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12/11/2014 | FRANCE | N°382925

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 12 novembre 2014, 382925


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les syndicats Solidaires SUD Emploi et SUD Travail - Affaires sociales demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les dispositions du I de l'article 2 et, en tant qu'ils se réfèrent à la notion d'établissement au sens de ces dispositions, les articles 5 et 16 du décret n° 2014-524 du 22 mai 2014 portant modification des règles relatives à l'organisation et au fonctionnement de Pôle emploi ;

2°) de mettre à la

charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, à verser à chacun d'eux, au titre de l'a...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les syndicats Solidaires SUD Emploi et SUD Travail - Affaires sociales demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les dispositions du I de l'article 2 et, en tant qu'ils se réfèrent à la notion d'établissement au sens de ces dispositions, les articles 5 et 16 du décret n° 2014-524 du 22 mai 2014 portant modification des règles relatives à l'organisation et au fonctionnement de Pôle emploi ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, à verser à chacun d'eux, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la Constitution, notamment son article 34 ;

- la convention n° 81 concernant l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce adoptée par la conférence internationale du travail le 11 juillet 1947 ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 ;

- le code de justice administrative, notamment son article R. 611-8.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Combettes, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur les moyens relatifs à la qualification de Pôle emploi d'établissement public administratif :

1. Aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe " les règles concernant (...) la création de catégories d'établissements publics ". Pour l'application de ces dispositions, le caractère de l'établissement ne figure ni parmi les critères déterminant l'appartenance d'établissements publics à une même catégorie ni parmi les règles constitutives d'une telle catégorie qui ressortissent à la compétence du législateur. Dès lors, il appartient au pouvoir réglementaire de déterminer ce caractère, sous réserve de ne pas dénaturer les règles constitutives de l'établissement telles qu'elles sont définies par la loi.

2. Il résulte des dispositions de l'article L. 5312-1 du code du travail que " Pôle emploi est une institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière " qui a essentiellement pour mission de rapprocher les offres et les demandes d'emploi, d'accueillir, informer, orienter et accompagner les personnes à la recherche d'un emploi, de tenir à jour la liste des demandeurs d'emploi et de servir les allocations d'assurance et de solidarité. En vertu de l'article L. 5312-3 du même code, les objectifs qui lui sont assignés sont définis par une convention pluriannuelle conclue avec l'Etat et l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage. L'article L. 5312-4 du même code dispose que son conseil d'administration comprend cinq représentants de l'Etat, autant des employeurs et autant des salariés, ainsi que deux personnalités qualifiées et un représentant des collectivités territoriales. En vertu de l'article L. 5312-7 de ce code, son budget comporte quatre sections, une section " assurance chômage " financée par une contribution de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage, une section " solidarité " financée par une contribution de l'Etat et du Fonds de solidarité et des sections " intervention " et " fonctionnement et investissement " financées à titre principal par des contributions de l'Etat et de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage. Aux termes de l'article L. 5312-8 : " L'institution est soumise en matière de gestion financière et comptable aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales (...) ". Enfin, l'article L. 5312-9 prévoit que ses agents, sous certaines réserves, sont régis par le droit du travail et l'article L. 5312-13 que ses biens immobiliers relèvent en totalité de son domaine privé.

3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires à l'adoption de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi dont elles sont issues, que le législateur, en le créant par fusion de l'Agence nationale pour l'emploi et du réseau de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, a entendu faire de Pôle emploi un établissement public, tout en lui reconnaissant des spécificités importantes, liées notamment au rôle des partenaires sociaux et à la différence de statut existant précédemment entre l'Agence nationale pour l'emploi et les associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce.

4. Compte tenu des missions que la loi lui confie, qui sont de nature administrative, et des ressources qu'elle lui alloue, qui ont le caractère de prélèvements obligatoires, le pouvoir réglementaire a exactement qualifié Pôle emploi d'établissement public à caractère administratif, alors même qu'il est largement soumis à des règles de droit privé.

5. Il suit de là qu'en modifiant l'article R. 5312-1 du code du travail pour prévoir que " Pôle emploi est un établissement public à caractère administratif ", le décret attaqué, qui n'a pas créé une nouvelle catégorie d'établissement public, n'a ni empiété sur la compétence réservée au législateur par l'article 34 de la Constitution ni méconnu les dispositions législatives applicables à Pôle emploi.

Sur les autres moyens de la requête :

6. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 5312-9 du code du travail : " Les agents de l'institution nationale, qui sont chargés d'une mission de service public, sont régis par le présent code dans les conditions particulières prévues par une convention collective étendue agréée par les ministres chargés de l'emploi et du budget. Cette convention comporte des stipulations, notamment en matière de stabilité de l'emploi et de protection à l'égard des influences extérieures, nécessaires à l'accomplissement de cette mission. / Les règles relatives aux relations collectives de travail prévues par la deuxième partie du présent code s'appliquent à tous les agents de l'institution, sous réserve des garanties justifiées par la situation particulière de ceux qui restent contractuels de droit public (...) ". Les dispositions critiquées du décret du 22 mai 2014 ne font aucunement obstacle à l'application de l'article L. 5312-9 du code du travail. Par suite, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'elles excluraient les salariés de droit privé de Pôle emploi du bénéfice des dispositions du code du travail relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés ni, en tout état de cause, qu'elles entreraient en contradiction avec la convention collective nationale de Pôle emploi du 21 novembre 2009.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 8113-7 du code du travail : " Les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire. / Ces procès-verbaux sont transmis au procureur de la République (...) ". Aux termes de l'article L. 8113-8 du même code : " Les dispositions de l'article L. 8113-7 ne sont pas applicables à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics administratifs. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles les constatations des inspecteurs du travail dans ces établissements sont communiquées par le ministre chargé du travail aux administrations concernées ". Il résulte ainsi des dispositions législatives du code du travail qu'il existe deux régimes distincts quant aux modalités de prise en compte des constatations de l'inspecteur ou du contrôleur du travail, selon qu'elles ont été faites dans un établissement de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou de l'un de leurs établissements publics administratifs, ou bien dans une entreprise. Le pouvoir réglementaire ayant exactement qualifié Pôle emploi d'établissement public administratif, ainsi qu'il a été dit au point 4, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il l'aurait exclu à tort du champ d'application de l'article L. 8113-7 du code du travail et aurait, de ce fait, illégalement restreint les prérogatives des inspecteurs du travail.

8. En troisième lieu, il résulte des articles 1er et 22 de la convention n° 81 du 11 juillet 1947 concernant l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce, définissant son champ d'application, que celle-ci ne s'applique pas aux activités du secteur des services non commerciaux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ses stipulations est inopérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les syndicats requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des dispositions du décret du 22 mai 2014 qu'ils attaquent.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, dès lors, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête des syndicats Solidaires SUD Emploi et SUD Travail - Affaires sociales est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat Solidaires SUD Emploi et au syndicat SUD Travail-Affaires sociales.

Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 382925
Date de la décision : 12/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 nov. 2014, n° 382925
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Combettes
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:382925.20141112
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