La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2014 | FRANCE | N°352668

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 30 juin 2014, 352668


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 20 décembre 2013, le Conseil d'Etat, statuant sur la requête présentée par l'association Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie (CRPA) et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2011-847 du 18 juillet 2011 relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, a :

1°) sursis à statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par l'association Cercle de réflexion et de proposition d'ac

tion sur la psychiatrie, en tant qu'elles concernent les dispositions du décre...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 20 décembre 2013, le Conseil d'Etat, statuant sur la requête présentée par l'association Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie (CRPA) et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2011-847 du 18 juillet 2011 relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, a :

1°) sursis à statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par l'association Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie, en tant qu'elles concernent les dispositions du décret introduisant les articles R. 3222-2, R. 3222-3, R. 3222-5, R. 3222-6, R. 3222-7 et R. 3222-8 dans le code de la santé publique, ainsi que sur ses conclusions présentées au titre de l 'article L. 761-1 du code de justice administrative, jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcé sur la question de prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 3222-3 du code de la santé publique que lui a renvoyée la Cour de cassation ;

2°) rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la décision n° 2013-367 QPC du Conseil constitutionnel du 14 février 2014 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 20 décembre 2013 que les conclusions de l'association Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie tendant à l'annulation du décret du 18 juillet 2011 en tant qu'il a introduit dans le code de la santé publique les articles R. 3222-1, R. 3222-4 et R. 3222-9 ont été définitivement rejetées. Les conclusions présentées par l'association requérante dans son dernier mémoire doivent ainsi être regardées comme tendant seulement à l'annulation de ce décret en tant qu'il a introduit dans le code de la santé publique les articles R. 3222-2, R. 3222-3 et R. 3222-5 à R. 3222-8.

Sur la légalité des articles R. 3222-2, R. 3222-3 et R. 3222-5 à R. 3222-8 du code de la santé publique :

En ce qui concerne la compétence du pouvoir réglementaire :

2. Aux termes de l'article L. 3222-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011, en vigueur à la date d'adoption du décret attaqué : " Les personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète en application des chapitres III ou IV du titre Ier du présent livre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale peuvent être prises en charge dans une unité pour malades difficiles lorsqu'elles présentent pour autrui un danger tel que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en oeuvre que dans une unité spécifique. / Les modalités d'admission dans une unité pour malades difficiles sont prévues par décret en Conseil d'Etat ".

3. D'une part, le Conseil constitutionnel a déclaré, par sa décision n° 2013-367 QPC du 14 février 2014, que l'article L. 3222-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 5 juillet 2011, était conforme à la Constitution. La circonstance que cet article L. 3222-3 a été abrogé par la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 est sans incidence sur la légalité du décret attaqué, laquelle doit être appréciée à la date de son adoption. Par ailleurs, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, dans le cadre du présent litige, de se prononcer sur les conséquences de cette abrogation.

4. D'autre part, ainsi qu'il a été jugé par la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 20 décembre 2013, les articles R. 3222-2, R. 3222-3, R. 3222-5, R. 3222-6, R. 3222-7 et R. 3222-8 déterminent les modalités d'admission dans une unité pour malades difficiles et n'excèdent pas le champ de l'habilitation donnée au pouvoir réglementaire par le dernier alinéa de l'article L. 3222-3 du code de la santé publique.

5. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que ces dispositions seraient dépourvues de base légale et entachées d'incompétence.

En ce qui concerne les moyens dirigés uniquement contre l'article R. 3222-2 :

6. En premier lieu, les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas applicables à la procédure par laquelle une personne est admise dans une unité pour malades difficiles. Par suite, l'association requérante ne peut utilement se prévaloir de leur méconnaissance.

7. En second lieu, les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 3211-3 du même code, dont la constitutionnalité n'est pas contestée, déterminent de manière exhaustive les catégories de décisions pour lesquelles " la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état ". Par suite, l'association requérante ne peut utilement soutenir que l'article R. 3222-2 du code de la santé publique serait illégal en ce qu'il ne prévoit pas d'obligation d'information de la personne concernée par un projet d'admission en unité pour malades difficiles et, le cas échéant, par le transfert vers un autre établissement hospitalier qui l'accompagne. Au demeurant, cet article ne déroge pas aux dispositions du sixième alinéa de l'article L. 3211-3, selon lesquelles " L'avis de cette personne sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible ", et qui s'appliquent donc à l'hypothèse d'une admission dans une unité pour malades difficiles.

En ce qui concerne le moyen dirigé uniquement contre les articles R. 3222-5 à R. 3222-8 :

8. L'association requérante soutient que les personnes placées en unité pour malades difficiles se voient appliquer un traitement exorbitant du droit commun, dès lors qu'elles se trouvent soumises, pour toute levée ou toute modification des soins sous contrainte, au filtre préalable d'une commission du suivi médical, laquelle statue sans qu'elles puissent présenter préalablement leurs observations.

9. Toutefois, la commission du suivi médical a seulement pour objet de contrôler que la situation des patients hospitalisés en unité pour malades difficiles justifie le maintien de l'hospitalisation dans une telle unité et de saisir le préfet lorsqu'elle estime que les conditions de ce maintien ne sont plus remplies. La procédure conduisant à une levée totale de la mesure de soins ou à la prise en charge du malade sous une forme autre que l'hospitalisation complète est déterminée non par les articles R. 3222-5 à R. 3222-8 mais par les dispositions de l'article L. 3213-8 et du III de l'article L. 3213-1, dans leur rédaction en vigueur à la date d'adoption du décret attaqué. Au surplus, les dispositions du sixième alinéa de l'article L. 3211-3, rappelées au point 7 ci-dessus, relatives à l'information des personnes concernées, sont applicables en cas de prise en charge du malade sous une forme autre que l'hospitalisation complète.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué en tant qu'il a introduit dans le code de la santé publique les articles R. 3222-2, R. 3222-3, R. 3222-5, R. 3222-6, R. 3222-7 et R. 3222-8.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. L'ensemble des conclusions aux fins d'annulation de la requête de l'association Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie ayant été rejeté par la décision du Conseil d'Etat du 20 décembre 2013 ainsi que par la présente décision, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les conclusions de l'association Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie tendant à l'annulation du décret du 18 juillet 2011 en tant qu'il a introduit les articles R. 3222-2, R. 3222-3, R. 3222-5, R. 3222-6, R. 3222-7 et R. 3222-8 dans le code de la santé publique, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie, au Premier ministre, à la garde des sceaux, ministre de la justice et à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 352668
Date de la décision : 30/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2014, n° 352668
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:352668.20140630
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award