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19/11/2014 | FRANCE | N°381055

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 19 novembre 2014, 381055


Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le département de la Lozère, représenté par le président de son conseil général ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-245 du 25 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Lozère et la décision du 7 avril 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours gracieux dirigé contre ce décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre d

e l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dos...

Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le département de la Lozère, représenté par le président de son conseil général ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-245 du 25 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Lozère et la décision du 7 avril 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours gracieux dirigé contre ce décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

1. Considérant que l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue de la loi du 17 mai 2013, prévoit que : " I. - Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil départemental qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. (...) III. - La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants ; / IV. - Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques ; ou par d'autres impératifs d'intérêt général " ;

Sur la légalité externe :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes des dispositions législatives précitées qu'il appartenait au pouvoir réglementaire de procéder par décret en Conseil d'Etat aux modifications des limites territoriales des cantons et aux créations et suppressions de cantons ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le département de la Lozère soutient que la consultation du conseil général a été irrégulière dès lors que tant les indications données par le préfet lors de la présentation du projet le 20 décembre 2013, selon lesquelles les limites communales et cantonales ont été prises en compte et " s'agissant du Mont Lozère, (...) une logique d'identité montagneuse a été retenue ", que les énonciations figurant dans l'exposé des motifs selon lesquelles " le projet est défini dans le respect du principe d'égalité démographique, en référence à la carte cantonale actuelle et à la géographie du département, avec une prise en compte des ensembles topographiques " étaient inexactes ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que l'exposé des motifs précisait notamment que le projet de décret, qui corrigeait les fortes distorsions de population entre cantons, prévoyait d'inclure douze anciens cantons à faible population dans le périmètre d'un nouveau canton, ne tenait pas compte des limites des structures intercommunales à défaut de schéma départemental de coopération intercommunale et retenait le cours du Lot pour diviser la commune de Mende en deux cantons ; qu'en outre, il est constant que ce document était accompagné d'une carte des anciens et nouveaux cantons, d'une carte des nouveaux cantons et limites des structures intercommunales, d'une carte des cantons de Mende et de divers tableaux mentionnant la composition des nouveaux cantons et leurs populations, lesquels permettaient d'apprécier les limites exactes de chaque canton et les effets de la nouvelle délimitation ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble de ces éléments, le conseil général a disposé d'informations suffisantes pour lui permettre de se prononcer utilement sur le projet de décret ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 3121-18 du code général des collectivités territoriales, selon lesquelles tout membre du conseil général a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires du département qui font l'objet d'une délibération, auraient été méconnues doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

4. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions du III de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales que le territoire de chaque canton doit être établi sur des bases essentiellement démographiques, qu'il doit être continu et que toute commune de moins de 3 500 habitants doit être entièrement comprise dans le même canton ; que, si le Premier ministre est en droit, en vertu du IV du même article, d'apporter des exceptions de portée limitée à la règle consistant à définir le territoire des cantons du département sur des bases essentiellement démographiques pour des considérations géographiques ou d'autres impératifs d'intérêt général, ni ces dispositions, pas plus qu'aucun autre texte ni aucun principe ne lui imposent de faire usage de cette faculté, mais se bornent à encadrer son exercice ;

5. Considérant que ni ces dispositions, ni aucun autre texte non plus qu'aucun principe n'imposent au pouvoir réglementaire de prévoir que les limites des cantons, qui sont des circonscriptions électorales, coïncident avec les limites des établissements publics de coopération intercommunale, des schémas de cohérence territoriale ou des " bassins de vie " définis par l'Institut national de la statistique et des études économiques ; que, de même, ni les dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivité territoriales, ni aucun autre texte non plus qu'aucun principe n'imposent au pouvoir réglementaire de retenir comme critères de délimitation de ces circonscriptions électorales les limites des anciens cantons, la proximité géographique de l'ensemble des communes composant les cantons ou l'absence de disparité de superficie entre cantons, pas plus qu'elles n'impliquent d'interpréter distinctement le critère démographique selon le caractère urbain ou rural des territoires en cause ;

6. Considérant, par suite, et alors qu'il n'est pas contesté que les règles rappelées ci-dessus ont été respectées, le département ne saurait utilement invoquer le fait que la nouvelle délimitation aboutirait à la constitution de certains cantons d'une superficie disproportionnée ainsi qu'à la sous représentation des communes rurales et que le décret attaqué ne tiendrait pas compte de la " réalité humaine et économique du territoire " telle qu'elle peut ressortir des " bassins de vie " ou des périmètres des établissements de coopération intercommunale ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le canton de Saint-Etienne-du-Valdonnez a une continuité territoriale et une population supérieure de seulement 14,53% par rapport à la moyenne départementale, que sa superficie, qui en fait le plus vaste de la Lozère, s'explique par la faible densité de sa population et le relief, qu'en regroupant des communes de la haute vallée du Tarn, il a une cohérence géographique et que si les routes qui relient les communes des versants nord et sud du Mont Lozère sont peu praticables en hiver, il peut être contourné en toute saison ; que, dans ces conditions, et alors même que d'autres délimitations auraient été possibles, le département ne peut être regardé comme apportant des éléments de nature à établir que le choix auquel il a été procédé serait arbitraire ou reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que le département ne saurait utilement invoquer le fait que les cantons ruraux seraient moins bien représentés que les cantons urbains ; qu'il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que les cantons urbains de Mende 1 et de Mende 2 comportent un faible écart de population à la moyenne départementale de respectivement 3,16 % et 1,58 % et que si les cantons ruraux d'Aumont-Aubrac et de Saint-Etienne-du-Valdonnez ont une population supérieure à la moyenne départementale de respectivement 16,76 % et 14,53 %, plusieurs autres cantons à caractère rural ont une population inférieure à cette moyenne, tels que ceux de Langogne, de Florac, du Collet-de-Dèze et de Grandrieu; qu'eu égard à ces éléments, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête du département de la Lozère doit être rejetée ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du département de la Lozère est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au département de la Lozère et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 381055
Date de la décision : 19/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 nov. 2014, n° 381055
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:381055.20141119
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