La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2014 | FRANCE | N°377700

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 05 novembre 2014, 377700


Vu la procédure suivante :

1° Par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 avril 2014 sous le n° 377700, M. A...D..., la commune de Saint-Georges-Nigremont, M. C...B..., la commune de Magnat l'Etrange et la commune de La Courtine demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-161 du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Creuse ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à un nouveau découpage des cantons dans le département de la

Creuse et d'attribuer la qualification de bureau centralisateur à la commune de Croc...

Vu la procédure suivante :

1° Par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 avril 2014 sous le n° 377700, M. A...D..., la commune de Saint-Georges-Nigremont, M. C...B..., la commune de Magnat l'Etrange et la commune de La Courtine demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-161 du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Creuse ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à un nouveau découpage des cantons dans le département de la Creuse et d'attribuer la qualification de bureau centralisateur à la commune de Crocq dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte définitive de 300 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au bénéfice de chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 juillet 2014 sous le n° 382042, M. A...D..., la commune de Saint-Georges-Nigremont, M. C...B..., la commune de Magnat l'Etrange et la commune de La Courtine demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 5 mai 2014 rejetant leur recours gracieux formé contre le décret n° 2014-161 du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Creuse ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à un nouveau découpage des cantons dans le département de la Creuse et d'attribuer la qualification de bureau centralisateur à la commune de Crocq dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte définitive de 300 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

3° Par une requête enregistrée le 16 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 377760, la commune de Saint-Georges-Nigremont demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-161 du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Creuse ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

4° Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 avril et le 2 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 377780, la commune de La Courtine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-161 du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de la Creuse ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2013-938 du 18 octobre 2013 ;

- le décret n° 2012-1479 du 27 décembre 2012.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de M.D..., de la commune de Saint-Georges-Nigremont, de M. C...B..., de la commune de Magnat l'Etrange et de la commune de La Courtine sont dirigées contre le même décret. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l'article L. 191-1 du code électoral, résultant de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral : " Le nombre de cantons dans lesquels seront élus les conseillers départementaux est égal, pour chaque département, à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l'unité impaire supérieure si ce nombre n'est pas entier impair. / Le nombre de cantons dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à dix-sept. Il ne peut être inférieur à treize dans chaque département comptant entre 150 000 et 500 000 habitants ". Aux termes de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la même loi, applicable à la date du décret attaqué : " I. - Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil général qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. / (...) III. - La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : / a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants ; / IV. - Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques ou par d'autres impératifs d'intérêt général ".

3. Compte tenu de la réduction du nombre des cantons résultant de l'application de l'article L. 191-1 du code électoral, le décret attaqué a, sur le fondement de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, procédé à une nouvelle délimitation des cantons du département de la Creuse.

Sur la procédure d'élaboration du décret attaqué :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement aux allégations des requérants, le décret attaqué a été pris le Conseil d'Etat entendu. Il ressort de la copie de la minute de la délibération de la section de l'intérieur du Conseil d'Etat, produite le 30 septembre 2014 par le ministre de l'intérieur, que le texte publié ne contient pas de disposition qui diffèrerait à la fois du texte soumis au Conseil d'Etat et du texte adopté par lui. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait été pris sans consultation régulière du Conseil d'Etat ne peut par suite qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, le I de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, cité au point 2, impartit au conseil général un délai de six semaines à compter de sa saisine pour émettre un avis sur le projet de décret qui lui est soumis. L'article L. 3121-19 du même code dispose : " Douze jours au moins avant la réunion du conseil général, le président adresse aux conseillers généraux un rapport, sous quelque forme que ce soit, sur chacun des affaires qui doivent leur être soumises (...) ". Il ressort des pièces du dossier que le président du conseil général de la Creuse a transmis le projet de décret aux membres de ce conseil le 4 décembre 2013. L'assemblée départementale a délibéré le 17 décembre 2013 dans le respect des délais mentionnés ci-dessus. Le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas disposé d'un délai suffisant pour se prononcer ne peut par suite qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ". Le décret attaqué n'appelle aucune mesure d'exécution de la part du ministre délégué à la décentralisation ou du ministre de l'égalité des territoires et du logement. Par suite, le moyen tiré du défaut de contreseing de ces ministres doit être écarté.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 71 du décret du 18 octobre 2013, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué et dont la légalité n'est pas contestée: " (...) Pour la première délimitation générale des cantons opérée en application de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de l'article 46 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, (...), le chiffre de la population municipale auquel il convient de se référer est celui authentifié par le décret n° 2012-1479 du 27 décembre 2012 authentifiant les chiffres des populations (...) ". Il est constant que les nouveaux cantons du département de la Creuse ont été délimités sur la base des données authentifiées par le décret du 27 décembre 2012. Par suite, le moyen tiré de ce que les données retenues pour la délimitation des cantons de ce département ne correspondraient pas à la réalité démographique ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, ni l'article L. 3113-2 précité, ni aucun autre texte non plus qu'aucun principe n'imposait au Premier ministre de prévoir que les limites des cantons, qui sont des circonscriptions électorales, coïncident, ainsi qu'il est soutenu, avec les périmètres des établissements publics de coopération intercommunale ou avec les limites des " bassins de vie " définis par l'Institut national de la statistique et des études économiques.

9. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que le tracé du canton d'Auzances est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation à raison de son étendue puisqu'il regroupe trente-cinq communes appartenant à trois communautés de communes, sur plus de 40 kilomètres du nord au sud, il ressort des pièces du dossier d'une part, que, pour mettre en oeuvre les critères définis au III de l'article L. 3113-2 code général des collectivités territoriales, cité au point 2, le gouvernement a procédé à la délimitation des quinze nouveaux cantons du département de la Creuse en réduisant significativement l'écart existant entre la population du canton le moins peuplé et celle du canton le plus peuplé et d'autre part, que la population du canton d'Auzances (8 203 habitants), situé dans une zone de montagne de faible densité démographique, est presque exactement égale à la moyenne départementale de la population des cantons qui est de 8 202 habitants. Ainsi, la circonstance que le territoire de ce canton soit très étendu ne suffit pas à démontrer qu'en procédant à sa délimitation, au demeurant pertinente au regard des caractéristiques géographiques et du réseau routier, le gouvernement aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.

10. En quatrième lieu, le décret attaqué, s'il modifie la délimitation des cantons et désigne pour chacun d'eux un bureau centralisateur, n'a ni pour objet ni pour effet de procéder au transfert du siège des chefs-lieux de canton. Par suite, la circonstance que le décret attaqué désigne la commune d'Auzances comme bureau centralisateur du canton n° 3, désignation qui ne peut être regardée comme procédant d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'Auzances est le bourg le plus peuplé du nouveau canton, est sans incidence sur la détention de la qualité de chef-lieu de canton par les communes du Croq et de La Courtine.

11. En cinquième lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur à la requête de la commune de Saint-George-Nigremont, M.D..., la commune de Saint-Georges-Nigremont, M.B..., la commune de Magnat l'Etrange et la commune de La Courtine ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret attaqué et de la décision du ministre de l'intérieur du 5 mai 2014 rejetant leur recours gracieux formé contre ce décret. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de M. A...D..., de la commune de Saint-Georges-Nigremont, de M. C...B..., de la commune de Magnat l'Etrange et de la commune de La Courtine sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...D..., à la commune de Saint-Georges-Nigremont, à M. C...B..., à la commune de Magnat l'Etrange, à la commune de La Courtine, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 377700
Date de la décision : 05/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 nov. 2014, n° 377700
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:377700.20141105
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award