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09/07/2014 | FRANCE | N°367824

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 09 juillet 2014, 367824


Vu 1°), sous le n° 367824, la protestation, enregistrée le 16 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. F...D..., demeurant à ...Futuna ; M. D...demande au Conseil d'Etat d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 17 mars 2013 dans la circonscription d'Alo (Futuna) en vue de la désignation des membres de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna ;

Vu 2°), sous le n° 367825, la protestation, enregistrée le 16 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. J...A..., demeurant

...à Futuna ; M. A...demande au Conseil d'Etat d'annuler les opérations ...

Vu 1°), sous le n° 367824, la protestation, enregistrée le 16 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. F...D..., demeurant à ...Futuna ; M. D...demande au Conseil d'Etat d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 17 mars 2013 dans la circonscription d'Alo (Futuna) en vue de la désignation des membres de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna ;

Vu 2°), sous le n° 367825, la protestation, enregistrée le 16 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. J...A..., demeurant à ...à Futuna ; M. A...demande au Conseil d'Etat d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 17 mars 2013 dans la circonscription d'Alo (Futuna) en vue de la désignation des membres de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi nº 61-814 du 29 juillet 1961 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

1. Considérant que les protestations présentées par MM. D...et A...tendent à l'annulation des mêmes opérations électorales ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant que, lors des opérations électorales qui ont eu lieu le 17 mars 2013 dans la circonscription d'Alo, pour la désignation des membres de l'assemblée territoriale de Wallis et Futuna, la liste " USPWF-Union socialiste pour Wallis et Futuna " a recueilli 293 voix, la liste " Lou Fenua " 260 voix, la liste " Ensemble pour le développement " 244 voix, la liste " Travail et partage " 234 voix, la liste " Apogipogi Fakatasi-Avenir ensemble " 215 voix et la liste " Alaa Foou " 160 voix ; que les quatre premières listes ont obtenu chacune un siège et les deux dernières n'en ont obtenu aucun ; que dix-neuf voix séparent la quatrième liste de la cinquième ;

Sur le grief relatif à la révision de la liste électorale :

3. Considérant qu'il n'appartient pas au juge de l'élection, en l'absence de manoeuvre susceptible d'avoir altéré la sincérité du scrutin, d'apprécier la régularité de l'inscription ou de la radiation d'un électeur sur les listes électorales ; que, par suite, le grief tiré de ce que certains électeurs, qui ne sont d'ailleurs pas nommément désignés, auraient en l'espèce été inscrits ou radiés à tort des listes électorales ne peut être accueilli ;

Sur le grief relatif à la campagne électorale :

4. Considérant que la circonstance que M. Nau, président sortant de l'assemblée territoriale, aurait tenu deux réunions politiques à son domicile les 23 février et 2 mars 2013 n'a pas altéré la sincérité du scrutin ; qu'il en est de même de l'interview télévisée dont il a bénéficié lors du journal télévisé du 24 février 2013, avant le début de la campagne électorale officielle, sur la chaîne de télévision publique " Wallis et Futuna Première " ;

Sur le grief relatif à certaines manoeuvres imputées aux candidats sortants :

5. Considérant que le grief tiré de ce que certains candidats sortants auraient exercé des pressions sur des électeurs afin qu'ils donnent procuration à des mandataires dont ils sont proches, n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il ne peut, par suite, être accueilli ;

Sur le grief relatif à la composition du bureau de vote de Kolia (n° 2) :

6. Considérant qu'il ne résulte pas des mentions du procès-verbal que M. N..., candidat sur la liste " Travail et Partage ", a occupé les fonctions de secrétaire du bureau de vote de Kolia ; que, par suite, manque en fait le grief tiré de ce que la composition de ce dernier serait, pour ce motif, irrégulière ;

Sur le grief relatif à l'heure de clôture du scrutin :

7. Considérant qu'en application des dispositions de l'article R. 41 du code électoral, l'article 6 de l'arrêté de l'administrateur supérieur de Wallis et Futuna du 12 février 2013 fixait au 17 mars 2013 à 18 heures la clôture du scrutin ; que, s'il résulte des mentions du procès-verbal que le président du bureau de vote de Kolia (n° 2) a déclaré le scrutin clos à 18 h 04, d'une part, ce dépassement horaire n'a fait l'objet d'aucune réclamation au procès-verbal et d'autre part, le protestataire n'apporte aucun élément qui pourrait le faire regarder comme ayant constitué une manoeuvre de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin ; que, dès lors, le grief tiré de ce que ce dépassement horaire aurait entaché le scrutin d'irrégularité ne peut qu'être écarté ;

Sur le grief relatif aux procurations :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que manquent en fait les griefs tirés de ce que trois votes par procuration n'auraient pas été mentionnés sur la feuille d'émargement, de ce que deux procurations comporteraient des erreurs dans le nom de famille ou le prénom des mandataires, de ce qu'une procuration aurait été refusée à tort, de ce que trente-trois procurations auraient été validées à tort car ne comportant aucune date de scrutin ou une date erronée et de ce qu'une procuration ne comporterait pas le visa de l'officier de police judiciaire exigé par l'article R. 75 du code électoral ;

9. Considérant que, si une procuration mentionne une date de scrutin erronée, elle n'est pas irrégulière dès lors qu'elle comporte une date limite de validité postérieure à ce dernier ;

10. Considérant qu'il ressort de l'examen des listes d'émargement que le grief tiré de ce que des procurations auraient été accueillies à tort au motif que les mandants ou les mandataires auraient été radiés des listes électorales avant le scrutin manque en fait ;

11. Considérant que le grief tiré de ce qu'une procuration aurait été portée sur le " registre d'arrivée " mais non sur la feuille d'émargement n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

12. Considérant que, dès lors que les corrections apportées sur certaines procurations, si elles ne mentionnent pas leur auteur, sont lisibles et ne créent pas de risque de confusion sur l'identité des mandants ou des mandataires notamment grâce à la mention du numéro d'inscription de ces derniers sur les listes électorales, elles doivent être regardées comme ayant été régulièrement validées par l'officier de police judiciaire qui les a reçues ; que, si trois procurations ne comportent pas de cachet de l'autorité devant laquelle elles ont été dressées mais seulement les noms et signatures des officiers de police judiciaire qui les ont validées, cette circonstance est sans effet sur l'issue du scrutin dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'il s'agit d'une erreur matérielle ;

13. Considérant que, si une procuration n'est signée par le mandant que de son seul prénom, elle est revêtue d'un paraphe identifiable ;

14. Considérant que la circonstance que la case " donne procuration pour voter en mes lieux et place " n'ait pas été cochée par sept électeurs ne suffit pas à établir l'irrégularité des procurations accordées, dès lors que chacune d'entre-elles comporte l'ensemble des autres mentions et signatures requises, notamment les noms, prénoms et coordonnées des mandataires désignés et que la mention " valable pour les deux tours " ne laisse aucun doute sur la volonté du mandant ; qu'ainsi, le grief tiré de l'irrégularité de ces procurations ne peut qu'être écarté ;

Sur le grief relatif aux listes d'émargement :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 62-1 du code électoral : " Pendant toute la durée des opérations électorales, une copie de la liste électorale certifiée par le maire et comportant les mentions prescrites par les articles L. 18 et L. 19 ainsi que le numéro d'ordre attribué à chaque électeur, reste déposée sur la table à laquelle siège le bureau. Cette copie constitue la liste d'émargement. Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement " ; que le second alinéa de l'article L. 64 du code électoral dispose que : " Lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l'émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l'électeur ne peut signer lui-même" " ; qu'il résulte de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l'encre, d'un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin ; qu'il est loisible à l'électeur dans l'incapacité de signer lui-même de se faire assister d'un électeur de son choix attestant que cette formalité ne peut être accomplie ; que la signature personnelle sous forme d'initiales n'est pas dépourvue de validité ; qu'en revanche, la constatation d'un vote par l'apposition d'une croix sur la liste d'émargement ne peut être regardée comme garantissant l'authenticité de ce vote ; que des particularités culturelles ou sociales locales, comme une insuffisante maîtrise de l'écriture par une partie du corps électoral, ne peuvent justifier qu'un tel vote soit réputé valide ;

16. Considérant que, s'il résulte de l'instruction et, notamment, de l'examen des listes d'émargement que dix-neuf électeurs ont apposé sur la liste d'émargement de courts paraphes, il n'est pas établi que ces derniers ne soient pas authentiques ; qu'il en est de même de l'électeur qui a utilisé son prénom pour attester de l'impossibilité d'un autre électeur de signer la liste d'émargement ; qu'en revanche, la même mention n'est accompagnée d'aucune signature au regard des noms de quatre électeurs ; que, par suite, leurs suffrages doivent être tenus pour irrégulièrement exprimés ;

Sur le grief relatif au double vote d'un électeur :

17. Considérant qu'à la supposer établie, la circonstance qu'une électrice ait été inscrite dans deux circonscriptions et qu'elle ait participé, le même jour, au scrutin contesté dans le bureau de vote de Poï (n° 1) et à une élection législative partielle dans le bureau de vote de Sigave est sans incidence sur la régularité du scrutin objet du présent litige ;

Sur les griefs relatifs aux procès-verbaux des opérations de vote et aux documents électoraux :

18. Considérant, en premier lieu, que l'article R. 42 du code électoral dispose que chaque bureau de vote est composé d'un président, d'au moins deux assesseurs et d'un secrétaire ; qu'aux termes de l'article R. 67 du même code : " Immédiatement après la fin du dépouillement, le procès-verbal des opérations électorales est rédigé par le secrétaire dans la salle de vote, en présence des électeurs./ Il est établi en deux exemplaires, signés de tous les membres du bureau./ Les délégués des candidats ou listes en présence sont obligatoirement invités à contresigner ces deux exemplaires./ Dès l'établissement du procès-verbal, le résultat est proclamé en public par le président du bureau et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote " ; qu'il résulte de l'instruction que le procès-verbal des opérations électorales du 17 mars 2013 qui se sont déroulées dans le bureau de vote n° 1 (Poï) de la circonscription d'Alo, qui fait apparaître un total de 260 suffrages exprimés et de zéro bulletin sans enveloppe, est rédigé intégralement de la même main, sans rature ; qu'il n'a fait l'objet d'aucune contestation ; qu'il est signé en page 4 de tous les scrutateurs nommément désignés et en dernière page du président et du secrétaire du bureau de vote ; que figurent également en dernière page les noms des délégués de liste et des assesseurs ; qu'ainsi, le grief tiré de ce que ce procès-verbal méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article 67 du code électoral n'est pas fondé ;

19. Considérant, en second lieu, que l'article L. 68 du code électoral dispose que les listes d'émargement de chaque bureau de vote, ainsi que les documents qui y sont réglementairement annexés, sont joints aux procès-verbaux des opérations de vote transmis immédiatement après le dépouillement du scrutin " au service de l'administrateur supérieur " ; que, s'il est allégué que les procès-verbaux et documents électoraux du scrutin du 17 mars 2013 n'auraient pas été conservés dans le service de l'administrateur supérieur de Wallis et Futuna, il n'est pas établi qu'ils auraient été falsifiés ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que quatre suffrages sur 260 doivent être tenus pour irrégulièrement exprimés ; que, dans les circonstances de l'espèce, et notamment eu égard aux écarts de voix entre les listes en présence rappelés au point 2, ces irrégularités n'ont pas été de nature à altérer les résultats du scrutin ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. Nau, les protestations de MM. F...D...et J...A...ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les protestations de MM. D...et A...sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, qui procédera à sa notification par la voie administrative, en application de l'article R. 751-4 du code de justice administrative, à MM. J...A..., F...D..., K...G..., C...B..., I...H..., L...Nau et M...E....

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur et au ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 367824
Date de la décision : 09/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2014, n° 367824
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: Mme Delphine Hedary

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:367824.20140709
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