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15/10/2014 | FRANCE | N°371538

France | France, Conseil d'État, 8ème / 3ème ssr, 15 octobre 2014, 371538


Vu le pourvoi, enregistré le 22 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre délégué, chargé du budget ; il demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 11PA04711 du 20 juin 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement n° 0918147 du 13 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A...B...en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 et des pénalités correspondantes, l'a déc

hargé des rappels de taxe et des pénalités et a mis à la charge de l'...

Vu le pourvoi, enregistré le 22 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre délégué, chargé du budget ; il demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 11PA04711 du 20 juin 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement n° 0918147 du 13 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A...B...en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 et des pénalités correspondantes, l'a déchargé des rappels de taxe et des pénalités et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maryline Saleix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 293 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux rappels de taxe contestés : " I. - 1. Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France, à l'exclusion des redevables qui exercent une activité occulte au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'ils n'ont pas réalisé au cours de l'année civile précédente un chiffre d'affaires supérieur à : / a. 76 300 euros s'ils réalisent des livraisons de biens, des ventes à consommer sur place ou des prestations d'hébergement ; / b. 27 000 euros s'ils réalisent d'autres prestations de services. / 2. Lorsqu'un assujetti réalise des opérations relevant des deux limites définies au 1, le régime de la franchise ne lui est applicable que s'il n'a pas réalisé au cours de l'année civile précédente un chiffre d'affaires global supérieur à 76 300 euros et un chiffre d'affaires afférent à des prestations de services autres que des ventes à consommer sur place et des prestations d'hébergement supérieur à 27 000 euros. / II. (...) 2. Pour les assujettis visés au 2 du I, le régime de la franchise cesse de s'appliquer lorsque (...) le chiffre d'affaires de l'année en cours afférent aux prestations de services autres que les ventes à consommer sur place et les prestations d'hébergement dépasse le montant de 30 500 euros. " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...a exercé, entre le 7 mai 2005 et le 31 mars 2008, une activité de vente par correspondance de compléments nutritifs et de prestations de services de traitement de données et de fournitures d'information sous l'enseigne Valios ; qu'il s'est placé sous le régime de la micro-entreprise prévu pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur aux seuils fixés à l'article 293 B du code général des impôts ; que l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de la franchise le dispensant du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 ; que le ministre délégué, chargé du budget se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 juin 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, a prononcé la décharge de ces rappels de taxe et des pénalités correspondantes ;

3. Considérant que, pour statuer ainsi, la cour a jugé que l'administration ne pouvait pas cumuler les chiffres d'affaires de l'entreprise exploité par le contribuable et de l'établissement stable de la société de droit américain Olfica, dont M. B...était le représentant et qui exerçait de manière occulte une activité de même nature que celle de son entreprise individuelle, pour en déduire que M. B...avait, au titre des années 2005, 2006 et 2007, dépassé les limites du régime de la micro-entreprise ;

4. Considérant, toutefois, qu'il ressort de la proposition de rectification adressée au contribuable qui était au dossier soumis aux juges du fond, de sa demande introductive d'instance et de sa requête d'appel que les chiffres d'affaires réalisés par M. B...dans le cadre de son activité exercée sous l'enseigne Valios s'élevaient, pour les seules prestations de services de traitement de données et de fournitures d'informations, aux montants respectifs de 58 000 euros pour l'exercice clos en 2005 et de 60 000 euros pour chacun des exercices clos en 2006 et 2007 ; que, par suite, en ne soulevant pas d'office le moyen d'ordre public, dont le bien-fondé ressortait des pièces du dossier dont elle était saisie, tiré de ce que le contribuable, en raison des montants des prestations de services rendues qui excédaient le seuil de 30 500 euros fixé à l'article 293 B du code général des impôts, ne pouvait bénéficier de la franchise de taxe, la cour a commis une erreur de droit ; que, dès lors, le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée (...), elle peut (...), autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. (...) L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale ; ce pourvoi n'est pas suspensif. Les délais de pourvoi courent à compter de la notification ou de la signification de l'ordonnance. (...) " ;

7. Considérant qu'à la suite de l'arrêt Ravon et autres c/France (n° 18497/03) du 21 février 2008 par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les voies de recours ouvertes aux contribuables pour contester la régularité des visites et saisies opérées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne garantissaient pas l'accès à un procès équitable au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a prévu, pour les opérations prévues à l'article L. 16 B pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire avait été remis ou réceptionné antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, une procédure d'appel devant le premier président de la cour d'appel contre l'ordonnance autorisant la visite et un recours devant ce même juge contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, les ordonnances rendues par ce dernier étant susceptibles d'un pourvoi en cassation ; que le d du 1 du IV du même article 164 dispose que cet appel et ce recours sont ouverts pour les procédures de visite et de saisie ayant permis, comme en l'espèce, à l'administration d'obtenir des éléments à partir desquels des impositions faisant l'objet d'un recours contentieux ont été établies ; que le 3 du IV de ce même article fait obligation à l'administration d'informer les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouverts à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie, cet appel et ce recours étant exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement de ces opérations ;

8. Considérant que, ce faisant, le législateur s'est contenté de donner une nouvelle rédaction à l'article L. 16 B conforme aux exigences de la convention et a pu instituer, à titre transitoire, la possibilité de bénéficier rétroactivement de ces nouvelles voies de recours contre l'ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie ainsi que contre le déroulement de telles opérations antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 164 de cette loi, sans priver les contribuables d'aucune espérance légitime et, par suite, sans porter atteinte à un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la mise en oeuvre à l'égard de la société Olfica des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a estimé que cette société exerçait en France, par son représentant M.B..., une activité occulte de vente de produits para-pharmaceutiques et que celui-ci lui avait facturé, pour les besoins de cette activité, des prestations de traitement de données et de fournitures d'informations qu'elle a regardées comme étant imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à la suite de la mise en conformité du droit interne avec le droit conventionnel, la société Olfica, qui a fait l'objet d'une visite domiciliaire le 14 février 2008, a été mise à même, par un courrier du 19 novembre 2008, d'exercer les voies de droit nouvelles offertes par la loi du 4 août 2008 et de saisir le premier président de la cour d'appel d'un recours contre l'ordonnance autorisant la visite ou contre les opérations de saisies effectuées lors de la visite domiciliaire ; que, dès lors, en tout état de cause, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie à son encontre serait irrégulière en raison des conditions d'obtention de documents au cours des opérations de visites et de saisies dont la société Olfica avait fait l'objet de sorte que l'administration n'aurait pu fonder les rappels de taxe qui lui ont été notifiés sur des documents obtenus à cette occasion ;

Sur l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de services fournies par M. B...à la société Olfica :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts : dans sa rédaction alors applicable : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle " ; qu'aux termes de l'article 259 B du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : (...) 5° traitement de données et fournitures d'information(...). Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté " ; que ces dispositions, prises pour l'adaptation de la législation nationale à la directive du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doivent être interprétées à la lumière des objectifs de cette directive, notamment du e) du 2 de son article 9 qui prévoit que le lieu des prestations de services, au nombre desquelles figurent le traitement de données et la fourniture d'informations, " rendues à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l'endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de services a été rendue (...) " ; que, par suite, le lieu de l'établissement du preneur s'entend de l'endroit où il a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des pièces recueillies au cours du contrôle dont la société Olfica a fait l'objet que, comme l'a d'ailleurs jugé le tribunal administratif de Paris dans son jugement définitif du 13 septembre 2011, rendu dans le cadre de l'instance introduite par cette société aux fins de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui étaient réclamés, qu'elle disposait, au cours des années en litige, d'un établissement stable en France auquel ces prestations de services avaient été rendues ; qu'ainsi, en vertu des dispositions de l'article 259 B du code général des impôts, le lieu des prestations de traitement de données et de fournitures d'information facturées au cours des années 2005, 2006 et 2007 par M. B... à la société Olfica devait être réputé situé en France, de sorte que les sommes en constituant la contrepartie perçues par celui-ci étaient imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur la franchise de taxe sur la valeur ajoutée :

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les chiffres d'affaires annuels provenant de l'activité exercée par M. B...sous l'enseigne Valios, pour ce qui concerne les prestations de services de traitement de données et de fournitures d'informations, excédaient le seuil de 30 500 euros alors fixé à l'article 293 B du code général des impôts ; que, par suite, M. B...relevait au titre de ces années du régime d'imposition du réel simplifié et ne bénéficiait pas, en tout état de cause, de la franchise de taxe ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 20 juin 2013 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : La requête présentée par M. B...devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à M. A...B....


Synthèse
Formation : 8ème / 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 371538
Date de la décision : 15/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 oct. 2014, n° 371538
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maryline Saleix
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:371538.20141015
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