La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2014 | FRANCE | N°360299

France | France, Conseil d'État, 8ème / 3ème ssr, 12 mars 2014, 360299


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin et 18 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Binsarco International Establishment, dont le siège est Lanbstrasse 11, Postfach 167 à Triesen Vaduz (FL9495), Liechtenstein ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA00951 du 16 février 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement n° 0614163 du 23 décembre 2009 par lequel le tribunal administrati

f de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin et 18 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Binsarco International Establishment, dont le siège est Lanbstrasse 11, Postfach 167 à Triesen Vaduz (FL9495), Liechtenstein ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA00951 du 16 février 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement n° 0614163 du 23 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution sur cet impôt et des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997 à 2000, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Binsarco International Establishment ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Binsarco International Establishment, constituée en 1989 en tant que holding informel commun au groupe Bin Ladin et au groupe Sarkissian, a fait en 2002 l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle ont été mises à sa charge des cotisations d'impôt sur les sociétés, et de contribution additionnelle à cet impôt et des retenues à la source au titre des années 1997 à 2000 ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 février 2012 de la cour administrative d'appel de Paris qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du 23 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande en décharge de ces impositions ;

2. Considérant, en premier lieu, que la cour a relevé que les pièces produites par le ministre établissaient que la société Binsarco International Establishment avait disposé, de 1997 à 2000, de locaux situés à Paris, qui avaient été pris à bail par une société appartenant au même groupe informel et où son courrier était enregistré par la secrétaire de cette société ; qu'elle y avait notamment exercé une activité de gestion financière au titre d'un contrat conclu le 26 juin 1996 entre deux sociétés du groupe, en vue de participer à l'extension de l'aire de prière de la mosquée du Prophète de Médine, activité rémunérée notamment par des honoraires d'un montant de 75 000 dollars versés par la société Winarco au cours de l'année 1999 ; que la cour a également relevé que, si la société requérante soutenait s'être bornée à un rôle de holding financier, elle n'établissait pas que les sommes reçues de la société Winarco provenaient de dividendes plutôt que de la rémunération de ses services et qu'elle avait disposé à Paris d'un représentant permanent en la personne de son vice-président, M. A..., qui résidait en France, avait le pouvoir d'engager la société, gérait ses comptes bancaires, réalisait ses opérations financières et agissait pour son compte, sans qu'elle ait justifié avoir été dirigée depuis Djedda par d'autres personnes ; que la cour a porté sur l'ensemble de ces faits une appréciation souveraine exempte de dénaturation ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si l'irrégularité d'une opération de visite et de saisie entreprise en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales entraîne celle de la procédure d'imposition ultérieurement poursuivie à l'encontre du contribuable visé par cette opération, dans la mesure où les droits établis procèdent de l'exploitation des informations recueillies à son occasion, elle n'affecte pas, en revanche, la validité d'une procédure d'imposition distincte engagée à l'égard d'un autre contribuable, et dans laquelle l'administration se serait fondée sur des faits révélés par les documents saisis ; que, toutefois, il n'en est ainsi que lorsque des documents saisis dans le but d'établir que le contribuable visé par l'ordonnance ayant autorisé l'opération a éludé l'impôt révèlent, accessoirement, à l'administration des faits de nature à affecter la situation fiscale d'un tiers, à la procédure d'imposition duquel la saisie sera restée étrangère ; qu'au contraire, lorsqu'en saisissant, au cours d'une opération dirigée contre un contribuable, des documents concernant exclusivement un tiers, les agents de l'administration procèdent, alors qu'ils n'y sont pas autorisés, au recueil d'éléments permettant d'établir que ce tiers a éludé l'impôt, ils effectuent par là-même, à l'encontre de celui-ci, une opération de visite et saisie constitutive d'une première étape, irrégulière, de sa procédure d'imposition ;

4. Considérant que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'administration pouvait fonder les redressements sur des faits révélés par les documents saisis, le 28 juin 2001, lors d'une procédure de visite et de saisie menée à l'encontre de trois autres sociétés, alors qu'il ne résultait pas de l'instruction que les documents saisis auraient concerné exclusivement la société Binsarco International Establishment ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office :/ (...) 2° A l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 " ; qu'aux termes de l'article L. 68 du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : "La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure si le contribuable (...) ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'administration n'est pas tenue d'adresser la mise en demeure prévue au premier alinéa de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales à un contribuable qui ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ; que, néanmoins, elle peut décider, sans y être tenue, d'adresser une mise en demeure à un contribuable dans cette situation ; que cet envoi ne constitue pas, dans cette hypothèse, une garantie pour ce contribuable ; que, dans un tel cas, ni le premier alinéa de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, ni, par voie de conséquence, la procédure de régularisation mentionnée au 2° de l'article L. 66 du même livre ne sont applicables ; que, dès lors, la circonstance que cette mise en demeure soit suivie de l'envoi d'une notification de redressement par voie de taxation d'office, sans attendre l'expiration d'un délai de trente jours, ne prive pas ce contribuable d'une garantie dont il puisse se prévaloir et ne peut avoir d'influence sur la décision de redressement ;

7. Considérant que la société requérante a fait valoir devant les juges d'appel que l'envoi de la notification de redressement du 18 décembre 2002 était intervenu moins de trente jours après l'envoi d'une mise en demeure le 25 novembre 2002 ; que, toutefois, la cour, qui a relevé que la société ne s'était pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce, n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que celle-ci n'était, en tout état de cause, pas fondée à invoquer les dispositions du premier alinéa de l'article L. 68 ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que la cour n'a pas dénaturé les écritures de la société en estimant, après avoir relevé qu'elle exerçait une activité occulte en France, que l'administration ne l'avait pas imposée sur le fondement de l'article L. 72 du livre des procédures fiscales selon lequel sont taxées d'office à l'impôt sur les sociétés les personnes morales exerçant des activités en France, sans y avoir leur siège social, lorsqu'elles n'ont pas satisfait dans le délai de quatre-vingt-dix jours à la demande de l'administration les invitant à désigner un représentant en France, mais sur celui de l'article L. 68 du même livre et qu'en conséquence, le moyen tiré de ce qu'elle n'avait pas pu désigner un représentant fiscal en France était sans influence sur le caractère régulier de la procédure d'imposition ;

9. Considérant, en dernier lieu, que la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que la société, à laquelle incombait la charge de la preuve du caractère exagéré des redressements, n'établissait pas l'absence de caractère imposable de sommes reçues de filiales entre 1998 et 2000 ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre, le pourvoi de la société Binsarco International Establishment doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Binsarco International Establishment est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Binsarco International Establishment et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème / 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 360299
Date de la décision : 12/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES. ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. - PROCÉDURE DE TAXATION D'OFFICE POUR DÉFAUT DE DÉPÔT DE LA DÉCLARATION DANS LE DÉLAI LÉGAL (ART. L. 66, 2° DU LPF) - CAS D'UN CONTRIBUABLE NE S'ÉTANT PAS FAIT CONNAÎTRE D'UN CFE OU DU GREFFE DU TRIBUNAL DE COMMERCE - ENVOI FACULTATIF D'UNE MISE EN DEMEURE DE RÉGULARISER - EFFETS - ENVOI CONSTITUTIF D'UNE GARANTIE POUR LE CONTRIBUABLE - ABSENCE - APPLICABILITÉ DU PREMIER ALINÉA DE L'ARTICLE L. 68 DU LPF ET DE LA PROCÉDURE DE RÉGULARISATION MENTIONNÉE AU 2° DE L'ARTICLE L. 66 - ABSENCE - IRRÉGULARITÉ DU REDRESSEMENT PAR VOIE DE TAXATION D'OFFICE NOTIFIÉ AVANT L'EXPIRATION DU DÉLAI DE TRENTE JOURS PRÉVU PAR LA MISE EN DEMEURE - ABSENCE.

19-04-01-04-04 Si l'administration n'est pas tenue d'adresser la mise en demeure prévue au premier alinéa de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales (LPF) à un contribuable qui ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises (CFE) ou du greffe du tribunal de commerce, elle peut néanmoins décider, sans y être tenue, d'adresser une mise en demeure à un contribuable dans cette situation. Cet envoi ne constitue pas, dans cette hypothèse, une garantie pour ce contribuable. Dans un tel cas, ni le premier alinéa de l'article L. 68 du LPF, ni, par voie de conséquence, la procédure de régularisation mentionnée au 2° de l'article L. 66 du même livre ne sont applicables. Dès lors, la circonstance que cette mise en demeure soit suivie de l'envoi d'une notification de redressement par voie de taxation d'office, sans attendre l'expiration d'un délai de trente jours, ne prive pas ce contribuable d'une garantie dont il puisse se prévaloir et ne peut avoir d'influence sur la décision de redressement.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 2014, n° 360299
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:360299.20140312
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award