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10/09/2014 | FRANCE | N°383821

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 septembre 2014, 383821


Vu la requête, enregistrée le 19 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Monceau assurances, mutuelles associées, représentée par ses représentants légaux, dont le siège social est 65, rue de Monceau à Paris (75008) ; la société requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 12 juin 2014 par laquelle l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution l'a mise en demeure

de se mettre en conformité avec les prescriptions des articles R. 322-84 et R. ...

Vu la requête, enregistrée le 19 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Monceau assurances, mutuelles associées, représentée par ses représentants légaux, dont le siège social est 65, rue de Monceau à Paris (75008) ; la société requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 12 juin 2014 par laquelle l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution l'a mise en demeure de se mettre en conformité avec les prescriptions des articles R. 322-84 et R. 322-53-2 du code des assurances avant le 31 décembre 2014 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors, en premier lieu, que l'exécution de la mise en demeure implique sa dissolution en raison de l'impossibilité de trouver quatre nouvelles sociétés adhérentes et de l'opposition de ses trois associés à la création d'une société de groupe d'assurance ou, à tout le moins, a pour effet de lui interdire d'exercer ses attributions et de priver les administrateurs de leurs pouvoirs, en deuxième lieu, que la création d'une nouvelle structure et la renégociation du traité d'adhésion modifieraient profondément les équilibres régissant le groupe Monceau et seraient irréversibles et que l'inexécution de la décision rendra probable l'engagement de poursuites à son encontre, enfin que le juge du fond ne pourra pas se prononcer sur sa légalité avant son exécution et que la suspension demandée ne présente aucun risque pour la sécurité financière des marchés ;

- la mise en demeure du 12 juin 2014 a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- l'article R. 322-84 du code des assurances ne prévoit pas qu'une société de réassurance doive compter au moins sept membres à tout moment mais fixe uniquement le nombre d'adhérents nécessaires pour la constitution de la société, en tout état de cause, le non-respect de cet article n'est pas une cause de nullité de la constitution d'une société de réassurance et une interprétation contraire de cet article méconnaît la liberté d'entreprendre, la liberté du commerce et de l'industrie, le principe d'égalité et l'article 34 de la Constitution ;

- l'auteur de la mise en demeure a commis une erreur de fait et méconnu l'article R. 322-53-2 du code des assurances en estimant que le traité d'adhésion retire des compétences aux conseils d'administration des sociétés adhérentes ;

Vu la décision dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cette décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2014, présenté par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Monceau assurances, mutuelles associées une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors, en premier lieu, que la société Monceau, assurances mutuelles dispose de deux possibilités pour se conformer à la mise en demeure, que la dissolution de la société n'est qu'éventuelle, dès lors que le dépôt d'un dossier de constitution d'une société de groupe d'assurance mutuelle répondrait à la mise en demeure, qu'en second lieu, la société n'établit pas que les préjudices encourus seront particulièrement graves alors qu'aucune dissolution n'est imposée par la mise en demeure, que la mise en demeure, laquelle est prise dans le cadre des mesures de police confiées par la loi à l'Autorité qui doit faire respecter l'ordre public économique, n'appelle qu'une modification du traité de réassurance et n'induit pas de sanction ;

- la décision a été prise à l'issue d'une procédure régulière, dès lors que le vice-président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution était compétent pour décider d'une mise en demeure ;

- la décision est conforme à l'article R. 322-84 du code des assurances, l'obligation de réunir sept membres devant être respectée à tout moment après la constitution afin de ne pas priver cet article de son objet et de son effet utile, et l'article R. 322-84 du code des assurances ne méconnaît pas la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle, le principe d'égalité et l'article 34 de la Constitution, alors, au surplus, que, d'une part, les exceptions d'inconstitutionnalité soulevées à l'encontre d'une disposition réglementaire ne peuvent être retenues par le juge des référés, compte tenu de son office, et que, d'autre part, le décret a été pris en application d'une disposition législative, qu'enfin, le moyen tiré de la violation de l'article 34 de la Constitution étant inopérant ;

- l'auteur de la décision n'a pas commis d'erreur de droit ou de fait dès lors les traités d'adhésion à la société Monceau assurances, mutuelles associés méconnaissent l'article R. 322-53-2 du code des assurances ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 3 septembre 2014, présentée pour la société Monceau assurances, mutuelles associées qui tend aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

elle soutient, en outre, que :

- la délégation de compétence n'est pas signée et l'empêchement n'est pas établi;

- le juge des référés peut se prononcer sur l'inconstitutionnalité de dispositions réglementaires et les articles L. 322-26-6 et L. 310-7 du code des assurances se bornent à habiliter le pouvoir réglementaire à fixer les conditions de constitution des sociétés exerçant une activité de réassurance sans fixer de règle de fond, les exceptions d'inconstitutionnalités relèvent de l'office du juge des référés et, en l'espèce, aucune disposition législative n'empêche ce contrôle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son préambule et son article 34 ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Monceau assurances mutuelles associées, d'autre part, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 5 septembre 2014 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Monceau assurances, mutuelles associées ;

- les représentants de la société Monceau assurances, mutuelles associées ;

- les représentants de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant que la section IV du code des assurances est consacrée aux sociétés d'assurance mutuelle ; qu'elle contient un article R. 322-47 aux termes duquel " les projets de statuts doivent : 1° Indiquer l'objet, la durée, le siège, la dénomination de la société et la circonscription territoriale de ses opérations, déterminer le mode et les conditions générales suivant lesquels sont contractés les engagements entre la société et les sociétaires, et préciser les branches d'assurance garanties directement ou acceptées en réassurance ; 2° Fixer le nombre minimal d'adhérents, qui ne peut être inférieur à 500 ; ce nombre minimal est fixé à sept pour les organismes mentionnés à l'article 1235 du code rural " ; que son article R. 322-84 relatif aux sociétés de réassurance dispose qu': " il peut être formé, entre sociétés régies par la présente section, des sociétés de réassurance à forme mutuelle ayant pour objet la réassurance des risques garantis directement par les sociétés qui en font partie.... Ces sociétés de réassurance sont soumises aux dispositions de la présente section. Toutefois, elles sont valablement constituées lorsqu'elles réunissent au moins sept sociétés adhérentes ; leurs statuts fixent, sans condition de montant minimal, le montant de leur fonds d'établissement ; l'assemblée générale est composée de toutes les sociétés adhérentes. " ;

3. Considérant qu'eu égard aux dispositions de l'article R. 322-84 du code des assurances qui constitue une dérogation à l'article R. 322-47 du même code et à la rédaction de ce dernier article, le moyen tiré de ce que le vice-président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a fait une inexacte application de l'article R. 322-84 du code en mettant en demeure la société Monceau assurances, mutuelles associées de s'y conformer au motif qu'il " prévoit qu'une société de réassurance mutuelle n'est valablement constituée que si elle réunit au moins sept membres, ce nombre devant être respecté à tout moment après sa constitution " ne paraît pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la mise en demeure, alors même que le code des assurances n'impose pas de dissoudre les sociétés de réassurance mutuelle qui n'auraient pas respecté cette disposition ;

4. Considérant que les autres moyens soulevés par la société Monceau assurances, mutuelles associées ne peuvent pas être regardés comme étant de nature à susciter un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la requête doit être rejetée ;

6. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante une somme de 3 000 euros à verser à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la société Monceau assurances, mutuelles associées est rejetée.

Article 2 : La société Monceau assurances, mutuelles associées versera une somme de 3 000 euros à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Monceau assurances, mutuelles associées et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 383821
Date de la décision : 10/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 sep. 2014, n° 383821
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:383821.20140910
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