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28/03/2014 | FRANCE | N°339119

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 28 mars 2014, 339119


Vu le pourvoi, enregistré le 30 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande au Conseil d'État d'annuler les articles 1er à 4 de l'arrêt n° 07NT01039 du 4 mars 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement n° 05-2366 du 27 février 2007 du tribunal administratif de Caen et déchargé la société en participation (SEP) BCM Holdings France des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle

cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998...

Vu le pourvoi, enregistré le 30 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande au Conseil d'État d'annuler les articles 1er à 4 de l'arrêt n° 07NT01039 du 4 mars 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement n° 05-2366 du 27 février 2007 du tribunal administratif de Caen et déchargé la société en participation (SEP) BCM Holdings France des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998 à 2001 et de la retenue à la source mise à sa charge au titre des mêmes années, ainsi que des pénalités correspondantes, à raison des revenus distribués correspondant aux réintégrations des intérêts d'emprunt dans ses résultats;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil, notamment son article 1871 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Labrune, Auditeur,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société SEP BCM Holdings France ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société en participation (SEP) BCM Holdings France a été constituée le 20 mars 1997 entre les sociétés de droit anglais Pepperworld Ltd et Pepperpower Ltd, qui ont convenu, dans ce cadre, de mettre en commun la propriété des actions de la société PLCP, devenue BCM Europe, qu'elles détenaient et dont elles avaient financé l'acquisition au moyen d'un prêt contracté auprès de la société Boots the Chemist ; que la SEP BCM Holdings France a opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés ; qu'elle a été dissoute par acte du 26 mars 2002 ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1998 à 2001 ; que l'administration a été informée par les anciens associés de la SEP BCM Holdings France que le gérant de cette dernière continuerait de la représenter à la même adresse ; que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source mise à sa charge au titre des mêmes années, ainsi que des pénalités correspondantes, à raison des revenus distribués correspondant aux réintégrations des intérêts d'emprunt dans ses résultats; que la demande en décharge de ces impositions, introduite par la SEP BCM Holdings France, a été rejetée par un jugement du 27 février 2007 du tribunal administratif de Caen ; que la cour administrative d'appel de Nantes a partiellement fait droit à sa requête d'appel par un arrêt du 4 mars 2010 contre lequel le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat se pourvoit en cassation en tant qu'il lui est défavorable ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1871 du code civil : " Les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée. La société est dite alors " société en participation ". Elle n'est pas une personne morale et n'est pas soumise à publicité. Elle peut être prouvée par tous moyens " ; qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " (...) 3. Sont soumis à l'impôt sur les sociétés s'ils optent pour leur assujettissement à cet impôt dans les conditions prévues à l'article 239 :/ (...) d. Les sociétés en participation (...) " ; qu'aux termes de l'article 238 bis M de ce même code : " Les sociétés en participation doivent, pour l'application des articles 8 et 60, inscrire à leur actif les biens dont les associés ont convenu de mettre la propriété en commun " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions qu'une société en participation ayant opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, bien que n'ayant pas la personnalité morale, est recevable à contester devant le juge de l'impôt l'imposition mise à sa charge, dès lors qu'elle en est elle-même légalement redevable ; qu'il en est ainsi même après la dissolution d'une telle société en participation, aussi longtemps que ses droits et obligations à caractère fiscal ne sont pas liquidés ; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel de Nantes a pu, sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, juger que la SEP BCM Holdings France était recevable à contester devant le juge administratif l'imposition mise à sa charge ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte également de ces dispositions que si une société en participation, qui ne jouit pas de la personnalité morale et ne dispose pas de patrimoine propre, ne peut devenir propriétaire des biens que les associés mettent à sa disposition, elle peut, cependant, déduire de son résultat les charges qui ont été engagées pour l'acquisition des biens que les associés ont décidé de mettre en commun et qui doivent figurer à l'actif de son bilan, soit conformément aux dispositions de l'article 238 bis M du code général des impôts, si cette société n'a pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, soit, conformément au droit commun des sociétés de capitaux, si elle a opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés ; qu'il suit de là, d'une part, que la cour n'a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique des faits en jugeant que la SEP BCM Holdings France pouvait déduire de son résultat, sans que cela constitue, en soi, un acte anormal de gestion, les intérêts du prêt ayant financé l'acquisition des actions dont ses associés étaient convenus de mettre la propriété en commun, d'autre part, que, la SEP ne pouvant, par nature, être propriétaire de ces actions, le ministre ne saurait utilement soutenir que la cour aurait entaché son arrêt de dénaturation, d'erreur de droit et d'erreur de qualification juridique des faits en jugeant que la totalité des intérêts de l'emprunt souscrit pour l'acquisition des actions était déductible alors que celles-ci n'avaient pas été donnés en pleine propriété à la société requérante ;

5. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient le ministre, la cour a jugé, par une motivation suffisante et sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, que l'administration n'apportait pas, en l'espèce, la preuve de l'existence d'un acte anormal de gestion du fait de l'absence de contrepartie pour la SEP BCM Holdings France de la prise en charge des intérêts de l'emprunt souscrit pour l'acquisition des titres de la société PLCP ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat n'est pas fondé à demander l'annulation des articles 1er à 4 de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Nantes ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 3 000 euros à verser conjointement à la SEP BCM Holdings France, la société Pepperworld Ltd et la société Pepperpower Ltd au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera conjointement à la SEP BCM Holdings France, la société Pepperworld Ltd et la société Pepperpower Ltd une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances, à la SEP BCM Holdings France, à la société Pepperworld Ltd et à la société Pepperpower Ltd.


Synthèse
Formation : 10ème / 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 339119
Date de la décision : 28/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - DEMANDES ET OPPOSITIONS DEVANT LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF - SOCIÉTÉ EN PARTICIPATION AYANT OPTÉ POUR SON ASSUJETTISSEMENT À L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS - RECEVABILITÉ À CONTESTER L'IMPOSITION MISE À SA CHARGE - EXISTENCE - Y COMPRIS APRÈS SA DISSOLUTION.

19-02-03 Une société en participation ayant opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, bien que n'ayant pas la personnalité morale, est recevable à contester devant le juge de l'impôt l'imposition mise à sa charge, dès lors qu'elle en est elle-même légalement redevable. Il en est ainsi même après la dissolution d'une telle société en participation, aussi longtemps que ses droits et obligations à caractère fiscal ne sont pas liquidés.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES - PERSONNES MORALES ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - SOCIÉTÉ EN PARTICIPATION AYANT OPTÉ POUR SON ASSUJETTISSEMENT À L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS - RECEVABILITÉ À CONTESTER L'IMPOSITION MISE À SA CHARGE - EXISTENCE - Y COMPRIS APRÈS SA DISSOLUTION.

19-04-01-04-01 Une société en participation ayant opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, bien que n'ayant pas la personnalité morale, est recevable à contester devant le juge de l'impôt l'imposition mise à sa charge, dès lors qu'elle en est elle-même légalement redevable. Il en est ainsi même après la dissolution d'une telle société en participation, aussi longtemps que ses droits et obligations à caractère fiscal ne sont pas liquidés.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 mar. 2014, n° 339119
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Labrune
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:339119.20140328
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