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05/11/2014 | FRANCE | N°366290

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 05 novembre 2014, 366290


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 22 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Association nationale des conseils financiers (ANACOFI), l'Association nationale des conseils financiers - conseils en investissements financiers (ANACOFI-CIF), et l'Association nationale des conseils financiers - intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (ANACOFI-IOBSP), ayant leurs sièges sociaux 21, boulevard des Batignolles, à Paris (75008) ; l'ANACOFI et autres demandent au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 décembre 2...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 22 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Association nationale des conseils financiers (ANACOFI), l'Association nationale des conseils financiers - conseils en investissements financiers (ANACOFI-CIF), et l'Association nationale des conseils financiers - intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (ANACOFI-IOBSP), ayant leurs sièges sociaux 21, boulevard des Batignolles, à Paris (75008) ; l'ANACOFI et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 décembre 2012 portant homologation des statuts de l'organisme en charge de la tenue du registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Japiot, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delvolvé, avocat de l'Association nationale des conseils financiers (ANACOFI) et autres ;

1. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 546-1 du code monétaire et financier : " Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement définis à l'article L. 519-1, les conseillers en investissements financiers définis à l'article L. 541-1 et les agents liés définis à l'article L. 545-1 sont immatriculés sur le registre unique prévu à l'article L. 512-1 du code des assurances. (...) " ; qu'aux termes du I de l'article L. 512-1 du code des assurances : " Les intermédiaires définis à l'article L. 511-1 doivent être immatriculés sur un registre unique des intermédiaires, qui est librement accessible au public. / Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'immatriculation sur ce registre et détermine les informations qui doivent être rendues publiques. Il détermine également les modalités de sa tenue par un organisme doté de la personnalité morale et regroupant les professions de l'assurance concernées. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 512-3 du même code : " I.- L'organisme prévu au deuxième alinéa du I de l'article L. 512-1 prend la forme d'une association. Les statuts de l'association ainsi créée sont homologués par arrêté du ministre chargé de l'économie./ II - L'organisme est chargé de l'établissement, de la tenue et de la mise à jour permanente du registre mentionné à l'article L. 512-1. A ce titre, il reçoit les dossiers de demandes d'immatriculation ou de renouvellement de l'immatriculation, statue sur ces demandes, effectue les radiations du registre (...)/ V.-Les statuts de l'organisme instituent une commission chargée des immatriculations au registre mentionné à l'article L. 512-1. Elle est composée de membres nommés pour une durée de cinq ans par arrêté du ministre chargé de l'économie (...). " ;

2. Considérant que l'article 8 des statuts de l'organisme en charge de la tenue du registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance, homologués par l'arrêté attaqué du ministre de l'économie et des finances, dispose que : " Conformément aux dispositions de l'article R. 512-3 du code des assurances, la commission chargée de l'immatriculation est composée de personnes nommées pour une durée de cinq ans par arrêté du ministre chargé de l'économie./ La commission ne délibère valablement que si la moitié de ses membres sont présents./ Chaque membre dispose d'une voix. Toutefois, lorsque l'un des membres de la commission a, directement ou indirectement, un intérêt dans le dossier examiné, il en informe les autres membres et ne prend pas part à la décision./ Les décisions de la commission sont adoptées à la majorité des deux tiers des voix exprimées. Le vote par procuration est interdit. / La commission peut entendre tout expert. " ;

Sur la compétence du Conseil d'Etat :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort :/ (...) 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point 1 que l'association dont les statuts ont été homologués par l'arrêté attaqué est chargée de tenir le registre prévu par l'article L. 512-1 du code des assurances et d'assurer le fonctionnement de la commission d'immatriculation instituée par les dispositions du V de l'article R. 512-3 du même code ; qu'eu égard à la portée des dispositions de l'article 8 des statuts citées au point 2, qui définissent les principes de fonctionnement de cette commission dotée de prérogatives de puissance publique, en instaurant notamment des règles de majorité qualifiée, l'arrêté attaqué doit être regardé comme revêtant un caractère réglementaire en tant qu'il homologue cet article ; que le Conseil d'Etat est, dès lors, contrairement à ce que soutient le ministre, compétent pour statuer sur l'ensemble des conclusions des associations requérantes dirigées contre cet arrêté ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

5. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, le ministre de l'économie et des finances était compétent, en vertu des dispositions de l'article R. 512-3 du code des assurances citées au point 1, pour signer seul l'arrêté attaqué homologuant les statuts de l'organisme en charge de la tenue du registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'un vice de procédure au motif qu'auraient été irrégulières la composition, la convocation et la délibération du comité consultatif de la législation et de la réglementation financière, lorsque celui-ci a émis un avis sur le projet d'arrêté, n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition ni aucun principe n'imposait la consultation préalable des associations requérantes avant l'homologation des statuts de l'organisme en cause ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne l'article 8 des statuts :

8. Considérant que l'article L. 512-1 du code des assurances, cité au point 1, prévoit qu'un décret détermine, s'agissant du registre unique des intermédiaires, les modalités de sa tenue par un organisme doté de la personnalité morale et regroupant les professions de l'assurance concernées ; qu'ainsi, l'article R. 512-3 du même code, pris pour l'application de ces dispositions législatives, n'a pu, sans les méconnaître, renvoyer purement et simplement aux statuts de l'organisme chargé de la tenue de ce registre le soin de fixer l'ensemble des modalités de fonctionnement de la commission chargée de l'immatriculation à ce registre, en s'abstenant d'en définir les principes, notamment de prévoir la possibilité d'introduire des règles de majorité qualifiée ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen invoqué à l'encontre de l'article 8 des statuts de cet organisme fixant les règles applicables à cette commission, l'arrêté attaqué est illégal en tant qu'il homologue cet article ;

En ce qui concerne les autres dispositions des statuts :

9. Considérant, en premier lieu, que si les membres fondateurs, dont l'existence est prévue par les statuts contestés et qui représentent les intermédiaires et les entreprises du secteur de l'assurance, disposent de six des dix sièges prévus au sein du conseil d'administration de l'association, il ne ressort pas des pièces du dossier que la répartition ainsi retenue serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que les membres fondateurs ne disposent d'aucune autre prérogative particulière dans la gestion de l'association ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué n'a méconnu aucune disposition ni aucun principe en homologuant les statuts litigieux, alors que ceux-ci ne prévoient pas expressément que les associations requérantes sont membres de l'association ;

11. Considérant, en troisième lieu, que le ministre de l'économie et des finances affirme, sans être contredit par les associations requérantes, que les associations représentant les professionnels de la banque et de la finance disposent de 40% des sièges au conseil d'administration de l'association, alors que ces professionnels représentent environ le tiers des inscrits au registre tenu par l'association ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ceux-ci ne seraient pas suffisamment représentés au sein de ce conseil doit, en tout état de cause, être écarté ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que, d'une part, contrairement à ce qu'affirment les associations requérantes, les modalités de désignation des membres du conseil d'administration sont suffisamment précises et n'empêchent pas l'élection en tant que président de ce conseil d'un de leurs représentants ; que, d'autre part, aucune disposition ni aucun principe général du droit n'impose une représentation des associations " pluridisciplinaires " au sein de ce conseil ;

13. Considérant, enfin, que la mention, à l'article 15 des statuts contestés, selon laquelle " l'association reprend les missions de gestion, de tenue et de mise à jour de la liste des courtiers d'assurance " ne méconnaît aucune des dispositions du code des assurances et du code monétaire et financier dont se prévalent les requérantes ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les associations requérantes sont seulement fondées à demander l'annulation de l'arrêté qu'elles attaquent en tant qu'il homologue l'article 8 des statuts de l'organisme en charge de la tenue du registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à chacune des associations requérantes, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêté du ministre de l'économie et des finances du 20 décembre 2012 est annulé en tant qu'il homologue l'article 8 des statuts de l'organisme en charge de la tenue du registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance.

Article 2 : L'Etat versera à l'Association nationale des conseils financiers (ANACOFI), l'Association nationale des conseils financiers - conseils en investissements financiers (ANACOFI-CIF), et à l'Association nationale des conseils financiers - intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (ANACOFI-IOBSP) une somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'Association nationale des conseils financiers (ANACOFI) et autres est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Association nationale des conseils financiers (ANACOFI), l'Association nationale des conseils financiers - conseils en investissements financiers (ANACOFI-CIF), l'Association nationale des conseils financiers - intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (ANACOFI-IOBSP) et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 366290
Date de la décision : 05/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 nov. 2014, n° 366290
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Japiot
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:366290.20141105
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