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19/11/2014 | FRANCE | N°379992

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 19 novembre 2014, 379992


Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le département des Yvelines, représenté par le président de son conseil général ; le département demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-214 du 21 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département des Yvelines, ou à titre subsidiaire de l'annuler en tant qu'il concerne la délimitation des cantons n° 1 à 5, 7 à 9, 11 à 15, 18, 19 et 21 de ce département ;

2°) de mettre à

la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761...

Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le département des Yvelines, représenté par le président de son conseil général ; le département demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-214 du 21 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département des Yvelines, ou à titre subsidiaire de l'annuler en tant qu'il concerne la délimitation des cantons n° 1 à 5, 7 à 9, 11 à 15, 18, 19 et 21 de ce département ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990 ;

Vu la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 191-1 du code électoral, résultant de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral : " Le nombre de cantons dans lesquels seront élus les conseillers départementaux est égal, pour chaque département, à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l'unité impaire supérieure si ce nombre n'est pas entier impair. / Le nombre de cantons dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à dix-sept. Il ne peut être inférieur à treize dans chaque département comptant entre 150 000 et 500 000 habitants " ; qu'aux termes de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de cette même loi, applicable à la date du décret attaqué : " I. - Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil départemental qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. / (...) III. - La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : / a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants ; / IV. - Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques ; ou par d'autres impératifs d'intérêt général " ;

2. Considérant que le décret attaqué a, en application de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, procédé à une nouvelle délimitation des cantons du département des Yvelines, compte tenu de l'exigence de réduction du nombre des cantons de ce département de 39 à 21 résultant de l'article L. 191-1 du code électoral ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales que le territoire de chaque canton doit être établi sur des bases essentiellement démographiques, qu'il doit être continu et que toute commune de moins de 3 500 habitants doit être entièrement comprise dans un même canton, seules des exceptions de portée limitée et spécialement justifiées pouvant être apportées à ces règles ; que ni ces dispositions, ni aucun autre texte non plus qu'aucun principe n'imposent au Premier ministre de prévoir que les limites des cantons, qui sont des circonscriptions électorales, coïncident avec les périmètres des établissements publics de coopération intercommunale figurant dans le schéma départemental de coopération intercommunale, les limites mentionnés au schéma de cohérence territoriale, les limites des " bassins de vie " définis par l'Institut national de la statistique et des études économiques ou celles des " territoires d'action sociale du département ", unités administratives de l'action sociale de proximité conduite par le Conseil général ; que, par suite, le département ne saurait utilement soutenir que la nouvelle délimitation cantonale aurait méconnu ces différentes données ; que sont ainsi sans influence sur la légalité du décret attaqué les circonstances que les communautés d'agglomération de Versailles Grand Parc et Deux rives de Seine, les communautés de communes Boucle de la Seine, Gally-Mauldre, Plaisir-Les Clayes-Villepreux, Saint-Quentin-en-Yvelines et Vexin Seine, les schémas de cohérence territoriale du Mantois, de Poissy-Les Mureaux, de la Boucle de Seine et de Gally-Mauldre, ainsi que les " territoires d'action sociale " de Val de Seine et Oise, de Centre Yvelines, de Saint-Germain, de Sud Yvelines, de Grand Versailles et de Ville Nouvelle sont répartis sur plusieurs cantons ; qu'est, de même, sans influence sur la légalité du décret attaqué la circonstance que certains cantons réunissent, dans leur totalité ou partiellement, plusieurs communautés d'agglomération ou de communes, schémas de cohérence territoriales, " bassins de vie " ou territoires d'action sociale ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le décret attaqué réduit sensiblement le rapport entre la population du canton le moins peuplé et celle du canton le plus peuplé, qui était de 1 à 3,85 et s'établit de 1 à 1,46 ; qu'en outre, et sans que le Premier ministre y ait été tenu, la nouvelle délimitation cantonale inscrit 28 des anciens cantons à l'intérieur d'un seul nouveau canton ;

5. Considérant que, contrairement aux affirmations du département, les nouveaux cantons d'Aubergenville (n° 1), d'une population de 68 350 habitants, du Chesnay (n° 4), d'une population de 72 767 habitants, de Conflans-Sainte-Honorine (n° 5), d'une population de 61 482 habitants, de Mantes-la-Jolie (n° 8), d'une population de 75 916 habitants, de Maurepas (n° 9), d'une population de 71 756 habitants, de Plaisir (n° 12), d'une population de 57 195 habitants, de Poissy (n° 13), d'une population de 72 540 habitants, de Trappes (n° 18), d'une population de 62 202 habitants, de Verneuil-sur-Seine (n° 19), d'une population de 69 953 habitants, et de Versailles 2 (n° 21), d'une population de 72 173 habitants, présentent un écart de faible ampleur à la moyenne de population cantonale, qui s'établit à 67 084 habitants ; que les délimitations correspondantes ne peuvent donc être regardées comme méconnaissant le principe exprimé au a) du III de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales selon lequel le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le nouveau canton d'Aubergenville (n° 1) reprend l'intégralité du périmètre de l'ancien canton du même nom, dont les communes font partie des deux communautés de communes de Seine-Mauldre et de Gally-Mauldre, à l'exception de la commune d'Ecquevilly, membre de la même communauté de communes que Les Mureaux et rattachée au canton du même nom ; que le décret attaqué ajoute à ces communes celle d'Andelu, membre de la communauté de communes de Gally-Mauldre, ainsi que les communes membres de la communauté de communes Coeur d'Yvelines, à l'exception de la commune de Beynes, rattachée au nouveau canton de Plaisir (n° 12) afin de permettre à ce dernier d'atteindre une population suffisamment proche de la moyenne départementale ;

7. Considérant que le nouveau canton du Chesnay (n° 4) réunit l'intégralité de l'ancien canton du même nom et de celui de La Celle-Saint-Cloud, à l'exception de la commune de Louveciennes ; qu'il ajoute aux communes correspondantes celle de Bailly, du fait que cette dernière fait partie, comme les autres communes du canton, de la communauté d'agglomération Versailles Grand Parc ;

8. Considérant que, si le nouveau canton de Conflans-Sainte-Honorine (n° 5) ne comprend pas la commune d'Achères, voisine de celle de Conflans-Sainte-Honorine, il réunit l'intégralité de l'ancien canton du même nom et celui d'Andrésy, situés sur la rive droite de la Seine et dont le périmètre s'étend jusqu'aux limites du département ;

9. Considérant que le nouveau canton de Mantes-la-Jolie (n° 8) est constitué de la réunion de l'intégralité de l'ancien canton du même nom et de celui de Mantes-la-Ville, dont le périmètre s'inscrit dans celui de la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines ;

10. Considérant que le nouveau canton de Maurepas (n° 9) reprend l'intégralité de l'ancien canton de Chevreuse, à l'exception de la commune de Cernay-la-Ville, rattachée au canton de Rambouillet pour les raisons exposées au point 22 ; qu'il ajoute aux communes correspondantes, afin d'assurer un équilibre démographique, celles, contiguës à l'est, de Toussus-le-Noble et de Châteaufort et celles, jumelles, de Coignières et de Maurepas à l'ouest, lesquelles ne pouvaient être rattachées aux cantons voisins de Trappes ou de Rambouillet eu égard à leur population de 23 206 habitants ;

11. Considérant que le nouveau canton de Plaisir (n° 12) est constitué de l'intégralité de l'ancien canton du même nom et de la commune de Beynes, pour permettre au canton d'atteindre une population suffisante ; qu'en outre, celle-ci est membre de la communauté de communes Coeur d'Yvelines, dont fait également partie la commune de Thivergal-Grignon, incluse dans le périmètre de l'ancien canton concerné ;

12. Considérant que le nouveau canton de Poissy (n° 13) réunit l'intégralité de la commune de Poissy, auparavant scindée en deux cantons distincts, et lui adjoint les communes de Carrières-sous-Poissy et d'Achères pour des motifs démographiques ; qu'en tout état de cause, le rééquilibrage proposé par le département pour ce canton avec le canton de Conflans-Sainte-Honorine (n° 5) introduirait entre ces deux cantons un déséquilibre en sens inverse et de plus grande ampleur ;

13. Considérant que le nouveau canton de Trappes (n° 18) reprend l'ancien canton du même nom auquel il adjoint les communes d'Elancourt et de La Verrière, membres de la même communauté d'agglomération ;

14. Considérant que le nouveau canton de Verneuil-sur-Seine (n° 19) comprend l'intégralité des anciens cantons de Triel-sur-Seine, Poissy-Sud et Poissy-Nord, à l'exception de la commune de Poissy elle-même, unifiée au sein du nouveau canton du même nom et les trois communes de l'ancien canton de Saint-Nom-la-Bretèche, membres de la communauté de communes de Gally-Mauldre ;

15. Considérant que le nouveau canton de Versailles 2 (n° 21) réunit les anciens cantons de Viroflay, Vélizy-Villacoublay et Versailles-Sud, hormis, pour ce dernier, les communes de Toussus-le-Noble et de Châteaufort incluses dans le canton de Maurepas afin d'assurer à ce dernier un équilibre démographique ; que le constat que deux cantons contigus présenteraient des écarts à la moyenne départementale de sens contraire est sans influence sur la légalité du décret ; qu'aucun rééquilibrage de ce canton avec le canton de Montigny-le-Bretonneux (n° 10) n'est possible, sauf à scinder en deux parties la commune de Guyancourt, seule commune adjacente aux deux cantons ;

16. Considérant que la circonstance que d'autres délimitations auraient été possibles est sans influence sur la légalité du décret attaqué ; qu'eu égard à ce qui précède, le département ne peut être regardé comme apportant des éléments de nature à établir que la délimitation des nouveaux cantons d'Aubergenville (n° 1), du Chesnay (n° 4), de Conflans-Sainte-Honorine (n° 5), de Mantes-la-Jolie (n° 8), de Maurepas (n° 9), de Plaisir (n° 12), de Poissy (n° 13), de Trappes (n° 18), de Verneuil-sur-Seine (n° 19) et de Versailles 2 (n° 21) serait arbitraire ou reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation ;

17. Considérant, en revanche, que les nouveaux cantons de Bonnières-sur-Seine (n° 2), d'une population de 56 814 habitants, de Chatou (n° 3), d'une population de 77 887 habitants, de Limay (n° 7), d'une population de 54 914 habitants, des Mureaux (n° 11), d'une population de 56 068 habitants, de Rambouillet (n° 14), d'une population de 77 872 habitants, de Saint-Cyr l'Ecole (n° 15), d'une population de 55 671 habitants, présentent un écart à la population moyenne des cantons du département de, respectivement, - 15,13 %, 16,10 %, - 18,14 %, - 16,42 %, 16,08 % et - 17,01 % ;

18. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le nouveau canton de Bonnières-sur-Seine (n° 2) réunit l'ancien canton du même nom et celui de Guerville, à l'exception de la commune d'Andelu, rattachée au canton d'Aubergenville comme les autres communes de la communauté de communes dont elle fait partie, et de celles de Mézières-sur-Seine, d'Epône et de La Falaise, rattachées au canton de Limay afin d'assurer à ce dernier son équilibre démographique, ainsi que les communes de l'ancien canton d'Houdan, à l'exception de celle de Gambais, qui n'est pas membre de la communauté de communes du Pays Houdanais ;

19. Considérant que le nouveau canton de Chatou (n° 3), qui présente un caractère continu en dépit du fait qu'il est traversé par la Seine, est constitué de la réunion de l'intégralité de l'ancien canton du même nom, de l'ancien canton-commune du Vésinet, et de l'ancien canton de Marly-le-Roi, comprenant la commune du même nom et Port-Marly, à l'exception de la commune de Louveciennes dont la population de 7 245 habitants était trop importante pour qu'elle soit agrégée au canton de Chatou, déjà fortement peuplé ; qu'en tout état de cause, contrairement aux affirmations du département, aucun rééquilibrage direct de ce canton avec le canton de Conflans-Sainte-Honorine (n°5) n'aurait été possible dès lors que ce dernier ne lui est pas contigu ;

20. Considérant que le nouveau canton de Limay (n° 7) réunit l'intégralité de l'ancien canton du même nom auquel ont été ajoutées les communes d'Epône, de La Falaise et de Mézières-sur-Seine afin de lui permettre d'atteindre une population suffisamment proche de la moyenne départementale, sans que s'impose, contrairement aux affirmations du département, aucun rééquilibrage de ce canton avec le canton contigu des Mureaux (n° 11) ;

21. Considérant que, si la commune de Chapet est la seule de la communauté d'agglomération des Deux rives de Seine et du " territoire d'action sociale " de Val de Seine et Oise à être intégrée au nouveau canton des Mureaux (n° 11), celui-ci est constitué par la réunion de l'intégralité de l'ancien canton de Meulan-en-Yvelines, dont faisait partie la commune de Chapet, et de la commune d'Ecquevilly afin d'atteindre une population suffisamment proche de la moyenne départementale ;

22. Considérant que le nouveau canton de Rambouillet (n° 14) réunit l'intégralité de l'ancien canton du même nom et de celui de Saint-Arnoult-en-Yvelines ; que, si la commune de Cernay-la-Ville lui est également rattachée, celle-ci fait partie de la communauté de communes des Plaines et forêts des Yvelines, de sorte que toutes les communes de cet établissement public de coopération intercommunale se retrouvent ainsi intégrées au même canton ;

23. Considérant que le nouveau canton de Saint-Cyr-l'Ecole (n° 15) comprend l'intégralité de l'ancien canton du même nom ainsi que les communes de Chavenay, Rennemoulin et Villepreux, rattachée à l'ancien canton voisin de Saint-Nom-la-Bretèche, afin de lui permettre d'atteindre une population suffisamment proche de la moyenne départementale ;

24. Considérant, dans ces conditions, que le moyen tiré de ce que les délimitations des nouveaux cantons de Bonnières-sur-Seine (n° 2), de Chatou (n° 3), de Limay (n° 7), des Mureaux (n° 11), de Rambouillet (n° 14) et de Saint-Cyr l'Ecole (n° 15) n'auraient pas été définies sur des bases essentiellement démographiques doit être écarté ; que la circonstance que d'autres délimitations auraient été possibles est sans influence sur la légalité du décret attaqué ; qu'eu égard à ce qui précède, le département des Yvelines ne peut être regardé comme apportant des éléments de nature à établir que les choix retenus seraient arbitraires ;

25. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête du département des Yvelines doit être rejetée, y compris ses conclusions formulées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du département des Yvelines est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au département des Yvelines et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 379992
Date de la décision : 19/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 nov. 2014, n° 379992
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:379992.20141119
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