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14/05/2014 | FRANCE | N°366920

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 14 mai 2014, 366920


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A..., agissant en exécution d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde du 4 mai 2012, demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité des rubriques 2.2.1 et 2.2.3.2 de la circulaire interministérielle DSS/3A/2008/17 du 23 janvier 2008 relative à la mise en oeuvre de la réglementation et aux modalités de contrôle des régularisations de cotisations arriérées et des rachats pour aide familial agricole et de déclare

r que ces dispositions sont entachées d'illégalité.

Il soutient que :
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VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A..., agissant en exécution d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde du 4 mai 2012, demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité des rubriques 2.2.1 et 2.2.3.2 de la circulaire interministérielle DSS/3A/2008/17 du 23 janvier 2008 relative à la mise en oeuvre de la réglementation et aux modalités de contrôle des régularisations de cotisations arriérées et des rachats pour aide familial agricole et de déclarer que ces dispositions sont entachées d'illégalité.

Il soutient que :

- les ministres du travail et de l'agriculture étaient incompétents pour édicter les dispositions contestées ;

- ces dispositions ont ajouté illégalement aux règles résultant de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2013, l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Aquitaine conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que l'autorité ministérielle pouvait légalement préciser par circulaire les modes de preuve pouvant être exigés d'une personne demandant une régularisation de cotisations d'assurance-vieillesse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2013, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que :

- les conclusions de la requête sont irrecevables en tant qu'elles portent sur la rubrique 2.2.1 de la circulaire, qui n'est pas mentionnée dans le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale ;

- le moyen tiré de l'incompétence des auteurs de l'acte est irrecevable dès lors que le tribunal des affaires de sécurité sociale ne l'a pas mentionné dans son jugement de renvoi ;

- les dispositions de la rubrique 2.2.3.2 avaient pour seul objet d'inciter les services compétents à ne plus admettre de documents non probants et ne fixaient pas de conditions excédant celles de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 4 septembre 2013, M. A...reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens. Il soutient en outre que :

- ses conclusions sont recevables, la juridiction de l'ordre judiciaire ayant renvoyé à la juridiction administrative la question de la légalité de la circulaire ministérielle ;

- les demandes présentées par l'URSSAF d'Aquitaine sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Denis Rapone, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delvolvé, avocat de l'URSSAF de la Gironde.

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Par un jugement du 4 mai 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde, saisi d'un litige opposant M. A...à l'URSSAF de la Gironde, a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur le moyen tiré de l'illégalité de certaines dispositions de la circulaire DSS/3A/2008/17 du 23 janvier 2008 relative à la mise en oeuvre de la réglementation et aux modalités de contrôle des régularisations de cotisations arriérées et des rachats pour aide familial agricole, soulevé par M.A....

Sur les conclusions relatives à l'appréciation de la légalité de la rubrique 2.2.1 de la circulaire du 23 janvier 2008 :

2. En vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de trancher d'autres questions que celle qui lui a été renvoyée par l'autorité judiciaire. En l'espèce, il ressort des motifs du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde que celui-ci a seulement entendu surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la légalité des dispositions de la rubrique 2.2.3.2 de la circulaire interministérielle du 23 janvier 2008. Par suite, les conclusions de la requête tendant à ce que soit prononcée l'illégalité des dispositions de la rubrique 2.2.1 de la même circulaire ne sont pas recevables.

Sur les conclusions relatives à l'appréciation de la légalité des dispositions de la rubrique 2.2.3.2 de la circulaire du 23 janvier 2008 :

3. Le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde ayant renvoyé à la juridiction administrative la question de la légalité des dispositions de la rubrique 2.2.3.2 de la circulaire du 23 janvier 2008, en précisant que l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale " ne renvoie pas à la circulaire pour déterminer la recevabilité des modes de preuve de la réalité de l'activité salariée ", la juridiction administrative peut connaître, contrairement à ce que soutient le ministre des affaires sociales et de la santé, tant d'un moyen tiré de l'incompétence des auteurs de la circulaire que d'un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 351-11.

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 351-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'édiction de la circulaire litigieuse : " Les périodes d'assurance ne peuvent être retenues, pour la détermination du droit à pension ou rente que si elles ont donné lieu au versement d'un minimum de cotisations. En cas de force majeure ou d'impossibilité manifeste pour l'assuré d'apporter la preuve du versement de cotisations, celle-ci peut l'être à l'aide de documents probants ou de présomptions concordantes ". En vertu du deuxième alinéa de l'article R. 351-11 du même code, dans sa rédaction applicable à la même date, un versement de cotisations afférentes à une période d'activité antérieure de plus de trois ans peut être effectué à titre de régularisation. Le décret du 25 août 2008 relatif aux régularisations d'arriérés de cotisations a d'ailleurs ultérieurement modifié cet article pour préciser que : " Le versement de cotisations est effectué par l'employeur. Toutefois, en cas de disparition de l'employeur ou lorsque celui-ci refuse d'effectuer le versement, l'assuré est admis à procéder lui-même au versement ".

5. Par la circulaire du 23 janvier 2008, les ministres chargés de la sécurité sociale et de l'agriculture ont entendu préciser les modalités de contrôle des régularisations de cotisations permises par la législation pour des périodes d'activité salariée ou d'apprentissage n'ayant pas donné lieu au versement de cotisations. A cet effet, la circulaire évoque le recours à une déclaration sur l'honneur émanant du salarié, corroborée par deux témoins, afin d'établir la preuve de l'activité salariée rémunérée ou de l'apprentissage. Selon les dispositions du troisième alinéa de la rubrique 2.2.3.2 de cette circulaire : " Quel que soit le type de régularisation (travail salarié rémunéré ou apprentissage), les deux témoins doivent apporter la preuve qu'ils étaient salariés, apprentis, ou employeur de l'entreprise pendant la période à régulariser. Ils produisent des pièces justificatives établissant leur lien avec l'entreprise en cause telles que le contrat de travail, le bulletin de salaire, ou une attestation de l'employeur établie pendant la période concernée. Aucune attestation sur l'honneur n'est recevable à cet égard ".

6. Ces dispositions édictent des conditions pour l'administration de la preuve de l'activité salariée ou de l'apprentissage qui ne sont pas prévues par le code de la sécurité sociale. Or les ministres auteurs de la circulaire ne tenaient d'aucune disposition législative ou réglementaire le pouvoir de fixer de telles conditions. Par suite, M. A...est fondé à soutenir que les dispositions du troisième alinéa de la rubrique 2.2.3.2 sont entachées d'incompétence. Ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, il y a lieu de déclarer que ces dispositions sont entachées d'illégalité.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est déclaré que les dispositions du troisième alinéa de la rubrique 2.2.3.2 de la circulaire interministérielle DSS/3A/2008/17 du 23 janvier 2008 sont entachées d'illégalité.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de l'URSSAF d'Aquitaine présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Aquitaine et à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 366920
Date de la décision : 14/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 14 mai. 2014, n° 366920
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Denis Rapone
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:366920.20140514
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