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19/12/2014 | FRANCE | N°383318

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 19 décembre 2014, 383318


Vu la procédure suivante :

1° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés, sous le n° 383318, les 31 juillet et 7 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération générale du commerce demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer que la " loi du pays " n° 2014-15 LP/APF du 25 juin 2014 relative à la concurrence, publiée le 4 juillet 2014 au Journal officiel de la Polynésie française, n'est pas conforme au bloc de légalité défini au III de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de l

a Polynésie française et ne peut donc être promulguée ;

2°) de mettre à la charge...

Vu la procédure suivante :

1° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés, sous le n° 383318, les 31 juillet et 7 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération générale du commerce demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer que la " loi du pays " n° 2014-15 LP/APF du 25 juin 2014 relative à la concurrence, publiée le 4 juillet 2014 au Journal officiel de la Polynésie française, n'est pas conforme au bloc de légalité défini au III de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française et ne peut donc être promulguée ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés sous le n° 383507, les 6 août et 11 septembre 2014, la SEGC demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer que la " loi du pays " mentionnée ci-dessus n'est pas conforme au bloc de légalité défini au III de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004 ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 74 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 199, 203 et 267, ainsi que la décision n° 2013/755/UE du Conseil du 25 novembre 2013 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le premier protocole additionnel à cette convention ;

- le code électoral ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 ;

- la loi n° 93-1 du 4 janvier 1993 ;

- la délibération n° 2005-59/APF du 13 mai 2005 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Béreyziat, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat de la Fédération générale du commerce et à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la Société d'étude et de gestion commerciale ;

Une note en délibéré a été présentée le 5 décembre 2014 pour la SEGC et la CGPME-PF.

1. Considérant que l'assemblée de la Polynésie française a adopté le 25 juin 2014, sur le fondement de l'article 140 de la loi organique du 27 février 2004, une " loi du pays " relative à la concurrence, dont l'article LP. 1 crée un code de la concurrence en Polynésie française qui lui est annexé ; que cette " loi du pays " a été publiée au Journal officiel de la Polynésie française, à titre d'information, le 4 juillet 2014 ; qu'agissant sur le fondement des dispositions du II de l'article 176 de la loi organique, la Fédération générale du commerce et la société d'étude et de gestion commerciale (SEGC) ont, chacune, saisi le Conseil d'Etat d'une requête tendant à ce que cette " loi du pays " soit déclarée non conforme au bloc de légalité défini au III du même article ; qu'il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une seule décision ;

Sur la requête n° 383507 :

2. Considérant que le II de l'article 176 de la loi organique prévoit que la " loi du pays " est publiée au Journal officiel de la Polynésie française à titre d'information à l'expiration de la période de huit jours suivant son adoption et que les personnes physiques ou morales disposent d'un délai d'un mois à compter de cette publication pour la déférer au Conseil d'Etat ; qu'en outre, en vertu de l'article 178 de la même loi organique, en l'absence de saisine du Conseil d'Etat dans ce délai d'un mois, le président de la Polynésie française dispose de dix jours pour promulguer la " loi du pays " ; que ces dispositions ont nécessairement pour effet d'écarter l'application de tout délai de distance ; qu'aucune disposition ne prévoit que ce délai d'un mois soit rappelé lors de la publication pour information de cet acte au Journal officiel de la Polynésie française ; que l'absence d'un tel rappel ne méconnaît pas, en tout état de cause, les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. Considérant qu'en l'espèce, le délai ainsi imparti pour déférer au Conseil d'Etat la " loi du pays " attaquée, publiée pour information au Journal officiel de la Polynésie française le 4 juillet 2014, a commencé à courir le 5 juillet à 0 h 00 ; qu'il a expiré le mardi 5 août à minuit ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre fin de non-recevoir opposée par la Polynésie française, la requête formée par la SEGC, enregistrée au Conseil d'Etat le 6 août à 14 h 25, heure de Paris, soit 2 h 25, heure de Papeete, est tardive et, par suite, irrecevable ;

Sur la requête n° 383318 :

En ce qui concerne l'intervention de la SEGC et de la CGPME-PF :

4. Considérant que la SEGC et la CGPME-PF justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir à l'appui des conclusions de la Fédération générale du commerce ; que leur intervention est, dès lors, recevable ;

En ce qui concerne la procédure d'adoption de la " loi du pays " :

5. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, il ne résulte pas des termes de l'article 27 de la délibération du 13 mai 2005 portant règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française, rapprochés notamment de ceux de l'article 32 de la même délibération, que la présentation d'un projet ou d'une proposition de " loi du pays " ne puisse être régulièrement confiée à plusieurs rapporteurs ; que, dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce que le rapport de présentation de la " loi du pays " aurait été irrégulièrement établi par trois rapporteurs ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation de la " loi du pays " attaquée a été distribué aux membres de l'assemblée de la Polynésie française le jour de son dépôt, soit le 12 juin 2014 ; que le projet de " loi du pays " a été soumis au vote le 25 juin suivant, soit après l'expiration du délai minimum de douze jours suivant la distribution du rapport, prévu à l'article 130 de la loi organique du 27 février 2004 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions de ce dernier article auraient été méconnues manque en fait ;

7. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent la fédération requérante et les intervenantes, il ressort des pièces du dossier, notamment des termes de la lettre de convocation datée du 12 juin 2014 et signée du président de l'assemblée, que la réunion des présidents de groupe prévue à l'article 8 du règlement intérieur de l'assemblée s'est tenue le 20 juin suivant, soit trois jours au moins avant la tenue de la séance au cours de laquelle le projet de " loi du pays " a été examiné ; qu'ainsi, manque également en fait le moyen tiré de ce que la règle de procédure et le délai prescrits par cet article auraient été méconnus ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'à l'appui de leur intervention, la SEGC et la CGPME-PF allèguent que les règles de quorum fixées au premier alinéa de l'article 122 de la loi organique n'auraient pas été respectées, lors de la séance au cours de laquelle l'assemblée de la Polynésie française a adopté la " loi du pays " attaquée ; qu'il ressort, toutefois, des mentions portées au procès-verbal de cette séance, établi et publié au Journal officiel de la Polynésie française en application de l'article 12 du règlement intérieur de l'assemblée, que ce moyen manque en fait ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'en vertu de l'article 151 de la loi organique du 27 février 2004, les avis rendus par le conseil économique, social et culturel de la Polynésie française ne revêtent qu'un caractère consultatif ; que, dès lors, la fédération requérante ne peut utilement soutenir que la " loi du pays " serait irrégulière en la forme, faute pour les rapporteurs de ce texte d'avoir soumis au vote des dispositions tenant compte des réserves éventuellement contenues dans l'avis rendu par ce conseil, ou pour l'assemblée d'avoir incorporé de telles dispositions au texte définitivement adopté ; que ces mêmes circonstances ne permettent pas d'établir, à elles seules, que les mesures adoptées seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la procédure d'approbation de cette " loi du pays " par l'Etat :

10. Considérant que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, l'article 31 de la loi organique du 27 février 2004 organisant, sous certaines conditions, la participation des institutions de la Polynésie française à l'exercice de certaines des compétences conservées par l'Etat en vertu de l'article 14 de la même loi ne s'applique, s'agissant de la détermination des infractions et de l'édiction de sanctions à caractère pénal, qu'en matière de jeux de hasard ; que les dispositions de la " loi du pays " attaquée sont étrangères à cette matière ; que, dès lors, la Fédération générale du commerce ne peut utilement soutenir que la procédure auquel l'article 32 de la même loi subordonne une telle participation aurait été méconnue ;

En ce qui concerne la prohibition des abus de position dominante :

11. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article LP. 200-1 du code de la concurrence de la Polynésie française créé par la " loi du pays " attaquée : " Sont prohibées, même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société implantée hors de la Polynésie française, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché de la Polynésie française, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions (...) " ; que l'article LP. 200-2 du même code dispose : " Est prohibée l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante./ Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur./ Ces abus peuvent notamment consister : 1° En refus de vente ; 2° En ventes liées ; 3° En la pratique de remises différées contraires aux dispositions en vigueur ; 4° En pratiques discriminatoires ou déloyales ; 5° En la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées ; 6° En accords de gamme ; 7° En l'imposition d'un prix d'achat anormalement bas à un partenaire commercial " ; qu'aux termes du I de l'article LP. 200-5 de ce code : " Ne sont pas soumises aux dispositions des articles LP. 200-1 et LP. 200-2, les pratiques : (...) 2° Dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d'emplois, et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Ces pratiques ne doivent imposer des restrictions à la concurrence, que dans la mesure où elles sont indispensables pour atteindre cet objectif de progrès " ;

12. Considérant qu'en vertu des termes mêmes de l'article LP. 200-2 cité ci-dessus, est seule prohibée par cet article l'exploitation abusive d'une position dominante par une entreprise ou un groupe d'entreprise, et non la simple détention d'une telle position comme le soutient la fédération requérante ; qu'il résulte en outre des mêmes dispositions, rapprochées notamment de celles de l'article LP. 200-1, que l'exploitation d'une position dominante ne peut être qualifiée d'abusive, au sens de l'article LP. 200-2, que lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché de la Polynésie française ; qu'enfin, contrairement à ce que soutient la fédération, les dispositions du I de l'article LP. 200-5 citées ci-dessus ont pour objet explicite et pour effet d'imposer à l'autorité compétente de prendre en compte, dans l'appréciation des positions concurrentielles soumises à son examen au titre de l'article LP. 200-1, l'éventuelle contribution apportée par ces dernières au progrès économique de la Polynésie française ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'article LP. 200-1 du code annexé à la " loi du pays " attaquée porterait une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie et méconnaîtrait les principes généraux du droit de la concurrence dont la requérante se prévaut doit être écarté ;

En ce qui concerne l'autorité polynésienne de la concurrence (APC) :

13. Considérant que les articles LP. 610-1 et suivants du code annexé à la " loi du pays " attaquée créent une autorité administrative indépendante dénommée autorité polynésienne de la concurrence ; qu'en vertu de l'article LP. 610 1, cette autorité est chargée de veiller au libre jeu de la concurrence et au bon fonctionnement du marché en Polynésie française ; que l'article LP. 610-3 fixe les règles d'incompatibilité applicables à ses membres ; que l'article LP. 610-2 détermine les modalités de leur nomination ; que l'article LP. 620-5 prévoit les conditions dans lesquelles cette autorité peut se saisir d'office de certains faits ; que l'article LP. 641-2 définit le régime des sanctions pécuniaires que cette autorité prononce ; que l'article LP. 641-3 confère à celle-ci le pouvoir d'adresser des injonctions ; que les articles LP. 620-1 à LP. 620-3 subordonnent à son autorisation la création ou l'extension de certaines surfaces commerciales ;

S'agissant des règles d'incompatibilité applicables aux membres de l'APC :

14. Considérant, en premier lieu, que l'article 74 de la Constitution réserve à la loi organique le soin de définir le statut de chacune des collectivités d'outre-mer régies par cet article en fixant, notamment, les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de ces collectivités ; que, pris sur le fondement de cet article, l'article 30-1 de la loi organique du 27 février 2004 dispose : " La Polynésie française peut, pour l'exercice de ses compétences, créer des autorités administratives indépendantes, pourvues ou non de la personnalité morale, aux fins d'exercer des missions de régulation dans le secteur économique./ L'acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays" créant une autorité administrative indépendante en définit les garanties d'indépendance, d'expertise et de continuité./ Il peut lui attribuer, par dérogation aux dispositions des articles 64, 67, 89 à 92 et 95, un pouvoir réglementaire ainsi que les pouvoirs d'investigation, de contrôle, de recommandation, de règlement des différends et de sanction, strictement nécessaires à l'accomplissement de ses missions " ; que ces dispositions habilitent l'assemblée de la Polynésie française, agissant par la voie d'une " loi du pays ", tant à créer une autorité chargée de veiller au libre jeu de la concurrence et au bon fonctionnement du marché en Polynésie française qu'à investir cette autorité de pouvoirs dérogeant à la répartition des compétences déterminée par la loi organique et à fixer les règles d'organisation et de fonctionnement de cette autorité, au nombre desquelles figure notamment la détermination des incompatibilités applicables à ses membres ;

15. Considérant, en second lieu, que l'article 14 de la loi organique du 27 février 2004 attribue à l'Etat la compétence de fixer les règles régissant le droit électoral, auquel appartient le régime des incompatibilités applicables aux fonctions électives ; que, toutefois, les incompatibilités prévues au I de l'article LP. 610-3 mentionné ci-dessus ne concernent aucune fonction élective ; que, si les incompatibilités mentionnées au II du même article s'appliquent, quant à elles, à des fonctions électives, elles se bornent cependant à rappeler celles prévues par les dispositions de l'article 75 et du 4° du I de l'article 111 de la loi organique du 27 février 2004, combinées à celles des articles L.O. 142 et L.O. 297 du code électoral et de l'article 6 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que la " loi du pays " attaquée méconnaîtrait la compétence du législateur organique, en tant qu'elle fixe les règles d'incompatibilité applicables aux membres de l'APC, doivent être écartés ;

S'agissant des modalités de désignation des membres de l'APC :

17. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article LP. 610-2 du code créé par la " loi du pays " attaquée, le choix des membres de l'APC doit être guidé, notamment, par les garanties de probité et d'indépendance présentées par les candidats à ces fonctions ; que ces dispositions prévoient également que l'assemblée de la Polynésie française, à travers la consultation de sa commission de contrôle budgétaire et financier, est associée à la nomination du président de cette autorité ; qu'elles confèrent aux mandats des membres de l'APC un caractère irrévocable, sauf cas de démission d'office, et limitent la possibilité de les renouveler ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sont énumérées à l'article LP. 610-3 du même code les fonctions dont l'exercice est incompatible avec la qualité de membre de l'APC ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, la " loi du pays " attaquée apporte aux membres de l'autorité qu'elle institue des garanties suffisantes d'indépendance, au regard des exigences fixées par le second alinéa de l'article 30-1 de la loi organique du 27 février 2004 cité ci-dessus ; qu'est sans incidence, sur ce point, la circonstance que, conformément aux dispositions combinées du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et des dispositions organiques prises sur son fondement, la nomination des membres de certaines autorités administratives indépendantes à compétence nationale soit, quant à elle, subordonnée à l'absence d'opposition des commissions parlementaires compétentes ;

S'agissant du pouvoir d'auto-saisine conféré à l'APC :

18. Considérant qu'en vertu du quatrième alinéa de l'article LP. 610-1 du code créé par la " loi du pays " attaquée, les missions confiées à l'APC sont exercées par le collège de cette autorité, sauf disposition législative contraire ; que l'article LP. 610-6 du même code prévoit que cette autorité dispose d'un service d'instruction composé d'agents de l'administration, ceux-ci assurant les fonctions de rapporteur sous l'autorité d'un rapporteur général ; qu'aux termes de l'article LP. 620-5 de ce code : " L'Autorité polynésienne de la concurrence peut être saisie de faits ou de pratiques susceptibles de constituer une pratique anticoncurrentielle au sens des articles LP. 200-1 à LP. 200-3 (...). / Le rapporteur général peut proposer au collège de l'Autorité de se saisir d'office de faits susceptibles de constituer de telles pratiques anticoncurrentielles " ; que le premier alinéa de l'article LP. 620-7 de ce code dispose : " L'Autorité polynésienne de la concurrence examine si les pratiques dont elle est saisie dans le cadre des articles LP. 200-1 à LP. 200-3 entrent dans le champ de ses attributions. Elle prononce, le cas échéant, des sanctions et des injonctions " ; qu'en vertu de l'article LP. 630-2, l'instruction et la procédure devant l'APC sont contradictoires, sous réserve des dispositions prévues par le même code et relatives à la sauvegarde du secret des affaires, l'instruction étant menée en toute indépendance par le service d'instruction sous la direction du rapporteur général ; qu'en application du dernier alinéa de l'article LP. 630-3, le dossier est transmis par le rapporteur général au président de l'APC, à l'issue de l'instruction, aux fins d'examen par le collège de cette autorité ; qu'aux termes de l'article LP. 630-5 : " Les séances de l'Autorité ne sont pas publiques. Seules les parties, le rapporteur général et le commissaire du gouvernement peuvent y assister (...). / Le rapporteur général peut présenter des observations. / Le rapporteur général et le commissaire du gouvernement n'assistent pas au délibéré (...) " ;

19. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, si l'APC peut être amenée à se saisir " d'office " de certains faits susceptibles de constituer une pratique anticoncurrentielle, c'est à la condition qu'une telle saisine ait été proposée par le rapporteur général ; que cette disposition ne conduit pas l'autorité à préjuger la réalité de telles pratiques ; que, contrairement à ce que soutiennent les intervenantes, l'instruction ultérieure de l'affaire, par le rapporteur général, et son jugement, par le collège de l'autorité, sont assortis des garanties nécessaires pour que ne s'opère, sous le contrôle de la juridiction compétente, aucune confusion entre les fonctions de poursuite et d'instruction et les pouvoirs de sanction administrative ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le droit à un procès équitable rappelé à l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

S'agissant des pouvoirs conférés à l'APC :

Quant aux sanctions pécuniaires :

20. Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa du I de l'article LP. 641-2 du code annexé à la " loi du pays " attaquée, l'APC peut infliger des sanctions pécuniaires ; qu'aux termes du troisième alinéa des mêmes dispositions : " Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la durée et la gravité des faits reprochés, et prennent notamment en compte l'importance du dommage causé à l'économie, la distorsion occasionnée sur le ou les marchés concernés, les effets réels et potentiels sur les consommateurs, dans le temps et dans l'espace, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées mentionnées aux articles LP. 200-1 à LP. 200-3 " ; que le cinquième alinéa dispose : " Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires réalisé en Polynésie française au cours d'un des trois derniers exercices. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante " ;

21. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que le chiffre d'affaires servant de base au calcul des sanctions pécuniaires prononcées par l'APC ne peut être que l'un de ceux constatés au cours des trois derniers exercices dont la clôture a précédé le prononcé de ces sanctions, d'autre part, que le montant de ces sanctions est proportionné à la durée des faits reprochés, à leur gravité, à la réitération éventuelle de pratiques prohibées et à la situation de l'entité sanctionnée ou du groupe auquel elle appartient ; que ces dispositions déterminent, en outre, une liste non exhaustive des critères au regard desquels la gravité des faits reprochés doit être appréciée ; qu'au nombre de ces critères peut, à bon droit, être retenue l'ampleur d'effets anticoncurrentiels qui ne revêtiraient qu'un caractère potentiel, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 12, les pratiques que ces dispositions visent à dissuader ou à réprimer peuvent être légalement caractérisées par de tels effets ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, les modalités de détermination des sanctions pécuniaires définies par l'article LP. 641-2 cité ci-dessus ne méconnaissent ni l'exigence de proportionnalité des peines découlant notamment de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ni le principe de sécurité juridique, ni, en tout état de cause, le principe de prévisibilité dont se prévaut la requérante ;

Quant aux injonctions dites structurelles :

22. Considérant qu'aux termes des dispositions du I de l'article LP. 641-3 du code annexé à la " loi du pays " attaquée : " En cas d'exploitation abusive d'une position dominante ou d'un état de dépendance économique de la part d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail, l'Autorité peut procéder aux injonctions et aux sanctions pécuniaires prévues au I de l'article LP. 641-2. / Si les injonctions prononcées et les sanctions pécuniaires appliquées n'ont pas permis de mettre fin à l'abus de position dominante ou à l'état de dépendance économique, l'Autorité peut, par une décision motivée prise après réception des observations de l'entreprise ou du groupe d'entreprises en cause, lui enjoindre de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé, tous accords et tous actes par lesquels s'est constituée la puissance économique qui a permis ces abus. Elle peut, dans les mêmes conditions, lui enjoindre de procéder à la cession de surfaces pour faire cesser l'abus de position dominante si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective dans la zone de chalandise considérée " ; que le II du même article dispose : " En cas d'existence d'une position dominante détenue par une entreprise ou un groupe d'entreprises, qui soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés, que l'entreprise ou le groupe d'entreprise pratique, en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné, ou lorsqu'une entreprise ou un groupe d'entreprises détient, dans une zone de chalandise une part de marché dépassant 35 %, représentant un chiffre d'affaires supérieur à 600 000 000 F CFP, l'Autorité polynésienne de la concurrence peut faire connaître ses préoccupations de concurrence à l'entreprise ou au groupe d'entreprises en cause, qui peut, dans un délai de deux mois, lui proposer des engagements. / La part de marché mentionnée à l'alinéa précédent est évaluée selon le chiffre d'affaires réalisé dans le secteur d'activité et sur la zone de chalandise concernée. Toutefois, dans le secteur du commerce de détail, la part de marché est réputée proportionnelle aux surfaces commerciales exploitées. / Si l'entreprise ou le groupe d'entreprises ne propose pas d'engagements ou si les engagements proposés ne lui paraissent pas de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, l'Autorité polynésienne de la concurrence peut par une décision motivée, leur enjoindre de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé qui ne peut excéder deux mois, tous accords et tous actes par lesquels s'est constituée la puissance économique qui permet les pratiques constatées en matière de prix ou de marges. Il peut, dans les mêmes conditions, leur enjoindre de procéder à la cession d'actifs si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective " ;

23. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes des dispositions citées au point précédent que le pouvoir d'injonction structurelle que celles-ci confèrent à l'APC ne peut être mis en oeuvre ni au seul motif qu'une entreprise ou qu'un groupe d'entreprise détiendrait une position dominante, ni au regard du seul critère de la part de marché détenue par cette entreprise ou ce groupe ; que, dès lors, ni la fédération requérante ni les intervenantes ne peuvent utilement soutenir qu'un tel motif ou qu'un tel critère ne justifierait pas, à lui seul, le prononcé de ces injonctions sauf à méconnaître les principes généraux du droit de la concurrence ;

24. Considérant, en deuxième lieu, que, tel qu'il est défini par les dispositions citées au point 22, le pouvoir d'injonction reconnu à l'APC ne méconnaît pas, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, le principe de sécurité juridique ; que sont sans incidence, sur ce point, les éventuelles difficultés pratiques auxquelles pourraient être confrontés les services chargés d'apprécier le respect des conditions de sa mise en oeuvre ; que, contrairement à ce que soutiennent quant à elles les intervenantes, sont dépourvus d'ambiguïté et suffisamment précis et, par suite, exempts d'incompétence négative, les termes du II de l'article LP. 641-3 relatifs aux préoccupations de concurrence éventuellement soulevées par une position de marché, aux modalités selon lesquelles doivent être évaluées les moyennes de prix et de marge habituellement constatées dans le secteur économique en cause, ainsi qu'aux conditions dans lesquelles l'entreprise ou le groupe d'entreprises faisant l'objet d'une injonction peut être contraint, le cas échéant, de céder certains actifs ;

25. Considérant, en troisième lieu, que, si le dernier alinéa du II de l'article LP. 641-3 confère à l'APC le pouvoir d'enjoindre à une entreprise ou un groupe d'entreprises de procéder à la cession de certains actifs, lorsque celle-ci constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective, une telle mesure est étrangère, par son objet, à l'expropriation pour cause d'utilité publique ; que, dès lors, les intervenantes ne peuvent utilement soutenir que cette mesure serait, le cas échéant, contraire aux conditions ou procédures auxquelles les dispositions législatives ou réglementaires applicables en Polynésie française subordonnent la réalisation d'une telle expropriation ;

26. Considérant, en quatrième lieu, que la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le principe d'égalité serait méconnu du seul fait que le I de l'article LP. 641-3 institue, pour les entreprises ou groupes d'entreprises exploitant des commerces de détail, des conditions particulières de mise en oeuvre du pouvoir d'injonction reconnu à l'APC par le II du même article ;

27. Considérant, en cinquième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les intervenantes, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant que les dispositions citées au point 22 étaient de nature à renforcer l'application, en Polynésie française, d'une concurrence effective et de garantir ainsi, dans l'intérêt du consommateur, un bon fonctionnement de l'économie locale, l'assemblée de Polynésie française ait commis, au regard des caractéristiques propres à cette économie, une erreur manifeste d'appréciation ; qu'une telle erreur n'entache pas, en particulier, le choix fait par cette assemblée, pour atteindre ces objectifs, de charger l'APC d'apprécier la délimitation des secteurs économiques à l'intérieur desquels devront être calculées les moyennes de prix ou de marges habituellement pratiquées, ni de retenir les seuils de 35 % de part de marché et de 600 000 000 F CFP de chiffre d'affaires au-delà desquels cette autorité est autorisée à faire connaître à une entreprise ou à un groupe d'entreprises ses éventuelles préoccupations de concurrence, ni davantage, pour le seul commerce de détail, d'évaluer les parts de marché par référence au rapport des surfaces commerciales présentes dans la zone de chalandise considérée ;

28. Considérant, en sixième lieu, que les dispositions citées au point 22 ne font pas obstacle à ce que, avant de formuler d'éventuelles préoccupations de concurrence ou de statuer sur les engagements éventuellement proposés par l'entreprise concernée par ces préoccupations, l'APC prenne en compte les contributions que la position de marché de l'entreprise intéressée est susceptible, dans certaines conditions, d'apporter au progrès économique local ; que, dans cette mesure et au vu des considérations exposées au point précédent, doit être écarté le moyen soulevé par les intervenantes et tiré de ce que les dispositions de l'article LP. 641-3 porteraient aux principes de liberté du commerce et de l'industrie et de liberté d'entreprendre une atteinte disproportionnée ;

29. Considérant, en septième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 27, les injonctions structurelles prévues à l'article LP. 641-3 ont pour objet de promouvoir l'intérêt général qui s'attache à l'application, en Polynésie française, d'une concurrence effective et à la garantie, dans l'intérêt du consommateur, d'un bon fonctionnement de l'économie locale ; qu'ainsi que le précise ce même article, de telles injonctions ne sont susceptibles d'aboutir à des cessions forcées d'actifs que lorsque ces dernières sont jugées constituer le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective ; qu'elles sont proportionnées à l'objectif poursuivi ; qu'enfin les dispositions de l'article LP. 641-3 ne font pas, par elles-mêmes, obstacle à ce que de telles cessions donnent lieu au paiement d'un juste prix au cédant, lors du transfert de propriété ; que, dans ces conditions, ces dispositions, qui n'autorisent pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ne méconnaissent ni les exigences de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ni celles qui découlent de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

30. Considérant, en huitième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les intervenantes, il ne résulte pas des stipulations des articles 199 et 203 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, combinées aux dispositions de l'article 60 de la décision n° 2013/755/UE du conseil du 25 novembre 2013 relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à l'Union européenne, que les principes généraux du droit de l'Union européenne relatif à la concurrence seraient applicables, en tant que tels, en Polynésie française ; que, dès lors, les intéressées ne peuvent utilement soutenir que les dispositions de l'article LP. 641-3 seraient contraires à ces principes ;

Quant à la création et l'extension de certaines surfaces commerciales :

31. Considérant que l'article LP. 320-1 du code annexé à la " loi du pays " attaquée institue un seuil de 300 mètres carrés au-delà duquel la création ou l'extension d'une surface commerciale doit faire l'objet d'une notification auprès de l'APC ; que le premier alinéa de l'article LP. 320-3 du même code confie à cette autorité le soin d'examiner, notamment, si l'opération notifiée crée ou renforce une position dominante ou une puissance d'achat qui placerait les fournisseurs en situation de dépendance économique ; qu'en vertu du deuxième alinéa du même article, cette autorité peut également veiller à ce que l'opération en cause réponde aux exigences d'aménagement du territoire ; qu'en application du dernier alinéa de l'article LP. 320-3 de ce code, cette autorité peut soit autoriser l'opération envisagée, soit l'interdire si elle estime que le projet considéré est susceptible de porter une atteinte excessive à la concurrence, soit enjoindre au demandeur de prendre toute mesure propre à assurer une concurrence suffisante ;

32. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutiennent la fédération requérante et les intervenantes, en prévoyant que l'APC puisse prendre en compte les exigences d'aménagement du territoire de la Polynésie française, dans l'exercice du pouvoir de décision que lui confère l'article LP. 320-3 mentionné ci-dessus en matière d'autorisation d'exploitation commerciale, la " loi du pays " attaquée n'a pas confié à cette autorité des missions étrangères à la régulation dans le secteur économique, au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article 30-1 de la loi organique du 27 février 2014, ni, par suite, excédé le champ de l'habilitation qui lui est accordée par ce dernier article ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, la simple faculté ainsi reconnue à l'APC par le deuxième alinéa de l'article LP. 320-3 ne méconnaît pas, en tant que telle, les principes de sécurité juridique et d'égalité ni, en tout état de cause, le principe de prévisibilité dont elle se prévaut ;

33. Considérant, en deuxième lieu, qu'en adoptant les dispositions mentionnées au point 31, l'assemblée de la Polynésie française a entendu poursuivre un objectif de préservation de la concurrence dans le commerce de détail ; que, contrairement à ce que soutiennent les intervenantes, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant que ces dispositions étaient de nature à contribuer à la réalisation de cet objectif, l'assemblée de Polynésie française aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, au regard des particularités économiques et géographiques de ce territoire ; que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, la combinaison de critères que les dispositions de l'article LP. 320-3 impartissent à l'APC pour statuer sur les demandes d'autorisation qui lui sont soumises n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard de cet objectif ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la méthode consistant à estimer les parts de marchés détenues dans le secteur du commerce de détail par référence à la taille des surfaces commerciales considérées n'est pas, en tant que telle, inadéquate ;

34. Considérant, en troisième lieu, que si les dispositions analogues à celles de l'article LP. 320-1 retenues par la loi du pays du 24 octobre 2013 relative à la concurrence en Nouvelle-Calédonie fixent, quant à elles, à 350 mètres carrés le seuil de déclaration applicable sur ce territoire, soit à un niveau plus élevé que celui retenu par cet article alors pourtant que les densités de population et population totale de Nouvelle-Calédonie sont inférieures à celles de la Polynésie française, il ne résulte pas de cette seule circonstance, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, qu'en adoptant la disposition attaquée, l'assemblée de la Polynésie française aurait rompu l'égalité des citoyens devant la loi ni porté une atteinte disproportionnée au principe de liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre ; qu'il ressort, au contraire, des pièces du dossier que l'atteinte portée à ces principes par la procédure d'autorisation préalable applicable aux commerces de détail d'une certaine superficie est en lien avec l'objectif poursuivi par l'assemblée et ne revêt pas un caractère disproportionné, eu égard aux particularités économiques et géographiques de la Polynésie française et au haut degré de concentration caractérisant ces commerces sur ce territoire ; que, dès lors, le moyen soulevé par les intervenantes et tiré de l'atteinte à ces principes doit être écarté ;

35. Considérant, en quatrième lieu, que les intervenantes soutiennent que le régime d'autorisation administrative préalable institué, pour le commerce de détail, par les dispositions contestées de la " loi du pays " attaquée, constitue une restriction à la liberté d'établissement allant au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs impérieux d'intérêt général de préservation de la concurrence et de protection du consommateur que ces dispositions poursuivent ; que, toutefois, à supposer même que les stipulations combinées des articles 199, 203 et 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'annexe II à ce traité rendent notamment applicable aux relations entre les Etats membres et les pays et territoires d'outre-mer, sur une base non discriminatoire et sous réserve des dispositions particulières prises en vertu de l'article 203 sous la forme de décisions du Conseil relatives à l'association de ces pays et territoires à l'Union européenne, le droit d'établissement découlant des articles 49 et suivants de ce traité, tel qu'en jouissent les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne, cette circonstance ne ferait pas obstacle, par principe, à ce qu'une restriction à ce droit puisse être légalement instituée pour des raisons impérieuses d'intérêt général tenant, notamment, à la préservation de la concurrence ; qu'en particulier, contrairement à ce que soutiennent les intervenantes, cette circonstance ne ferait pas obstacle à l'institution, aux mêmes fins, de tout mécanisme plus contraignant qu'une simple procédure de consultation préalable à la création ou à l'extension d'une surface commerciale ; qu'en outre, contrairement à ce que soutiennent les intéressées, les particularités économiques et géographiques de la Polynésie française ressortant des pièces versées au dossier seraient de nature à établir la nécessité du régime d'autorisation administrative préalable institué par les dispositions contestées de la " loi du pays " attaquée, pour atteindre les objectifs de préservation de la concurrence et de protection du consommateur que ces dispositions poursuivent ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation du principe de liberté d'établissement découlant du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit, en tout état de cause, être écarté ;

En ce qui concerne les autres dispositions attaquées :

S'agissant des voies de recours ouvertes contre les décisions de l'APC :

36. Considérant qu'aux termes de l'article LP. 642-1 du code annexé à la " loi du pays " attaquée : " Le Président de la Polynésie française peut former un recours contre toutes les décisions de l'Autorité polynésienne de la concurrence ; il peut exercer tous les recours contre les décisions juridictionnelles statuant sur les décisions de l'Autorité " ;

37. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle, notamment, à ce que toute partie intéressée forme un recours à l'encontre des décisions prises par l'APC dans le respect des règles de procédure de droit commun ; qu'ainsi doit être écarté le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient les droits des justiciables à un recours effectif et à un procès équitable, rappelés par les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

38. Considérant, en second lieu, qu'en vertu du 2° de l'article 14 de la loi organique du 27 février 2004, l'Etat reste notamment compétent dans les matières suivantes : " Garantie des libertés publiques ; justice : organisation judiciaire, aide juridictionnelle, organisation de la profession d'avocat, à l'exclusion de toute autre profession juridique ou judiciaire, droit pénal, procédure pénale, commissions d'office, service public pénitentiaire, services et établissements d'accueil des mineurs délinquants sur décision judiciaire, procédure administrative contentieuse, frais de justice pénale et administrative " ; que, toutefois, en adoptant les dispositions déjà citées de l'article 30-1 de la loi organique du 27 février 2004, qui permettent, par dérogation aux règles de répartition des compétences fixées par les autres dispositions de cette loi, l'institution d'autorités indépendantes prenant, au nom de la Polynésie française, des décisions susceptibles d'engager la responsabilité de cette dernière, le législateur organique a nécessairement entendu habiliter l'assemblée de la Polynésie française à fixer, par la voie d'une " loi du pays ", les conditions dans lesquelles l'autorité compétente de ce territoire serait autorisée à contester en justice, le cas échéant, les décisions ainsi prises ; que, dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce que l'article LP. 642-1 du code annexé à la " loi du pays " attaquée serait entaché d'incompétence ;

S'agissant de la condamnation solidaire de personnes morales au paiement d'amendes pénales :

39. Considérant que l'article LP. 700-1 du même code est ainsi rédigé : " Art. LP. 700-1. - Condamnation solidaire par les juridictions pénales. / La juridiction peut condamner solidairement les personnes morales au paiement des amendes pénales prononcées contre leurs dirigeants en vertu des dispositions du présent code " ;

40. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi organique du 27 février 2004 : " La Polynésie française peut assortir les infractions aux actes prévus à l'article 140 dénommés "lois du pays" ou aux délibérations de l'assemblée de la Polynésie française de peines d'amende, y compris des amendes forfaitaires dans le cadre défini par le code de procédure pénale, respectant la classification des contraventions et délits et n'excédant pas le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements applicables en matière pénale. Elle peut assortir ces infractions de peines complémentaires prévues pour les infractions de même nature par les lois et règlements applicables en matière pénale " ; que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, l'assemblée de la Polynésie française tenait de ces dispositions le pouvoir d'édicter la mesure prévue à l'article LP. 700-1, relatives aux peines encourues par les personnes morales en cas d'infraction de leurs dirigeants aux dispositions du code institué par la " loi du pays " litigieuse, sans qu'y fassent obstacle les dispositions déjà citées du 2° de l'article 14 de la loi organique du 27 février 2004 relative à la compétence générale de l'Etat pour déterminer la procédure pénale ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que cette mesure serait entachée d'incompétence doit être écarté ;

41. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni la fédération requérante ni les intervenantes ne sont fondées à soutenir que les dispositions de " loi du pays " attaquée seraient contraires au bloc de légalité défini au III de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004 ; que, dès lors, la requête de la Fédération générale du commerce ne peut qu'être rejetée ; que, par voie de conséquence, doivent être également rejetées les conclusions présentées par l'intéressée au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de la SEGC et de la CGPME-PF au soutien de la requête n° 383318 est admise.

Article 2 : Les requêtes n°s 383318 et n° 383507 sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération générale du commerce, à la Société d'étude et de gestion commerciale, au président de la Polynésie française, au président de l'assemblée de la Polynésie française et à la Confédération générale des petites et moyennes entreprises de Polynésie française.

Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer et au haut-commissaire de la République en Polynésie française.


Synthèse
Formation : 10ème / 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 383318
Date de la décision : 19/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE - LOIS ET RÈGLEMENTS (HORS STATUTS DES COLLECTIVITÉS) - COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER ET NOUVELLE-CALÉDONIE - POLYNÉSIE FRANÇAISE - PROCÉDURE D'EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE D'UN PROJET OU D'UNE PROPOSITION DE LOI DU PAYS - POSSIBILITÉ DE CONFIER LA PRÉSENTATION DU PROJET OU DE LA PROPOSITION À PLUSIEURS RAPPORTEURS - EXISTENCE.

46-01-03-02-03 Il ne résulte pas des termes de l'article 27 de la délibération n° 2005-59/APF du 13 mai 2005 portant règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française, rapprochés notamment de ceux de l'article 32 de la même délibération, que la présentation d'un projet ou d'une proposition de loi du pays ne puisse être régulièrement confiée à plusieurs rapporteurs.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE - LOIS ET RÈGLEMENTS (HORS STATUTS DES COLLECTIVITÉS) - COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER ET NOUVELLE-CALÉDONIE - POLYNÉSIE FRANÇAISE - RÉPARTITIONS DES COMPÉTENCES ENTRE L'ETAT ET LES AUTRES AUTORITÉS - 1) COMPÉTENCE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE POUR FIXER LES CONDITIONS DANS LESQUELLES L'AUTORITÉ COMPÉTENTE DE CE TERRITOIRE EST AUTORISÉE À CONTESTER EN JUSTICE LES DÉCISIONS PRISES PAR DES AUTORITÉS INDÉPENDANTES INSTITUÉES PAR LA COLLECTIVITÉ SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 30-1 DE LA LOI ORGANIQUE STATUTAIRE - EXISTENCE - 2) COMPÉTENCE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE POUR ÉDICTER UNE MESURE RELATIVE AUX PEINES ENCOURUES PAR LES PERSONNES MORALES EN CAS D'INFRACTION DE LEURS DIRIGEANTS AUX DISPOSITIONS INSTITUÉES PAR UNE LOI DU PAYS - EXISTENCE.

46-01-03-02-03-01 1) En adoptant les dispositions de l'article 30-1 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, qui permettent, par dérogation aux règles de répartition des compétences fixées par les autres dispositions de cette loi, l'institution d'autorités indépendantes prenant, au nom de la Polynésie française, des décisions susceptibles d'engager la responsabilité de cette dernière, le législateur organique a nécessairement entendu habiliter l'assemblée de la Polynésie française à fixer, par la voie d'une loi du pays , les conditions dans lesquelles l'autorité compétente de ce territoire serait autorisée à contester en justice, le cas échéant, les décisions ainsi prises, sans qu'y fasse obstacle les dispositions du 2° de l'article 14 de la loi organique relatives aux compétences de l'Etat.... ,,2) L'assemblée de la Polynésie française tient des dispositions du premier alinéa de l'article 20 de la loi organique du 27 février 2004 le pouvoir d'édicter une mesure prévoyant la possibilité de condamner solidairement les personnes morales au paiement des amendes pénales prononcées contre leurs dirigeants à raison des infractions de ces derniers aux dispositions instituées par une loi du pays , sans qu'y fassent obstacle les dispositions du 2° de l'article 14 de la loi organique du 27 février 2004 relatives à la compétence générale de l'Etat pour déterminer la procédure pénale.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2014, n° 383318
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Béreyziat
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; SCP LEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:383318.20141219
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