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19/11/2014 | FRANCE | N°379878

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 19 novembre 2014, 379878


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 avril 2014, la commune de Berry-Bouy, représentée par son maire, demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-206 du 21 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département du Cher ;

elle soutient que :

- la nouvelle délimitation des cantons ne pouvait être effectuée que par le législateur lui-même ;

- le décret attaqué aurait dû être soumis à l'approbation de l'ensemble des communes et des établissements publics de coopération intercomm

unale du département ;

- la concertation prévue par la circulaire du ministre de l'intérieur...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 avril 2014, la commune de Berry-Bouy, représentée par son maire, demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-206 du 21 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département du Cher ;

elle soutient que :

- la nouvelle délimitation des cantons ne pouvait être effectuée que par le législateur lui-même ;

- le décret attaqué aurait dû être soumis à l'approbation de l'ensemble des communes et des établissements publics de coopération intercommunale du département ;

- la concertation prévue par la circulaire du ministre de l'intérieur du 12 avril 2013 auprès des maires n'a pas eu lieu ;

- le projet n'était pas accompagné d'un document de présentation détaillé permettant d'expliquer les choix retenus ;

- le Gouvernement a commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu le principe de libre administration des collectivités territoriales posé par l'article 72 de la Constitution et l'article L. 1111-1 du code général des collectivités territoriales en prenant le décret attaqué sans préalablement consulter les communes ;

- la nouvelle délimitation des cantons ne respecte pas les périmètres des anciens cantons, des structures intercommunales et des " bassins de vie " et ne prend pas en compte l'allongement des distances entre communes à l'intérieur d'un même canton ;

- l'application du seul critère démographique conduit à d'importantes disparités de taille des cantons au détriment de la proximité géographique des communes ;

- la délimitation des cantons est arbitraire et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la commune de Berry-Bouy est rattachée au canton de Mehun-sur-Yèvre alors qu'elle est tournée vers la commune de Bourges et est membre de sa communauté d'agglomération ;

- la seule préoccupation des auteurs du décret est électoraliste.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2014, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête sont inopérants ou ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code électoral ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public.

1. Considérant que l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue de la loi du 17 mai 2013, prévoit que : " I. - Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil départemental qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. (...) III. - La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants ; / IV. - Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques ; ou par d'autres impératifs d'intérêt général " ;

Sur la légalité externe :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes des dispositions législatives précitées qu'il appartenait au Premier ministre de procéder, par décret en Conseil d'Etat, aux modifications des limites territoriales des cantons ainsi qu'à leur création ou à leur suppression ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que le décret attaqué a été pris sur avis du conseil général du Cher, émis le 24 janvier 2014 après examen du projet présenté par la préfète du Cher ; qu'il ressort des pièces du dossier que les conseillers généraux ont reçu le projet de décret, un rapport de présentation générale rappelant les principes qui ont été retenus pour déterminer les nouvelles cartes cantonales, la carte des nouveaux cantons, la carte des nouveaux cantons superposée à celle des anciens cantons, la carte des nouveaux cantons mentionnant les limites des établissements publics de coopération intercommunale, la carte des cantons urbains pour les communes fractionnées, un tableau synthétique des populations par cantons et un tableau de répartition des communes par canton ; que ces éléments permettaient à l'assemblée départementale d'émettre un avis sur les modalités de mise en oeuvre de la nouvelle délimitation des cantons prévue par le législateur et de faire des propositions spécifiques pour le département du Cher ; que, par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que la consultation du conseil général aurait été irrégulière ;

4. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales se bornent à prévoir la consultation du conseil général du département concerné à l'occasion de l'opération de création et suppression de cantons ; que ni le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, ni l'article L. 1111-1 du code général des collectivités territoriales ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposait au Gouvernement de consulter l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale, communes, élus locaux, habitants et électeurs du département, pas plus que de leur présenter le projet de décret préalablement à son édiction ; que la commune ne peut, à cet égard, se prévaloir des termes de la circulaire du ministre de l'intérieur du 12 avril 2013 relative à la méthodologie du redécoupage cantonal en vue de la mise en oeuvre du scrutin majoritaire aux élections départementales, laquelle est dépourvue de caractère réglementaire ;

Sur la légalité interne :

5. Considérant, en quatrième lieu, que, compte tenu des modalités de consultation qui ont été prévues par le législateur, la commune ne saurait utilement se prévaloir de ce que le Gouvernement aurait commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article L. 1111-1 du code général des collectivités territoriales en prenant le décret attaqué sans préalablement consulter les communes du département ;

6. Considérant, en cinquième lieu, que l'article 1er du décret attaqué procède à une nouvelle délimitation de l'ensemble des cantons du département du Cher, compte tenu de l'exigence de réduction du nombre des cantons de ce département de trente-cinq à dix-neuf résultant de l'application de l'article L. 191-1 du code électoral, en se fondant sur une population moyenne et en rapprochant la population de chaque canton de cette moyenne ; que le rapport entre la population du canton le moins peuplé et celle du canton le plus peuplé qui était, avant la nouvelle délimitation cantonale, de 1 à 7,5, a été réduit de 1 à 1,43 ;

7. Considérant, qu'aucune disposition n'impose au Premier ministre de prévoir que les limites des cantons, qui sont des circonscriptions électorales, coïncident avec les limites des circonscriptions législatives ou des anciens cantons et avec les périmètres des établissements publics de coopération intercommunale figurant dans le schéma départemental de coopération intercommunale ou des bassins économiques et sociaux existants ; que la proximité géographique de l'ensemble des communes composant un canton ou l'absence de disparité de superficie entre cantons ne sont pas davantage des critères de délimitation des circonscriptions électorales définis à l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, la commune ne saurait utilement soutenir que la nouvelle délimitation cantonale a méconnu ces différentes données ;

8. Considérant, en sixième lieu, que si la commune soutient que la nouvelle délimitation cantonale ne repose sur aucun critère objectif ainsi que le démontrerait la délimitation du nouveau canton de Mehun-sur-Yèvre, auquel elle a été rattachée, il ressort des pièces du dossier que ce canton, dont il n'est pas contesté que sa délimitation satisfait aux prescriptions du III de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, réunit les anciens cantons de Méhun-sur-Yèvre, dont faisait partie la commune de Berry-Bouy, et de Lucy-sur-Arnon, ainsi que la commune de Massay initialement rattachée au canton de Vierzon-Sud ; que, dans ces conditions, et alors même que la commune requérante fait partie de la communauté d'agglomération de Bourges et du pays de Bourges, elle ne peut être regardée comme apportant des éléments de nature à établir que la nouvelle délimitation des cantons serait arbitraire ou reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de la commune de Berry-Bouy doit être rejetée ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la commune de Berry-Bouy est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Berry-Bouy et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 379878
Date de la décision : 19/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 nov. 2014, n° 379878
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:379878.20141119
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