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23/07/2014 | FRANCE | N°366470

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 23 juillet 2014, 366470


Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 28 février, 28 mai et 20 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B..., demeurant... ; Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1009675 du 28 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 5 mai 2010 du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations refusant de lui accorder l'allocation temporaire d'invalidité, confirmée sur reco

urs gracieux le 7 octobre 2010, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint...

Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 28 février, 28 mai et 20 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B..., demeurant... ; Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1009675 du 28 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 5 mai 2010 du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations refusant de lui accorder l'allocation temporaire d'invalidité, confirmée sur recours gracieux le 7 octobre 2010, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations de lui accorder cette allocation ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que d'une somme de 35 euros correspondant au montant de la contribution à l'aide au titre de l'article R. 761-1 du même code ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

Vu le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ;

Vu l'arrêté du 6 mars 2007 fixant les conditions d'immunisation des personnes visées à l'article L. 3111-4 du code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Collet, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme A...et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la Caisse des dépôts et consignations ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a reçu le 15 juin 2000, soit deux semaines avant son recrutement le 1er juillet 2000 comme aide-soignante au centre médical Fernand Bezançon, devenu centre hospitalier de Carnelle, à Saint Martin du Tertre (Val d'Oise), une injection de rappel du vaccin contre l'hépatite B ; que, six mois après cette vaccination, elle a présenté un syndrome associant myalgies, arthralgies et asthénie ; qu'une biopsie musculaire a révélé la présence de lésions de myofasciite à macrophages à l'emplacement de l'injection ; que le centre hospitalier a reconnu le 15 juillet 2009, après avis de la commission de réforme des agents hospitaliers, que les troubles, à l'origine d'une incapacité permanente partielle de 68 %, étaient imputables à la vaccination et que l'intéressée avait été victime d'un accident de service ; que, par une décision du 5 mai 2010 confirmée sur recours gracieux le 7 octobre 2010, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations lui a toutefois refusé le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité au motif que le fait à l'origine de ses troubles de santé était antérieur à sa prise de fonctions ; que Mme A...se pourvoit en cassation contre le jugement du 28 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 10 du code de la santé publique, en vigueur à la date de la vaccination subie par MmeA..., dont les dispositions ont ensuite été reprises à l'article L. 3111-4 du même code : " Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 26 avril 1999 fixant les conditions d'immunisation des personnes visées à l'article précité : " Les obligations vaccinales des personnes visées à l'article L. 10 du code de la santé publique concernent toute personne qui, dans un établissement ou un organisme public ou privé de soins ou de prévention, exerce une activité susceptible de présenter un risque d'exposition à des agents biologiques tel que le contact avec des patients, avec le corps de personnes décédées ou avec des produits biologiques soit directement (contact, projections), soit indirectement (manipulation et transport de dispositifs médicaux, de prélèvements biologiques, de linge ou de déchets d'activité de soins à risque infectieux) " ; qu'aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Avant leur entrée en fonctions, ou au moment de leur inscription dans un établissement d'enseignement, les personnes visées à l'article 1er sont tenues d'apporter la preuve qu'elles ont subi les vaccinations exigées. A défaut, elles ne peuvent exercer une activité susceptible de présenter un risque d'exposition à des agents biologiques tant que les conditions de vaccination ne sont pas remplies " ;

3. Considérant qu'en jugeant que le rappel de vaccination contre l'hépatite B subi par Mme A...le 15 juin 2000, soit deux semaines avant son intégration dans les effectifs du centre médical Fernand Bezançon, n'avait pas été réalisé en vue de son recrutement en qualité d'aide-soignante, alors que ce recrutement la soumettait à une obligation vaccinale à laquelle elle devait satisfaire avant son entrée en fonctions, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les établissements (...) sont tenus d'allouer aux fonctionnaires qui ont été atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 p. 100 ou d'une maladie professionnelle, une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec leur traitement dans les mêmes conditions que les fonctionnaires de l'Etat. Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par voie réglementaire " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " L'allocation est attribuée aux fonctionnaires maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : a) soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 10 % (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que le rappel de vaccination contre l'hépatite B subi par Mme A...a été effectué en vue de son entrée en fonctions et pour satisfaire à l'obligation instituée par les dispositions précitées et, d'autre part, que la pathologie dont l'intéressée est atteinte doit être regardée comme la conséquence de cette vaccination, ainsi d'ailleurs que le centre hospitalier l'a reconnu le 15 juillet 2009 ; que Mme A...a ainsi été victime d'un accident de service ; que cet accident ayant entraîné une incapacité permanente partielle de 68 %, supérieure au seuil défini par les dispositions précitées du a) de l'article 2 du décret du 2 mai 2005, l'intéressée remplit les conditions pour bénéficier de l'allocation temporaire d'invalidité ; que, dès lors, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations ne pouvait légalement lui en refuser le bénéfice ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de sa demande, Mme A...est fondée à demander l'annulation des décisions du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations des 5 mai et 7 octobre 2010 refusant de lui attribuer l'allocation temporaire d'invalidité ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que l'exécution de la présente décision implique nécessairement que l'allocation temporaire d'invalidité soit attribuée à Mme A...; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations de lui en reconnaître le bénéfice dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations le versement à Mme A...à ce titre d'une somme globale de 3 000 euros ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 28 décembre 2012 est annulé.

Article 2 : Les décisions du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations des 5 mai et 7 octobre 2010 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations de reconnaître à Mme A...le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : La Caisse des dépôts et consignations versera une somme globale de 3 000 euros à Mme A...au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...et à la Caisse des dépôts et consignations.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 366470
Date de la décision : 23/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2014, n° 366470
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Collet
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:366470.20140723
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