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14/05/2014 | FRANCE | N°357039

France | France, Conseil d'État, 1ère / 6ème ssr, 14 mai 2014, 357039


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 22 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention, dont le siège est 263 rue de Paris à Montreuil Cedex (93514), représentée par son secrétaire général ; la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 décembre 2011 du ministre du tr

avail, de l'emploi et de la santé portant extension de l'accord du 10 mai 2010 portan...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 22 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention, dont le siège est 263 rue de Paris à Montreuil Cedex (93514), représentée par son secrétaire général ; la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 décembre 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé portant extension de l'accord du 10 mai 2010 portant dispositions spécifiques à l'activité " d'optimisation linéaire ", conclu dans le cadre de la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le secteur tertiaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 avril 2014, présentée pour Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention ;

Vu le code du travail ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ortscheidt, avocat de la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études de conseil et de prévention, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat du syndicat CFDT F3C-Service communication et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat du syndicat national des organisateurs et réalisateurs d'actions promotionnelles et commerciales ;

1. Considérant que, par un arrêté du 19 décembre 2011, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a, en application du premier alinéa de l'article L. 2261-15 du code du travail, étendu l'accord du 10 mai 2010 portant dispositions spécifiques à l'activité " d'optimisation linéaire ", conclu dans le cadre de la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le secteur tertiaire du 13 août 1999 ; que la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ;

Sur la légalité externe de l'arrêté d'extension :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement que M. A... B..., nommé directeur général du travail par un décret publié au Journal officiel de la République française le 26 août 2006, avait du fait de cette nomination qualité pour signer, au nom du ministre, l'arrêté attaqué ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2261-27 du code du travail : " Quand l'avis motivé favorable de la Commission nationale de la négociation collective a été émis sans opposition écrite et motivée soit de deux organisations d'employeurs, soit de deux organisations de salariés représentées à cette commission, le ministre chargé du travail peut étendre par arrêté une convention ou un accord ou leurs avenants ou annexes : / 1° Lorsque le texte n'a pas été signé par la totalité des organisations les plus représentatives intéressées ; / 2° Lorsque la convention ne comporte pas toutes les clauses obligatoires énumérées à l'article L. 2261-22 ; / 3° Lorsque la convention ne couvre pas l'ensemble des catégories professionnelles de la branche, mais seulement une ou plusieurs d'entre elles. / En cas d'opposition dans les conditions prévues au premier alinéa, le ministre chargé du travail peut consulter à nouveau la commission sur la base d'un rapport précisant la portée des dispositions en cause ainsi que les conséquences d'une éventuelle extension. / Le ministre chargé du travail peut décider l'extension, au vu du nouvel avis émis par la commission. Cette décision est motivée " ; que si, à la suite de la publication au Journal officiel de l'avis d'extension de l'accord du 10 mai 2010, la fédération requérante a fait part de son opposition au ministre chargé du travail, comme le permet l'article D. 2261-3 du code du travail, il ressort des pièces du dossier qu'aucune opposition écrite et motivée n'a été émise par les organisations de salariés ou d'employeurs représentées à la Commission nationale de la négociation collective ; que, par suite, le ministre chargé du travail n'était pas tenu, avant de procéder à l'extension de l'accord, de réunir une nouvelle fois la sous-commission des conventions et accords, laquelle avait rendu un avis motivé lors de sa séance du 8 novembre 2011 ;

Sur la légalité interne de l'arrêté d'extension :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2261-19 du code du travail : " Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, doivent avoir été négociés et conclus en commission paritaire. / Cette commission est composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré " ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'accord a été négocié et conclu en commission paritaire ; que la fédération requérante ne soutient pas que certaines organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans son champ d'application n'auraient pas été invitées à la négociation collective ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 1242-1 du code du travail: " Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise " ; que l'article L. 1242-2 du même code dispose que : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : (...) 3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois " ;

6. Considérant que l'accord du 10 mai 2010 a entendu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1242-2 du code du travail, définir " l'optimisation linéaire " comme un secteur d'activité dans lequel il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire des emplois des salariés affectés aux actions correspondantes ; qu'il institue, par suite, un contrat d'intervention à durée déterminée au profit des salariés affectés à des actions " d'optimisation de linéaires ", consistant essentiellement en " des actions de montage des têtes de gondoles, d'activités d'inventaires, des implantations, de l'assistance pour les linéaires " et des " actions anti-rupture " ;

7. Considérant que, lorsque à l'occasion d'un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, une contestation sérieuse s'élève sur la validité d'un arrêté prononçant l'extension ou l'agrément d'une convention ou d'un accord collectif de travail, il appartient au juge saisi de ce litige de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle que présente à juger cette contestation ; que la fédération requérante soutient que l'accord du 10 mai 2010 méconnaît les dispositions de l'article L. 1242-1 et du 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail, dès lors que l'" optimisation linéaire " constitue une activité normale et permanente des sociétés qui réalisent ces prestations et qu'il n'existe aucun usage constant de recourir au contrat à durée déterminée pour ce type d'activité ; que ce moyen, qui commande la solution du litige soumis au Conseil d'Etat, soulève une contestation sérieuse ; qu'aucune jurisprudence établie du juge judiciaire n'est de nature à permettre de trancher cette contestation ; qu'il y a lieu, dès lors, pour le Conseil d'Etat, de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle dont s'agit ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur le moyen énoncé ci-dessus.

Article 2 : La Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention devra justifier, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, de sa diligence à saisir de cette question la juridiction compétente.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention, à la fédération des syndicats CFTC commerce, services et force de vente, au syndicat national des organisateurs et réalisateurs d'actions promotionnelles et commerciales (SORAP), au syndicat CFDT F3C-Service communication, au syndicat national des prestataires de services d'accueil, d'animation et de promotion (SNPA) et au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.

Copie en sera adressée à la fédération nationale CFE-CGC du commerce et des services.


Synthèse
Formation : 1ère / 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 357039
Date de la décision : 14/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 mai. 2014, n° 357039
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY ; SCP ORTSCHEIDT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:357039.20140514
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