Vu le jugement du 24 mai 2013, enregistré le 30 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la SARL Sigmalis ;
Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 18 avril 2012, présentée par la SARL Sigmalis, dont le siège est 12, rue Moissonnier à Lyon (69003), tendant :
1°) à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur sa demande d'abrogation de l'arrêté du 12 décembre 2006 créant le site www.prix-carburants.gouv.fr et de réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la création de ce site ;
2°) à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 975 000 euros en réparation du préjudice subi ;
3°) à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'économie et des finances de supprimer le site internet www.prix-carburants.gouv.fr, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le décret n° 2005-671 du 16 juin 2005 ;
Vu l'arrêté du 12 décembre 2006 relatif à l'information du consommateur sur les prix de vente des carburants ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Anfruns, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de la société Sigmalis ;
1. Considérant que la SARL Sigmalis exploite depuis février 2006 un site internet de comparaison des prix des carburants sur le territoire national, dénommé " Zagaz ", qui fonctionne selon un modèle collaboratif, les prix pratiqués par les différents distributeurs étant renseignés par les internautes volontaires ; que par un arrêté du 12 décembre 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a mis en oeuvre un traitement informatisé de données qui consiste, par le biais d'un site internet créé à cet effet, à recueillir les prix de vente au détail de carburants auprès des distributeurs et à mettre en ligne ces informations ; que par un courrier du 20 décembre 2011, reçu dans les services du ministère le 21 décembre suivant, la société Sigmalis a demandé l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la création de ce site internet ainsi que sa suppression ; qu'en l'absence de réponse à cette demande, elle a saisi le tribunal administratif de Paris, qui a transmis sa requête au Conseil d'Etat en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative ; que sa requête doit être regardée comme tendant, d'une part, à l'annulation de la décision, née du silence gardé par le ministre en charge de l'économie, refusant d'abroger l'arrêté du 12 décembre 2006 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 975 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la création de ce site internet ;
Sur la compétence du Conseil d'Etat :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres (...) ; " ; qu'aux termes de l'article R. 341-1 du même code : " Lorsque le Conseil d'Etat est saisi de conclusions relevant de sa compétence de premier ressort, il est également compétent pour connaître de conclusions connexes relevant normalement de la compétence de premier ressort d'un tribunal administratif " ;
3. Considérant qu'eu égard à la connexité existant entre les conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant l'abrogation de l'arrêté du 12 décembre 2006, qui présente un caractère réglementaire, que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort en vertu du 2° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative et celles qui tendent à la réparation du préjudice qui résulterait de ce même arrêté, le Conseil d'Etat est compétent, en application des dispositions précitées de l'article R. 341-1 du même code, pour connaître également en premier ressort des conclusions indemnitaires présentées par la société requérante ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée :
4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 113-3 du code de la consommation, reprenant l'article 28 l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence : " Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services doit, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et les conditions particulières de la vente, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l'économie, après consultation du Conseil national de la consommation. " ; que l'arrêté du 8 juillet 1988 relatif à la publicité des prix de vente des carburants a été pris pour l'application de ces dispositions ; que l'article 2 de l'arrêté litigieux du 12 décembre 2006 relatif à l'information du consommateur sur les prix de vente des carburants insère dans cet arrêté du 8 juillet 1988 un article 5 ainsi rédigé : " Tout distributeur exerçant une activité de vente au détail de carburants affiche ses prix de vente au détail aux consommateurs de supercarburant sans plomb 95, de gazole et de superéthanol E 85 sur le site internet : www.prix-carburants.gouv.fr. Toute modification du prix de vente est en outre immédiatement affichée./ La communication par le distributeur des prix de vente en vue de leur affichage sur le site internet précité s'effectue par internet ou par un service vocal./Le changement de prix peut être communiqué avant la modification effective du prix dans le point de vente si le distributeur précise la date et l'heure à laquelle le changement de prix deviendra effectif./Dans le cadre de l'obligation d'affichage des prix de vente sur le site internet précité, tout distributeur exploitant un point de vente au détail de carburants s'inscrit auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il peut à tout moment modifier les données descriptives, notamment administratives, le concernant, soit directement sur le site internet, soit par courrier adressé au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. " ; qu'il résulte de l'article 5 de l'arrêté du 12 décembre 2006, modifiant l'article 8 de l'arrêté du 8 juillet 1988, que le respect de cette obligation est contrôlé par les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ; qu'en vertu de l'article R. 113-1 du code de la consommation, les infractions à cette obligation sont punies de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article L. 113-3 précité du code de l'énergie que le ministre chargé de l'économie était compétent pour prendre les arrêtés mentionnés ci-dessus des 8 juillet 1988 et 12 décembre 2006 ; que le moyen tiré de ce que le site internet www.prix-carburants.gouv.fr aurait été créé par une autorité incompétente ne peut, dès lors, qu'être écarté ; qu'en outre et contrairement à ce qui est soutenu, la création d'un tel site entrait dans les attributions du ministre de l'économie en raison de sa compétence en matière de consommation, en vertu de l'article 1er du décret du 16 juin 2005 relatif aux attributions du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
6. Considérant, en second lieu, qu'en prévoyant le recueil d'informations sur le site internet www.prix-carburants.gouv.fr, en vue de leur diffusion sur l'ensemble du territoire national, l'arrêté litigieux s'est borné à faciliter, dans le secteur de la distribution des carburants, l'information due aux consommateurs en vertu de la loi ; qu'il ne fait pas obstacle à ce que des personnes privées offrent, à titre onéreux, des prestations de services relatives aux prix des carburants ; qu'il n'emporte aucune intervention de l'Etat sur un marché ; qu'il n'est dès lors contraire ni au principe de la liberté du commerce et de l'industrie ni, en tout état de cause, au droit de la concurrence ;
7. Considérant que si la société requérante fait valoir que les données ainsi recueillies peuvent être réutilisées sous réserve de la signature de licences et du paiement d'une redevance dont le montant est, selon elle, excessif, les conditions de cette réutilisation sont fixées par un arrêté du 22 janvier 2009, dont la société requérante n'a pas demandé l'abrogation, et non par l'arrêté litigieux du 12 décembre 2006 ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Sigmalis n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite du ministre chargé de l'économie refusant d'abroger l'arrêté du 12 décembre 2006 ; que ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
9. Considérant que la SARL Sigmalis demande, à titre principal, l'engagement de la responsabilité pour faute de l'Etat ; que, toutefois, il résulte de ce qui précède que ni le refus d'abroger l'arrêté du 12 décembre 2006 ni la création, en application de cet arrêté, du site internet www.prix-carburants.gouv.fr ne sont constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, d'autre part, si la société requérante peut être regardée comme se prévalant également d'une faute qui résulterait de la fixation par l'Etat d'une redevance excessive pour la réutilisation des données figurant dans la base de données informatique du ministère de l'économie relative au prix des carburants, laquelle serait constitutive d'un abus de position dominante, il résulte, en tout état de cause, de l'instruction que, compte tenu du fonctionnement de son site internet sur un modèle collaboratif, elle ne réutilise pas ces données, n'a ainsi pas à verser une telle redevance à l'Etat et ne peut se prévaloir d'un quelconque préjudice à ce titre ;
10. Considérant que la SARL Sigmalis demande, à titre subsidiaire, une indemnisation sur le fondement du principe d'égalité devant les charges publiques ; qu'elle ne justifie toutefois pas de l'existence d'un préjudice anormal, dès lors, notamment, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la création du site internet www.prix-carburants.gouv.fr entraînerait à terme, comme elle le prétend, la cessation certaine de son activité ; qu'en particulier, la fréquentation de son site a continué d'augmenter en 2007 et a doublé en 2008, puis, après avoir diminué, a retrouvé un nombre de visiteurs équivalent en 2011 à celui de 2008 ;
11. Considérant que la SARL Sigmalis n'est, dès lors, pas fondée à demander que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 975 000 euros en réparation des préjudices qu'elle invoque;
Sur les conclusions de la SARL Sigmalis présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SARL Sigmalis est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL Sigmalis et au ministre des finances et des comptes publics.