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17/06/2014 | FRANCE | N°380955

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 17 juin 2014, 380955


Vu la requête et les pièces enregistrées les 4 et 10 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées par Mme A...B..., élisant domicile ...; la requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1404188-13 du 19 mai 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de lui indiquer un lieu susceptible de l'accueillir ave

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Vu la requête et les pièces enregistrées les 4 et 10 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées par Mme A...B..., élisant domicile ...; la requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1404188-13 du 19 mai 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de lui indiquer un lieu susceptible de l'accueillir avec ses enfants ou, à défaut, un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, dans le délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie, dès lors qu'elle est sans hébergement depuis le 9 mai 2014 et qu'elle est dans une situation de détresse avec deux enfants à charge, dont l'un est accidenté ;

- le préfet de la Loire-Atlantique a porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit fondamental à bénéficier d'un hébergement d'urgence ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2014, présenté par la ministre des affaires sociales et de la santé, qui conclut au rejet de la requête ;

elle soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie ;

- les autorités de l'Etat, en proposant une solution d'hébergement à compter du 2 mai 2014, n'ont fait preuve d'aucune carence caractérisée dans la mise en oeuvre du droit à l'hébergement d'urgence au bénéfice de la requérante ;

- la situation de la requérante ne fait apparaître aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles, puisque sa demande d'asile a été rejetée et qu'elle a fait l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- la situation d'urgence dans laquelle la requérante et ses enfants se trouvent relève de sa propre initiative, puisqu'elle a quitté volontairement l'hébergement qui avait été mis à sa disposition sans limite de temps par l'Etat ;

Vu les observations enregistrées le 10 juin 2014 produites par le ministre de l'intérieur qui expose que Mme B...est entrée irrégulièrement en France avec ses deux enfants en septembre 2013, que sa demande d'asile a été traitée en procédure prioritaire et rejetée par l'OFPRA par décision du 20 janvier 2014 notifiée le 24 février 2014 contre laquelle elle a fait un recours devant la CNDA le 24 avril 2014 ; qu'un arrêté de reconduite à la frontière lui a été notifié le 17 mars 2014 ; qu'elle ne peut plus prétendre au bénéfice de l'hébergement réservé aux demandeurs d'asile dont elle a bénéficié du 30 octobre au 2 mai ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B..., d'autre part, la ministre des affaires sociales et de la santé et le ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 11 juin 2014 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Poupet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B... ;

- les représentantes de la ministre des affaires sociales et de la santé ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au vendredi 13 juin à 18 h ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 juin 2014, présenté par la ministre des affaires sociales et de la santé qui conclut au non lieu sur les conclusions de la requête ; elle expose que le logement de Mme B...et de ses enfants est assuré jusqu'au 19 juin dans un hôtel Etape et s'engage à assurer, au-delà de cette date, un hébergement jusqu'à épuisement des recours pendants exercés par MmeB... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant que l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse " ; que l'article

L. 345-2-2 précise que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence (...) ", qu'aux termes enfin de l'article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée (...) " ; que seule une carence caractérisée des autorités de l'Etat dans la mise en oeuvre du droit à l'hébergement d'urgence peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale permettant au juge des référés de faire usage des pouvoirs qu'il tient de ce texte, en ordonnant à l'administration de faire droit à une demande d'hébergement d'urgence ; qu'il lui incombe d'apprécier, dans chaque cas, les diligences accomplies par l'administration, en tenant compte des moyens dont elle dispose, ainsi que l'âge, de l'état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MmeB..., de nationalité arménienne, est entrée en France le 23 septembre 2013 et a été hébergée avec ses deux enfants mineurs depuis la prise en considération de leurs demandes d'asile jusqu'au 2 mai 2014 ; qu'il a été mis fin à cet hébergement le 1er mai 2014, à la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 20 janvier 2014, et de la décision du préfet de la Loire-Atlantique, le 18 mars 2014, refusant sa demande de titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ; qu'elle a introduit un recours devant la Cour nationale du droit d'asile contre la décision de l'OFPRA ainsi qu'un recours devant le tribunal administratif de Nantes contre la décision du préfet de la Loire-Atlantique ; que, par ordonnance du 19 mai 2014, dont la requérante relève appel, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme B...tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de lui indiquer un lieu susceptible de l'accueillir avec ses enfants ou, à défaut, un centre d'hébergement et de réinsertion sociale ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction menée par le juge des référés du tribunal administratif ainsi que lors de l'audience conduite devant le Conseil d'Etat que Mme B... a volontairement quitté l'hébergement qui avait été mis à sa disposition par les autorités locales, au motif qu'il ne lui convenait pas ; que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a pu, dès lors, à bon droit, juger que, dans ces conditions, la requérante ne justifiait d'aucune urgence, au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'audience tenue le 11 juin 2014, un hébergement a été trouvé pour MmeB... et ses enfants à partir du 13 juin ; que, par mémoire enregistré le 13 juin 2014, la ministre des affaires sociales et de la santé s'est engagée à fournir à cette famille un hébergement jusqu'à épuisement des recours pendants, compte tenu notamment de l'état de santé de l'un des enfants ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requérante sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu, en conséquence, d'y statuer ;

6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par MmeB..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de MmeB....

Article 2 : Les conclusions de la requête présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A...B..., à la ministre des affaires sociales et de la santé et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 380955
Date de la décision : 17/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2014, n° 380955
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DE NERVO, POUPET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:380955.20140617
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