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19/11/2014 | FRANCE | N°380316

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 19 novembre 2014, 380316


Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la communauté de communes des Hautes Terres, représentée par son président ; elle demande au Conseil d'Etat, à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-245 du 25 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Lozère, à titre subsidiaire, d'annuler ce décret en tant qu'il porte délimitation des cantons de Saint-Alban-sur-Limagnole, de Saint-Etienne-du-Valdonnez et d'Aumont-Aubrac, et, à titre infiniment plus subsidiaire,

d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'élaborer une nouvelle cart...

Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la communauté de communes des Hautes Terres, représentée par son président ; elle demande au Conseil d'Etat, à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-245 du 25 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Lozère, à titre subsidiaire, d'annuler ce décret en tant qu'il porte délimitation des cantons de Saint-Alban-sur-Limagnole, de Saint-Etienne-du-Valdonnez et d'Aumont-Aubrac, et, à titre infiniment plus subsidiaire, d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'élaborer une nouvelle carte cantonale respectant les " bassins de vie " du département ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

1. Considérant que l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue de la loi du 17 mai 2013, prévoit que : " I. - Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil départemental qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. (...) III. - La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants ; / IV. - Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques ; ou par d'autres impératifs d'intérêt général " ;

2. Considérant, en premier lieu, que Mme A...B..., signataire de la décision du 7 avril 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours gracieux formé par la communauté de communes des Hautes Terres contre le décret attaqué, a été nommée secrétaire générale adjointe, directrice de la modernisation et de l'action territoriale à l'administration centrale du ministère de l'intérieur, à compter du 26 août 2013 par décret du 5 août 2013, publié le 6 août 2013 au Journal officiel ; qu'elle était en conséquence habilitée à signer la décision critiquée en vertu de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 selon lequel " à compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale (...) " ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision manque en fait ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le décret attaqué a été pris après avis du conseil général de la Lozère rendu le 27 janvier 2014, conformément au I de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales ; que la circonstance qu'un débat se serait engagé entre le préfet et les conseillers généraux lors de la présentation par celui-ci du projet de décret à l'assemblée départementale, le 20 décembre 2013 est sans influence sur la régularité de l'avis émis ultérieurement par le conseil général ; que, par suite, la communauté de communes des Hautes Terres n'est pas fondée à soutenir que la consultation du conseil général aurait été irrégulière et que le préfet aurait commis un détournement de pouvoir ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions du III de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales que le territoire de chaque canton doit être établi sur des bases essentiellement démographiques, qu'il doit être continu et que toute commune de moins de 3 500 habitants doit être entièrement comprise dans le même canton, seules des exceptions de portée limitée et spécialement justifiées pouvant être apportées à ces règles ;

5. Considérant que l'article 1er du décret attaqué procède à une nouvelle délimitation de l'ensemble des cantons du département de la Lozère, compte tenu de l'exigence de réduction du nombre des cantons de ce département de vingt-cinq à treize résultant de l'application de l'article L. 191-1 du code électoral, en se fondant sur une population moyenne et en rapprochant la population de chaque canton de cette moyenne ; que la nouvelle délimitation cantonale a permis de réduire le rapport existant de population entre le canton le moins peuplé et le plus peuplé de 1 à 1,43, alors qu'il était de 1 à 9,93 ; que, si la communauté de communes des Hautes Terres fait valoir que le critère démographique retenu est inadapté au département de la Lozère, il n'est pas soutenu que cette nouvelle délimitation méconnaîtrait les critères définis au III de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que, pour définir les nouveaux cantons qui sont des circonscriptions électorales, aucune disposition n'impose au Premier ministre de respecter des limites géographiques des diverses structures de coopération intercommunale et des bassins économiques et sociaux existants ; que, s'il est en droit, en vertu du IV de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, d'apporter à la règle consistant à définir le territoire des cantons du département sur des bases essentiellement démographiques une exception de portée limitée et spécialement justifiée, pour des considérations géographiques et un impératif d'intérêt général, ces dispositions, pas plus qu'aucun autre texte ni aucun principe, ne lui imposent de faire usage de cette faculté ; qu'au demeurant le respect des " bassins de vie " existants ne constitue pas un impératif d'intérêt général ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que la proximité géographique de l'ensemble des communes d'un même canton n'est pas au nombre des critères définis à l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, la communauté de communes des Hautes Terres ne saurait utilement invoquer le fait que la nouvelle carte cantonale, en augmentant la taille des cantons, ne tiendrait pas compte des obstacles naturels, ce qui rendrait les distances à parcourir excessives ;

8. Considérant, enfin, que la communauté de communes des Hautes Terres soutient que la nouvelle carte cantonale a été définie en fonction de considérations électoralistes se traduisant par l'augmentation du nombre de cantons au sud du département et la diminution du nombre de cantons situés au nord, en faisant valoir que les cantons de Florac et du Collet-de-Dèze, situés au sud, ont une population très inférieure à la moyenne départementale, alors que le canton d'Aumont-Aubrac, situé au nord, a une situation démographique inverse ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le canton de Florac, dont la population est inférieure de 17,71 % à la moyenne de la population du département, est défini sur des bases géographiques autour du Causse Méjean et réunit les communes des trois anciens cantons de Meyrueis, Florac et Sainte-Enimie ; que, si le projet de décret prévoyait que la population du canton du Collet-de-Dèze était inférieure de 19,15 % à la moyenne départementale, cet écart a été ramené à 14,75 % par le décret, qui délimite ce canton en fonction des Cévennes lozériennes ; que si la population du canton d'Aumont-Aubrac excède la moyenne départementale de 16,76 %, ce canton est défini autour du plateau de l'Aubrac et réunit les anciens cantons d'Aumont-Aubrac, de Fournels et de Nabisnals auxquels s'ajoutent trois communes qui ne pouvaient être maintenues dans le canton de Saint-Chély d'Apcher pour des raisons démographiques et qui sont unies par un lien d'appartenance à une même communauté de communes; que, par ailleurs, plusieurs cantons du nord du département ont une population inférieure à la moyenne départementale, tels que ceux de Langogne (- 18,56 %) et de Grandrieu (- 14,65 %), alors que la population de plusieurs cantons du sud, tels que ceux de La Canourgue et de Saint-Etienne-du-Valdonnez, est supérieure à cette moyenne ; que la communauté de communes n'établit pas en conséquence que la nouvelle carte cantonale reposerait sur des critères arbitraires ;

9. Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la requête de la communauté de communes des Hautes Terres doit être rejetée ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la communauté de communes des Hautes Terres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes des Hautes Terres et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 380316
Date de la décision : 19/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 nov. 2014, n° 380316
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:380316.20141119
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