnement des juridictions du contentieux du contrôle technique des professions de santé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des l

ibertés fondamentales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publ...

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 juillet et 21 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des médecins d'Aix et région demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2013-547 du 26 juin 2013 relatif à l'organisation et au fonctionnement des juridictions du contentieux du contrôle technique des professions de santé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julia Beurton, auditeur,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'article L. 145-6 du code de la sécurité sociale, applicable aux juridictions du contentieux du contrôle technique compétentes pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes, dispose que : " La section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre est une juridiction. Elle est présidée par un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel nommé par le vice-président du Conseil d'Etat au vu des propositions du président de la cour administrative d'appel dans le ressort duquel se trouve le siège du conseil régional ou interrégional. (...) / Elle comprend un nombre égal d'assesseurs, membres, selon le cas, de l'ordre des médecins, de l'ordre des chirurgiens-dentistes ou de l'ordre des sages-femmes, et d'assesseurs représentant des organismes de sécurité sociale, dont au moins un praticien-conseil, nommés par l'autorité compétente de l'Etat. Les assesseurs membres de l'ordre sont désignés par le conseil régional ou interrégional de l'ordre en son sein ".

2. L'article R. 145-4 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 2 du décret attaqué, prévoit que : " La section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins comprend, outre son président, quatre assesseurs nommés par le président de la cour administrative d'appel dans le ressort de laquelle la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance a son siège. / Deux assesseurs représentent l'ordre des médecins. Ils sont désignés par le conseil régional ou interrégional de l'ordre et choisis en son sein. / Deux assesseurs représentent les organismes d'assurance maladie. Ils sont nommés : / 1° Le premier, sur proposition du médecin-conseil national du régime général de sécurité sociale, parmi les médecins-conseils titulaires chargés du contrôle médical en dehors du ressort de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance concernée ; / 2° Le second, sur proposition conjointe des responsables des services médicaux compétents au niveau national, respectivement, du régime de protection sociale agricole et du régime social des indépendants, parmi les médecins-conseils titulaires chargés du contrôle médical en dehors du ressort de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance (...) ". L'article R. 145-15 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret attaqué, prévoit que la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins peut être notamment saisie par les organismes d'assurance maladie ainsi que : " 1° En ce qui concerne le régime général, par le médecin-conseil national, les médecins-conseils régionaux et les médecins-conseils chefs des services du contrôle médical ; / 2° En ce qui concerne le régime agricole, par le médecin-conseil national et les médecins-conseils chefs de service des échelons départementaux ou pluridépartementaux du contrôle médical ; / 3° En ce qui concerne les autres régimes, par les médecins-conseils responsables du service du contrôle médical d'une caisse ou d'un organisme de sécurité sociale ".

3. Le principe d'indépendance, qui est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles, impose que toute personne appelée à siéger dans une juridiction se prononce en toute indépendance et sans recevoir quelque instruction de la part de quelque autorité que ce soit. Le principe d'impartialité des juridictions s'oppose notamment à ce que soient conférés à une même autorité le pouvoir de poursuivre et celui de juger. Enfin, le principe des droits de la défense, applicable à toute juridiction, implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable.

4. En premier lieu, en tant qu'il prévoit que la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins comprend deux assesseurs médecins-conseils représentant les organismes d'assurance maladie, l'article R. 145-4 du code de la sécurité sociale se borne à mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 145-6 du même code, qui prévoient que des assesseurs représentant des organismes de sécurité sociale siègent au sein de ces juridictions.

5. En deuxième lieu, les praticiens-conseils, qui exercent le contrôle médical dans les conditions définies par le législateur aux articles L. 315-1 à L. 315-2-1 du code de la sécurité sociale, appartiennent à un corps autonome, comparable à un corps d'inspection, dont les membres bénéficient de conditions de nomination et d'avancement qui garantissent, dans le cadre des conventions collectives spéciales prévues par l'article L. 123-2-1 du code de la sécurité sociale, leur indépendance à l'égard des caisses de sécurité sociale, avec lesquelles ils n'entretiennent aucun lien de subordination. Ils sont tenus au respect du code de déontologie prévu par les dispositions de l'article L. 4127-1 du code de la santé publique, en vertu duquel ils ne peuvent aliéner leur indépendance professionnelle de quelque façon ou sous quelque forme que ce soit. En outre, eu égard à leurs conditions de désignation et aux modalités d'exercice de leurs fonctions, qui les soustraient à toute subordination hiérarchique, les assesseurs de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance bénéficient de garanties leur permettant de porter une appréciation personnelle et indépendante sur les affaires dont la section a à connaître.

6. En troisième lieu, la circonstance que les médecins-conseils qui siègent en qualité d'assesseurs appartiennent au même corps que les praticiens-conseils qui, au sein des services du contrôle médical, peuvent, en vertu de l'article R. 145-15 du code de la sécurité sociale, saisir la section des assurances sociales ne porte pas, par elle-même, atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions. Les dispositions contestées, qui précisent d'ailleurs que les médecins-conseils nommés en qualité d'assesseurs, par le président de la cour administrative d'appel, sont choisis parmi les médecins-conseils titulaires chargés du contrôle médical en dehors du ressort de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance, ne sauraient en tout état de cause permettre qu'un praticien-conseil qui aurait participé à un contrôle ou engagé des poursuites ou qui se trouverait placé sous l'autorité hiérarchique de l'auteur d'une poursuite siège, en méconnaissance des règles générales de procédure applicables à toute juridiction, au sein de la formation de jugement appelée à juger le praticien poursuivi.

7. En dernier lieu, d'une part, les articles R. 145-4 et R. 145-15 du code de la sécurité sociale, seuls critiqués par le syndicat requérant, ne déterminent pas la procédure selon laquelle sont instruites les plaintes dont les sections des assurances sociales des chambres disciplinaires de première instance peuvent être saisies. D'autre part, la seule circonstance que la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance puisse être saisie par le médecin-conseil national, un médecin-conseil régional ou un médecin-conseil chef des services du contrôle médical ne fait pas obstacle, par elle-même, au respect des droits de la défense.

8. Il suit de là que les moyens invoqués par le syndicat requérant, tirés de ce que les dispositions des articles R. 145-4 et R. 145-15 du code de la sécurité sociale méconnaîtraient les principes d'indépendance et d'impartialité et le principe du respect des droits de la défense, découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, doivent être écartés.

9. Enfin, si le syndicat requérant invoque également la méconnaissance de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des lois et des décisions du Conseil constitutionnel, il n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du Syndicat des médecins d'Aix et région doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du Syndicat des médecins d'Aix et région est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat des médecins d'Aix et région, au Premier ministre et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 370486
Date de la décision : 25/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 fév. 2015, n° 370486
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Julia Beurton
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:370486.20150225
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