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05/03/2014 | FRANCE | N°363871

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 05 mars 2014, 363871


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 novembre 2012 et 13 février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Commune De La Possession, représentée par son maire ; demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation des dispositions du décret n°2011-1609 du 22 novembre 2011, en tant qu'elles approuvent les prescriptions n° 12.2 du chapitre IV du schéma d'aménagement régional de La Réunion d'une p

art, et le classement en zone agricole des parcelles situées sur le territo...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 novembre 2012 et 13 février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Commune De La Possession, représentée par son maire ; demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation des dispositions du décret n°2011-1609 du 22 novembre 2011, en tant qu'elles approuvent les prescriptions n° 12.2 du chapitre IV du schéma d'aménagement régional de La Réunion d'une part, et le classement en zone agricole des parcelles situées sur le territoire de la commune de La Possession délimitées à l'ouest par la rue Leconte de Lisle, au nord par le chemin boeuf mort et au sud-est par la ravine Marquet, d'autre part ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de réexaminer la demande d'abrogation, dans cette mesure, du décret n° 2011-1609 du 22 novembre 2011, dans le délai de quinze jours suivant la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 84-747 du 2 août 1984 ;

Vu la loi n°2011-525 du 17 mai 2011, notamment son article 5 ;

Vu le décret n° 88-899 du 29 août 1988 ;

Vu le décret n°2011-1609 du 22 novembre 2011 ;

Vu le décret du 8 février 2002 portant autorisation des travaux de dérivation des eaux des rivières du Mât et des Fleurs Jaunes dans le cirque de Salazie, d'une part, et des rivières du Bras de Sainte-Suzanne et des Galets dans le cirque de Mafate, d'autre part, vers le littoral ouest de l'île de La Réunion, déclaration d'utilité publique des ouvrages correspondants et emportant mise en compatibilité des plans d'occupation des sols des communes de Saint-Leu et Trois-Bassins ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Blazy, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de La Possession et à la SCP Lévis, avocat de la région de La Réunion ;

1. Considérant que, par lettre du 13 juillet 2012, la commune de La Possession a demandé au Premier ministre d'abroger, d'une part, le décret du 22 novembre 2011, portant approbation du schéma régional d'aménagement de La Réunion, en tant qu'il approuve les prescriptions n°12.2 du chapitre IV du schéma d'aménagement régional de La Réunion et, d'autre part, le classement en zone agricole des parcelles situées sur le territoire de la commune de La Possession délimitées à l'ouest par la rue Leconte de Lisle, au nord par le chemin boeuf mort et au sud-est par la ravine Marquet ; que, le Premier ministre n'ayant pas répondu à cette demande dans le délai de deux mois, il en est résulté une décision implicite de rejet, dont la commune de La Possession demande l'annulation pour excès de pouvoir dans le délai de recours contentieux ; que la commune demande, en outre, qu'il soit enjoint au Premier ministre, de réexaminer sa demande d'abrogation ;

2. Considérant qu'en application de l'article 16-1 de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration du droit, l'autorité compétente est tenue, d'office ou à la demande d'une personne intéressée, d'abroger expressément tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ;

Sur la légalité externe du décret dont l'abrogation a été refusée :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4433-9 du code général des collectivités territoriales: " Le schéma d'aménagement régional est élaboré à l'initiative et sous l'autorité du conseil régional selon une procédure conduite par le président du conseil régional et déterminée par décret en Conseil d'Etat. / Sont associés à cette élaboration l'Etat, le département, les communes (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 4433-3 du même code : " Une commission formée de représentants du conseil régional, constituée à l'initiative du président du conseil régional, est chargée d'élaborer le projet de schéma d'aménagement régional./ Afin d'associer (...) les communes (...), participent aux travaux de cette commission : /(...) 3° (...) les maires des communes de plus de 15 000 habitants (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de La Possession, dont la population était supérieure à 15 000 habitants, a été convié par le président du conseil régional de La Réunion à toutes les réunions de la commission prévue à l'article R. 4433-3 précité du code général des collectivités territoriales ; que par suite, le moyen tiré de ce que le schéma d'aménagement régional de La Réunion aurait été adopté au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le maire de La Possession d'avoir été convoqué à ces réunions, manque en fait ;

Sur la légalité interne du décret dont l'abrogation a été refusée :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales : " Les conseils régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte et de La Réunion adoptent un schéma d'aménagement qui fixe les orientations fondamentales à moyen terme en matière de développement durable, de mise en valeur du territoire et de protection de l'environnement. Ce schéma détermine notamment la destination générale des différentes parties du territoire de la région, l'implantation des grands équipements d'infrastructures et de transport, la localisation préférentielle des extensions urbaines, des activités industrielles, portuaires, artisanales, agricoles, forestières, touristiques et relatives aux énergies renouvelables ainsi que celles relatives aux nouvelles technologies de l'information et de la communication " ;

6. Considérant, d'une part, que les prescriptions n° 4 relatives aux espaces agricoles du chapitre IV du schéma d'aménagement régional de La Réunion disposent que les espaces agricoles identifiés dans la " Carte de destination générale des sols " doivent être maintenus dans leur vocation, qu'ils recevront dans les documents d'urbanisme locaux un classement approprié, faisant obstacle à tout changement d'affectation non compatible avec le maintien de l'exploitation à des fins de production agricole et que dans les zones préférentielles d'urbanisation, dès lors que les droits ouverts à l'extension d'urbanisation seront traduits dans les documents d'urbanisme, les espaces agricoles non mobilisés devront voir " leur vocation agricole confirmée de façon stricte " ;

7. Considérant d'autre part, que les prescriptions n° 12 relatives à l'utilisation des extensions urbaines excluent, dans les zones préférentielles d'urbanisation, l'ouverture à l'urbanisation des espaces agricoles compris dans le périmètre figurant au plan annexé au décret du 8 février 2002 pris pour la réalisation du projet d'irrigation du littoral ouest ;

8. Considérant que la " carte de destination générale des sols " matérialise en jaune un " espace agricole ", situé sur le territoire de la commune de La Possession, constitué des parcelles délimitées à l'ouest par la rue Leconte de Lisle, au nord par le chemin boeuf mort et au sud-est par la ravine Marquet, qui relèvent du périmètre irrigué en application des dispositions du décret du 8 février 2002 ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles litigieuses, d'une superficie totale de 4,9 hectares, sont aujourd'hui affectées à une activité maraîchère, ne comportent que deux constructions et ne sont bordées que pour partie d'espaces urbanisés ; que, par suite, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que les auteurs du schéma d'aménagement régional de La Réunion ont estimé qu'elles devaient bénéficier d'une protection particulière en raison de leur potentiel agronomique, biologique ou économique et les ont, par suite, classées en " espaces agricoles " ; que c'est également sans erreur manifeste d'appréciation qu'ils ont pu estimer que l'extension urbaine devait s'exercer sur les parties des zones préférentielles d'urbanisation qui présentent le moins d'intérêt en termes de valeur agricole, naturelle ou paysagère et qui satisfont aux conditions d'un développement urbain durable et, par voie de conséquence, en exclure les parcelles irriguées dans le cadre du projet d'irrigation du littoral ouest;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de La Possession n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du Premier ministre refusant d'abroger le décret qu'elle conteste ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de La Possession demande soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Possession la somme de 3 000 euros à verser à la région de La Réunion ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la commune de La Possession est rejetée.

Article 2 : La commune de La Possession versera à la région de La Réunion la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de La Possession, au Premier ministre, au ministre de l'égalité des territoires et du logement, au ministre de l'intérieur, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, au ministre de l'outre-mer et à la région Réunion.


Synthèse
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 363871
Date de la décision : 05/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mar. 2014, n° 363871
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Florian Blazy
Rapporteur public ?: Mme Delphine Hedary
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP LEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:363871.20140305
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