Vu 1°, sous le numéro 363161, le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er octobre et 6 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dont le siège est au 201, rue Carnot à Fontenay-sous-bois Cedex (94136) ; l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 11010145, 11010170 du 23 juillet 2012 de la Cour nationale du droit d'asile en ce qu'elle a, d'une part, annulé la décision du 25 mars 2011 de son directeur général jetant la demande d'asile de M. F...D...A...et, d'autre part, lui a accordé la protection subsidiaire ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. D...A...;
Vu 2°, sous le numéro 363162, le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er octobre et 6 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'OFPRA, qui demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la même décision de la Cour nationale du droit d'asile en ce que, d'une part, elle a annulé la décision du 25 mars 2011 de son directeur général rejetant la demande d'asile de Mme B...C...et, d'autre part, lui a accordé la protection subsidiaire ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme B...C...;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention de Genève et le protocole de New-York relatifs au statut des réfugiés ;
Vu la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat de la l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A...et de Mme B...C...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D...A...et Mme B...C...ont quitté la Somalie à la suite de menaces et persécutions dont ils auraient été victimes, avec leur famille, de la part d'un groupe d'extrémistes islamistes leur reprochant leurs activités au service du programme alimentaire mondial ; qu'ils sont entrés en territoire européen, à Malte, le 31 août 2008 ; que, par décision du 15 janvier 2009, les autorités maltaises leur ont octroyé le bénéfice de la protection subsidiaire et un titre de séjour d'un an renouvelable ; que ce titre a été renouvelé le 15 janvier 2010 pour la même durée ; qu'ils ont indiqué avoir quitté Malte pour la France, étant en proie à des difficultés matérielles notamment d'accès aux soins, à des pratiques de discrimination à l'embauche et à des agressions racistes ; qu'ils n'ont pas été préalablement admis au séjour ; que, le 25 mars 2011, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté leurs demandes d'asile ; que, par la décision du 23 juillet 2012 dont l'OFPRA demande l'annulation par deux pourvois distincts, la Cour nationale du droit d'asile a annulé ces décisions et leur a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ; qu'il y a lieu de joindre ces pourvois pour statuer par une seule décision ;
Sur la fin de non-recevoir tirée du caractère tardif des pourvois :
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 821-1 du code de justice administrative " Sauf disposition contraire, le délai de recours en cassation est de deux mois " ; que ce délai est un délai franc ; que l'OFPRA justifie avoir reçu notification de la décision attaquée le 30 juillet 2012 ; qu'il suit de là que ses pourvois, adressés par télécopie et enregistrés au secrétariat du contentieux le 1er octobre 2012, ne sont pas tardifs ;
Sur le bien fondé de la décision attaquée :
3. Considérant qu'il résulte de l'article 2 de la directive du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions d'octroi que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, que le statut conféré par la protection subsidiaire se définit comme " la reconnaissance, par un Etat membre, d'un ressortissant d'un pays tiers ou d'une apatride en tant que personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire " ; qu'en vertu de son article 18 : " les Etats membres octroient le statut conféré par la protection subsidiaire à un ressortissant d'un pays tiers ou à un apatride qui remplit les conditions pour être une personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire conformément aux chapitres II et V " ; qu'enfin, en application du 2 de son article 24, " dès que possible après que le statut leur a été octroyé, les Etats membres délivrent aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire un titre de séjour valable pendant une période d'au moins un an et renouvelable, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public ne s'y opposent. " ;
4. Considérant que les articles 19, 16 et 17 de la même directive assujettissent la décision des Etats membres de retirer ou de révoquer le bénéfice de cette protection subsidiaire à des conditions strictes, soit que l'intéressé ait cessé d'être une personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, soit qu'il s'avère qu'il aurait dû être exclu des personnes pouvant bénéficier de cette protection, soit encore qu'il existe des motifs sérieux de considérer qu'il s'est rendu coupable de comportements ou d'agissements criminels ;
5. Considérant qu'il ressort de ces dispositions que la décision par laquelle une autorité d'un Etat membre de l'Union européenne reconnaît un ressortissant d'un pays tiers en tant que personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire est un acte déclaratif qui produit ses effets tant qu'il n'est pas établi que le bénéficiaire n'en remplit pas ou a cessé d'en remplir les conditions dans les cas prévus par les articles 16, 17 et 19 de la directive ; qu'à cet égard, la circonstance que l'intéressé n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour est sans incidence sur son droit à bénéficier des effets liés à la protection qui lui a été accordée ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant qu'à la date où l'Office a rendu ses décisions, la protection des autorités maltaises avait cessé et que, par voie de conséquence, la demande de M. D...A...et de Mme B...C...devait s'analyser comme une demande d'octroi du bénéfice de l'asile qu'il incombait à la France d'examiner comme telle, au motif qu'aucune des dispositions pertinentes de la convention de Genève ou du droit communautaire originaire ou dérivé ne fait obligation à ces autorités de renouveler au bout d'un an la protection subsidiaire sans être saisie d'une demande en ce sens, la Cour nationale du droit d'asile a commis une erreur de droit ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, sa décision doit être annulée ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est, en tout état de cause, pas partie à l'instance ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 23 juillet 2012 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. D...A...et Mme B...C...au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, à M. F...D...A...et à Mme E...C....