Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 mai 2011 et le 19 mai 2011, présentés par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09MA02642 du 10 mars 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête du préfet de la Loire tendant à l'annulation du jugement n° 0900868 du 18 juin 2009 du tribunal administratif de Nîmes annulant l'arrêté du 26 janvier 2009 refusant de délivrer à M. A...B...un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Genève relative au statut des réfugiés ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thierry Carriol, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M.B..., de nationalité russe et d'origine tchétchène, est entré irrégulièrement en France en novembre 2007, accompagné de son épouse ; qu'il fait l'objet, le 18 mars 2008, d'un arrêté du préfet de la Loire ordonnant sa remise aux autorités polonaises au motif qu'il avait antérieurement formulé une demande d'asile auprès de ce pays ; que cette décision n'ayant pas pu être exécutée, le préfet de la Loire a opposé à M.B..., par un arrêté du 4 septembre 2008, un refus d'admission provisoire au séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a parallèlement transmis sa demande, selon la procédure prioritaire, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ; que ce dernier a rejeté la demande d'asile par décision du 7 octobre 2008 à l'encontre de laquelle M. B...a introduit un recours devant la Cour nationale du droit d'asile ; que, consécutivement à la décision de l'Office, le préfet de la Loire a, par arrêté du 26 janvier 2009, rejeté la demande de titre de séjour de l'intéressé et lui a ordonné de quitter le territoire français dans un délai d'un mois ; que cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 juin 2009 ; que la cour administrative d'appel de Marseille, saisie par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, a confirmé ce jugement par un arrêt du 10 mars 2011, contre lequel le ministre se pourvoit en cassation ;
2. Considérant qu'il résulte de l'article L. 741 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'admission au séjour d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que dans les situations limitativement énumérées à cet article, au nombre desquelles figure le fait que : " (...) / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France (...), l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) " et qu'enfin, aux termes de l'article L. 742-6 : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...contestait, depuis l'introduction de l'instance, le fait d'avoir été privé du droit à un recours effectif et invoquait notamment, au soutien de cette affirmation, le fait que l'arrêté du 26 janvier 2009 avait été pris sans attendre les suites données à son recours devant la Cour nationale du droit d'asile ; que, dès lors, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas dénaturé les écritures de M. B...en retenant qu'il soulevait un moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en refusant d'attendre la décision de la Cour nationale du droit d'asile avant de prendre l'arrêté litigieux, la circonstance que la cour ait, par ailleurs, estimé à tort que M. B...n'avait pas soulevé un moyen tiré de l'illégalité de la décision du 4 septembre 2008 lui refusant l'admission au séjour et n'y avait dès lors pas répondu étant, compte tenu du caractère inopérant de ce moyen, sans incidence sur la régularité de son arrêt ;
4. Considérant, en second lieu, que, conformément aux dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution, après la décision de l'OFPRA rejetant une demande d'asile, qu'à l'encontre d'un étranger entrant dans le champ d'application du 2° au 4° de l'article L. 741-4 du même code ; qu'il incombe de ce fait au juge saisi de la contestation de la légalité d'une obligation de quitter le territoire français après la décision de l'OFPRA fondée sur le 4° de cet article, de s'assurer que l'étranger entre bien dans le cas visé par ces dispositions ; que la seule circonstance qu'une décision administrative ait refusé l'admission au séjour à raison du caractère frauduleux ou abusif du recours aux procédures d'asile mentionné au 4° de cet article et qu'elle n'ait pas été contestée ou qu'elle n'ait pas été annulée par le juge administratif ne fait pas obstacle à ce que le juge détermine lui-même, sans se prononcer sur la légalité de cette décision, si la demande d'asile relevait bien des cas mentionnés à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans l'hypothèse où il estime que tel n'était pas le cas, et alors même que l'intéressé n'avait pas été effectivement admis à séjourner en France, cet étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours ; que, par suite, en relevant qu'en dépit de la décision par laquelle le ministre avait refusé d'admettre au séjour l'intéressé, celui-ci ne relevait pas du 4° de l'article L. 741-4, la pluralité de demandes d'asile déposées n'étant pas, en l'espèce, selon la cour, constitutive d'une demande abusive, c'est sans erreur de droit qu'elle a estimé que l'obligation de quitter le territoire français contestée était privée de base légale faute que les dispositions de l'article L. 742-6 fussent applicables au requérant ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille qu'il attaque ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A...B....