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26/05/2014 | FRANCE | N°352746

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 26 mai 2014, 352746


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...D...-B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler pour excès de pouvoir, en premier lieu, les décisions des 27 septembre et 1er octobre 2003 par lesquelles le directeur du centre hospitalier spécialisé Esquirol a admis sa fille dans cet établissement, à la demande d'un tiers, en deuxième lieu, la décision du 27 octobre 2003 décidant le transfert de cette dernière au centre hospitalier d'Eygurande et, enfin, les décisions postérieures décidant son maintien en hospitalisation au se

in de ce dernier établissement.

Par un jugement n° 0901718 du 20 mai 2010,...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...D...-B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler pour excès de pouvoir, en premier lieu, les décisions des 27 septembre et 1er octobre 2003 par lesquelles le directeur du centre hospitalier spécialisé Esquirol a admis sa fille dans cet établissement, à la demande d'un tiers, en deuxième lieu, la décision du 27 octobre 2003 décidant le transfert de cette dernière au centre hospitalier d'Eygurande et, enfin, les décisions postérieures décidant son maintien en hospitalisation au sein de ce dernier établissement.

Par un jugement n° 0901718 du 20 mai 2010, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 10BX01789 du 26 avril 2011, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme D...-B... à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Limoges.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 septembre 2011 et 17 avril 2012, Mme D...-B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt n° 10BX01789 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 26 avril 2011 ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé Esquirol le versement de la somme de 3 000 euros à son avocat, la SCP Fabiani, Luc-Thaler, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la cour a entaché son arrêt d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit en estimant que l'autorité de la chose jugée s'attachant à un jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 avril 2009 faisait obstacle à ce qu'elle puisse demander l'annulation pour excès de pouvoir des décisions des 27 septembre et 27 octobre 2003, alors que la condition tenant à l'identité d'objet, de cause et de parties n'était pas remplie ;

- elle a commis une erreur de droit en estimant que la décision du 1er octobre 2003 avait pu abroger celle du 27 septembre 2003 ;

- elle a commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, des décisions des 27 septembre, 1er octobre et 27 octobre 2003, soulevé à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions postérieures de maintien en hospitalisation ;

- elle a dénaturé les faits de l'espèce en estimant que les différents certificats médicaux ayant justifié le maintien en hospitalisation de Mlle B...étaient suffisamment motivés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2012, le centre hospitalier spécialisé Esquirol conclut au rejet du pourvoi.

Il soutient que les moyens du pourvoi ne sont pas fondés.

Le pourvoi a été communiqué à l'association de gestion du centre hospitalier du pays d'Eygurande, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de Mme D...-B..., et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier spécialisé Esquirol.

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mlle C...B...a été hospitalisée sur demande d'un tiers, en application des articles L. 3212-1 et suivants du code de la santé publique, au centre hospitalier d'Aurillac entre le 15 septembre et le 26 septembre 2003 puis, du 27 septembre au 27 octobre 2003, au centre hospitalier Esquirol de Limoges. Elle a été transférée à cette dernière date au centre hospitalier d'Eygurande, où elle est demeurée jusqu'à son décès le 8 juin 2004. Mme D...-B..., sa mère, a formé devant le tribunal administratif de Limoges plusieurs recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation des décisions relatives à ces hospitalisations. Ce tribunal a rejeté, par un jugement du 16 septembre 2009, sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions des 27 septembre et 1er octobre 2003 par lesquelles le directeur du centre hospitalier spécialisé Esquirol a admis sa fille dans cet établissement, de la décision du 27 octobre 2003 décidant le transfert de celle-ci, ainsi que des " décisions postérieures décidant son maintien en hospitalisation ". Mme D...-B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé ce jugement.

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué, en tant qu'il se prononce sur la légalité des décisions des 27 septembre et 27 octobre 2003 :

2. Pour rejeter les conclusions dirigées contre la décision d'hospitalisation prise le 27 septembre 2003 et la décision de transfert prise le 27 octobre suivant, la cour a jugé que ces conclusions se heurtaient à l'autorité de la chose jugée par un précédent jugement du 9 avril 2009 du tribunal administratif de Limoges, devenu définitif, et qu'elles étaient ainsi irrecevables. Toutefois, l'autorité de chose jugée s'attachant à un jugement rejetant des conclusions d'excès de pouvoir est subordonnée à la triple identité de parties, d'objet et de cause. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si le recours introduit le 9 mai 2007 et jugé le 9 avril 2009 tendait déjà à l'annulation pour excès de pouvoir des deux décisions mentionnées ci-dessus, ces conclusions étaient assorties d'un unique moyen, tiré de l'illégalité de la décision antérieure, en date du 15 septembre 2003, d'hospitalisation au centre hospitalier d'Aurillac. Cette exception d'illégalité constituait, quels que soient les griefs formulés contre la décision du 15 septembre 2003, un moyen de légalité interne. Dans sa nouvelle demande, introduite le 16 septembre 2009 devant le tribunal administratif, Mme D...-B... soulevait des moyens de légalité externe. Dans ces conditions, ce nouveau recours reposait sur une cause juridique différente de celle qui fondait le recours introduit le 9 mai 2007. Par suite, en jugeant que l'autorité de la chose jugée qui s'attachait au jugement du 9 avril 2009 faisait obstacle à ce que Mme D...-B... présente une nouvelle demande d'annulation des décisions des 27 septembre et 27 octobre 2003 et en ne recherchant pas si la condition d'identité de cause était remplie, la cour a commis une erreur de droit.

3. Toutefois, l'auteur d'un recours juridictionnel tendant à l'annulation d'une décision administrative doit être réputé avoir eu connaissance de la décision qu'il attaque au plus tard à la date à laquelle il a formé son recours. Si un premier recours contre une décision notifiée sans mention des voies et délais de recours a été rejeté, son auteur ne peut introduire un second recours contre la même décision que dans un délai de deux mois à compter de la date d'enregistrement du premier au greffe de la juridiction saisie. En l'espèce, l'introduction par Mme D...-B... d'un premier recours contentieux dirigé contre les décisions des 27 septembre et 27 octobre 2003 établit qu'elle a eu connaissance des ces décisions au plus tard à la date du 9 mai 2007 à laquelle elle a formé ce recours. Le délai de recours contentieux était dès lors expiré lorsque, le 16 septembre 2009, elle a présenté une nouvelle demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des mêmes décisions, qui était ainsi irrecevable. Ce motif, qui ne comporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie légalement, s'agissant des conclusions tendant à l'annulation des décisions des 27 septembre et 27 octobre 2003, le dispositif.

Sur le bien-fondé de l'arrêt, en tant qu'il se prononce sur la légalité de la " décision " du 1er octobre 2003 :

4. Il résulte des articles L. 3211-12, L. 3212-8 et L. 3212-9 du code de la santé publique, dans leur rédaction alors applicable, qu'une mesure d'hospitalisation à la demande d'un tiers ne peut être levée que dans les hypothèses et sous les conditions prévues par ces dispositions, lorsque le juge des libertés et de la détention ordonne qu'il y soit mis fin, que les conditions de l'hospitalisation ne sont plus réunies ou que certaines personnes en demandent la levée. Toutefois, la cour n'a pas jugé que le directeur du centre hospitalier Esquirol avait pu légalement mettre fin à l'hospitalisation de Mlle B...sur demande d'un tiers, mais seulement qu'il avait entendu prendre une nouvelle décision d'hospitalisation sans consentement se substituant, à compter du 1er octobre 2003, à sa précédente décision du 27 septembre 2003. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit au regard des dispositions mentionnées ci-dessus du code de la santé publique.

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué, en tant qu'il se prononce sur la légalité des " décisions de maintien en hospitalisation " :

5. Aux termes de l'article L. 3212-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, il est établi par le psychiatre de l'établissement d'accueil, qui ne peut en aucun cas être un des médecins mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 3212-1, un nouveau certificat médical constatant l'état mental de la personne et confirmant ou infirmant la nécessité de maintenir l'hospitalisation sur demande d'un tiers. / Dès réception du certificat médical, le directeur de l'établissement adresse ce certificat ainsi que le bulletin et la copie des certificats médicaux d'entrée au représentant de l'Etat dans le département et à la commission mentionnée à l'article L. 3222-5 ". Ces dispositions n'impliquent pas que, dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, le directeur de l'établissement réitère sa décision initiale si le nouveau certificat médical conclut à la nécessité de prolonger l'hospitalisation. Il en est de même en ce qui concerne le maintien de l'hospitalisation au-delà de quinze jours, prévu par l'article L. 3212-7 du code de la santé publique alors en vigueur. Ainsi, les conclusions de Mme D...-B... dirigées contre des " décisions de maintien en hospitalisation " étaient irrecevables. Ce motif, qui ne comporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait et qui justifie légalement le dispositif de l'arrêt sur ce point, doit être substitué à ceux, contestés par Mme D...-B..., retenus par l'arrêt attaqué pour rejeter les conclusions dirigées contre des " décisions " de maintien en hospitalisation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...-B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier spécialisé d'Esquirol, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme D...-B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...D...-B..., au centre hospitalier spécialisé d'Esquirol et à l'association de gestion du centre hospitalier du pays d'Eygurande.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 352746
Date de la décision : 26/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 mai. 2014, n° 352746
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:352746.20140526
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