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30/07/2014 | FRANCE | N°359402

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 30 juillet 2014, 359402


Vu, 1° sous le n° 359483, la requête, enregistrée le 16 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'Automobile-club des avocats, dont le siège est 9-11, place Dauphine, à Paris (75001), représenté par son président, et par la Ligue des droits de l'homme, dont le siège est 138, rue Marcadet, à Paris (75018), représentée par son président ; les associations requérantes demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 février 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriale

s et de l'immigration, publié au Journal officiel du 16 mars 2012, autorisant ...

Vu, 1° sous le n° 359483, la requête, enregistrée le 16 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'Automobile-club des avocats, dont le siège est 9-11, place Dauphine, à Paris (75001), représenté par son président, et par la Ligue des droits de l'homme, dont le siège est 138, rue Marcadet, à Paris (75018), représentée par son président ; les associations requérantes demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 février 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, publié au Journal officiel du 16 mars 2012, autorisant la création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " automatisation du registre des entrées et sorties des recours en matière de contravention " (ARES) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à chacune d'entre elles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le n° 359402, la requête, enregistrée le 15 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. D...A..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 35 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu, 3° sous le n° 359495, la requête, enregistrée le 16 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. C...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Vu la convention n° 108 du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981 ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la route ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thierry Carriol, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un arrêté du 20 février 2012, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), le ministre de l'intérieur a autorisé la création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " automatisation du registre des entrées et sorties des recours en matière de contravention " (ARES) et géré par la préfecture de police ; qu'aux termes de l'article 1er de cet arrêté, ce traitement a pour finalités de " traiter les requêtes en exonération et les réclamations des personnes mises en cause dans le cadre d'un procès-verbal de constatation d'une contravention des quatre premières classes et celles concernées par un titre exécutoire dans le cadre de la procédure d'amende forfaitaire " et de produire des statistiques ; que, par des requêtes qu'il y a lieu de joindre, l'Automobile club des avocats, la Ligue des droits de l'homme, M. A...et M. B... demandent l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ;

Sur la légalité externe :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " Sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et : / 1° Qui intéressent la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique ; / 2° Ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté. / L'avis de la commission est publié avec l'arrêté autorisant le traitement " ;

3. Considérant que le traitement autorisé par l'arrêté attaqué a pour objet de traiter les requêtes en exonération de l'amende forfaitaire prévue à l'article 529 du code de procédure pénale qui sont présentées sur le fondement des dispositions du premier alinéa de l'article 529-2 du même code, ainsi que les réclamations introduites à l'encontre des amendes forfaitaires majorées prévues au second alinéa de l'article 530 du même code ; que, dès lors que ces requêtes ou ces réclamations visent à obtenir du service verbalisateur l'extinction des poursuites dont les contrevenants font l'objet, leur gestion, que permet le traitement automatisé de données à caractère personnel litigieux, doit être regardée comme ayant pour objet la poursuite des infractions et l'exécution des condamnations contraventionnelles ; qu'il s'ensuit que le traitement litigieux relève, contrairement à ce qui est soutenu, du champ d'application du I de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 et non du I de son article 25 qui subordonne la création des fichiers qu'il mentionne à l'autorisation préalable de la CNIL ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CNIL devait être consultée, comme elle l'a été, sur le fondement du I de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 et que le ministre de l'intérieur était compétent pour prendre l'arrêté attaqué ;

5. Considérant qu'il ne résulte ni de la loi du 6 janvier 1978 ni d'aucune autre disposition que cet acte, qui a un caractère réglementaire, aurait dû être motivé ;

Sur les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 :

6. Considérant qu'aux termes de cet article : " Un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes : / 3° Elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs ; / 4° Elles sont exactes, complètes et, si nécessaire, mises à jour (...) " ; que le 5° du même article autorise la conservation de données collectées dans le cadre d'un traitement automatisé " pendant une durée qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées " ;

7. Considérant, en premier lieu, que le traitement automatisé de données à caractère personnel autorisé par l'arrêté attaqué prévoit l'enregistrement de certaines données relatives à l'identité du propriétaire du véhicule et, le cas échéant, de l'auteur de l'infraction, à savoir la civilité, le nom, le prénom, la date et le lieu de naissance, le sexe et l'adresse ; que les procès-verbaux d'infraction sont soit délivrés directement à l'auteur de l'infraction au moment où celle-ci est commise, soit adressés aux titulaires du certificat d'immatriculation du véhicule verbalisé ; que si ces derniers ne sont pas nécessairement les propriétaires du véhicule, ils ne sont pas, dans pareille hypothèse, dépourvus de tout lien avec ceux-ci ; que, dès lors, eu égard aux finalités du traitement automatisé mis en place, ce dernier a pu légalement prévoir, compte tenu du nombre limité de cas où le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule verbalisé n'en est pas le propriétaire, l'enregistrement des données relatives au propriétaire du véhicule ; que, d'ailleurs, dans l'hypothèse où ce propriétaire ne serait pas l'auteur de l'infraction commise, il lui est toujours loisible de formuler une requête en exonération ou une réclamation sur ce motif ; que, dans ces conditions, les données ainsi collectées par le traitement autorisé par l'arrêté contesté relatives aux propriétaires des véhicules ou, le cas échéant, aux auteurs de l'infraction, sont en relation directe avec l'objet du traitement ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des 3° et 4° de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 au motif que les données recueillies ne seraient pas exactes, pertinentes et adéquates doit être écarté ;

8. Considérant, en second lieu, que l'article 3 de l'arrêté attaqué prévoit que la durée de conservation des données dans le traitement est de cinq ans " à partir de la date du dernier fait enregistré à l'occasion d'une même affaire " ; que le traitement contesté a pour objet, ainsi qu'il a été dit, de traiter les requêtes en exonération et les réclamations présentées sur le fondement des articles 529-2 et 530 du code de procédure pénale ; que ces requêtes et réclamations aboutissent, après examen, soit au prononcé d'une exonération par les services compétents, soit au paiement de l'amende forfaitaire ou de l'amende forfaitaire majorée, le cas échéant, au terme d'une procédure juridictionnelle ; que dès lors, ainsi que l'a d'ailleurs noté dans son avis la Commission nationale de l'informatique et des libertés, le " dernier fait enregistré " mentionné à l'article 3 de l'arrêté litigieux doit nécessairement être entendu comme le fait constitutif de la contravention ou tout acte postérieur interruptif de la prescription ; que l'arrêté attaqué a ainsi fixé une durée de conservation qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles les données sont collectées et traitées ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 doit être écarté ;

Sur les autres moyens :

9. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi et qu'aucun des autres moyens n'est assorti de précision suffisante pour en apprécier le bien-fondé ; que ces moyens ne peuvent, dès lors, qu'être écartés ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête de M.B..., les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 20 février 2012 ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de l'Automobile-club des avocats et de la Ligue des droits de l'homme, de M. A...et de M. B...sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Automobile-club des avocats, à la Ligue des droits de l'homme, à M. D...A..., à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 359402
Date de la décision : 30/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2014, n° 359402
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thierry Carriol
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:359402.20140730
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