Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 2012 et 13 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. M... H...et M. O... A...C..., demeurant... ; M. H... et M. A...C...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 021-2011 du 25 octobre 2012 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a, d'une part, annulé les articles 2 et 4 de la décision du 30 août 2011 de la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de Franche-Comté de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et, d'autre part, rejeté la plainte de M. H...et M. A...C...dirigée contre M. J...et M.F... ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ;
3°) de mettre à la charge solidaire de M.B..., de MmeL..., de M. J... et de M. F...le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Lambron, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de M. H... et de M. A... C...et à la SCP Gaschignard, avocat de Mme L..., de M.F..., de M. B... et de M. J... et à la SCP Hemery, Thomas-Raquin, avocat du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. H... et M. A...C..., masseurs-kinésithérapeutes à Auxonne (Côte d'Or), associés au sein d'une société civile de moyens à Mme N...et à MmeE..., ont déposé plainte auprès du conseil régional de l'ordre de Bourgogne à la suite, d'une part, d'une intervention faite par M. J... et par M.F..., celui-ci étant président en exercice du conseil départemental de l'ordre de Côte d'Or, auprès de la société " Les Pages Jaunes " afin d'obtenir la suppression, sur le site internet de celle-ci, des mentions " balnéothérapie, kinésithérapie et endermologie " se rapportant à l'activité de leur cabinet et, d'autre part, de la parution le 1er décembre 2009 dans le journal " Le Bien Public " d'un article faisant état de l'activité d'un cabinet concurrent au sein duquel sont associés M.F..., M.J..., M. B..., Mme L...et Mme I...; que l'affaire a été renvoyée à la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Franche-Comté qui, par une décision du 30 août 2011, a infligé un blâme à M. J...pour avoir, en violation des dispositions de l'article R. 4321-99 du code de la santé publique, saisi la société " Les Pages Jaunes " d'une réclamation sans passer par l'intermédiaire du conseil de l'ordre et a rejeté le surplus de la plainte ; que, statuant par une décision du 25 octobre 2012 sur les appels formés par les intéressés, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, a, d'une part, annulé la sanction infligée à M. J... au motif que, dès lors qu'une conciliation mettant fin au litige était intervenue dès le 8 juillet 2010, la plainte était irrecevable en tant qu'elle était dirigée contre ce praticien et, d'autre part, confirmé le rejet pour irrecevabilité de la plainte dirigée contre M. F..., prononcé par les premiers juges ; que M. H...et M. A...C...se pourvoient en cassation contre cette dernière décision ;
Sur le bien-fondé de la décision attaquée :
En ce qui concerne les conclusions de la plainte de M. H...et M. A...C...dirigées contre M.J... :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment du procès-verbal de conciliation partielle établi le 8 juillet 2010 par la commission de conciliation du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Saône-et-Loire, que, s'agissant des démarches effectuées auprès de la société " Les Pages Jaunes ", un accord conditionnel était intervenu entre les parties pour consulter le service juridique du Conseil national de l'ordre sur cet aspect du litige et " agir en fonction de sa réponse " ; que M. H...et M. A...C...ont soutenu sans être contredits, à l'appui de leur appel, que la consultation sollicitée par deux fois auprès de ce service juridique par l'avocat mandaté par les parties en application de l'accord n'avait jamais reçu de réponse, si bien que la conciliation était privée de toute portée sur ce point ; qu'en jugeant, pour annuler la décision de première instance en tant qu'elle prononçait une sanction à l'encontre de M.J..., qu'il résultait du procès-verbal de conciliation partielle établi le 8 juillet 2010 qu'un accord était intervenu en ce qui concernait les démarches effectuées auprès de la société " Les Pages Jaunes ", alors qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la condition prévue par l'accord eût été remplie, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre national des masseurs-kinésithérapeutes a entaché sa décision de dénaturation ;
En ce qui concerne les conclusions de la plainte de M. H...et M. A...C...dirigées contre M.F... :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 4126-16 du code de la santé publique, rendu applicable à la procédure devant les chambres disciplinaires du conseil de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes en vertu de l'article R. 4323-3 du même code : " Les articles du code de justice administrative R. 611-2 à R. 611-5 (...), le premier alinéa de l'article R. 611-7 (...) sont applicables devant les chambres disciplinaires de première instance et devant la chambre disciplinaire nationale " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent (...) présenter leurs observations sur le moyen communiqué " ;
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique, rendu applicable à la procédure suivie devant les chambres disciplinaires du conseil de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes en vertu de l'article L. 4321-19 du même code, fixent la liste des autorités ayant compétence exclusive pour traduire devant ces instances disciplinaires les masseurs-kinésithérapeutes investis de certaines missions de service public ; que figurent notamment dans cette liste les présidents des conseils départementaux de l'ordre ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour rejeter, par sa décision du 30 août 2011, la plainte dirigée contre M. F...par M. H... et M. A... C..., la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de Franche-Comté a soulevé d'office l'irrecevabilité de celle-ci au motif que M. F... était intervenu auprès de la société " Les Pages Jaunes " non en tant que simple praticien mais en sa qualité de président du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Côte d'Or et que la plainte dont elle était saisie n'avait pas été formée par une des autorités limitativement énumérées à l'article L. 4124-2 du code de la santé publique ; qu'en se fondant sur ce moyen relevé d'office sans avoir mis les parties en mesure d'en discuter le bien-fondé, comme ils étaient tenus de le faire en vertu du premier alinéa de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les premiers juges ont méconnu les dispositions de cet article ; qu'en jugeant que la procédure suivie en première instance avait été régulière alors qu'il n'avait pas été procédé à l'information préalable que ces dispositions prévoient, la chambre disciplinaire nationale a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. H...et M. A...C...sont fondés à demander l'annulation de la décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre national des masseurs-kinésithérapeutes du 25 octobre 2012 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre solidairement à la charge de M.F..., de M. J..., de M. B...et de Mme L...le versement d'une somme globale de 4 000 euros à verser à M. H... et M. A...C... ; que ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de M. H...et M. A...C..., qui ne sont pas la partie perdante, la somme demandée à ce titre par M.F..., M. J..., M. B...et Mme L...; que le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes n'ayant pas qualité de partie à l'instance, ses conclusions tendant à l'application des mêmes dispositions ne peuvent être accueillies ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre national des masseurs-kinésithérapeutes du 25 octobre 2012 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la chambre disciplinaire nationale du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes.
Article 3 : M.F..., M.J..., M. B...et Mme L...verseront solidairement à M. H... et M. A...C... la somme globale de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M.F..., M.J..., M. B...et Mme L...ainsi que par le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. M...H..., à M. O...A...C..., à M. P... F..., à M. D... J..., à M. K...B...et à Mme G...L....
Copie pour information en sera adressée au Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes.