Vu 1°, sous le n°345011, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 décembre 2010 et 30 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association Forum des Monts d'Orb, dont le siège est situé La Ferme de Valayrac à Joncels (34650) ; l'association Forum des Monts d'Orb demande au Conseil d'Etat :
1°/ d'annuler l'arrêt n° 08MA03443-08MA03501 du 21 octobre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a d'une part, annulé le jugement du 15 mai 2008 du tribunal administratif de Montpellier annulant les permis de construire délivrés les 1er et 5 septembre 2005 par le préfet de l'Hérault, pour l'installation d'aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Joncels et d'autre part, rejeté les demandes présentées en première instance par l'association ;
2°/ réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société EDF énergies nouvelles France et du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
3°/ de mettre à la charge de la société EDF énergies nouvelles France et du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°, sous le n°350658, la requête, enregistrée le 6 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'association Forum des Monts d'Orb, dont le siège est situé La Ferme de Valayrac à Joncels (34650) ; l'association Forum des Monts d'Orb demande au Conseil d'Etat d'ordonner le sursis à exécution de l'arrêt n° 08MA03443-08MA03501 du 21 octobre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a d'une part, annulé le jugement du 15 mai 2008 du tribunal administratif de Montpellier annulant les permis de construire délivrés les 1er et 5 septembre 2005 par le préfet de l'Hérault, pour l'installation d'aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Joncels et d'autre part, rejeté les demandes présentées en première instance par l'association ;
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Vu l'arrêt dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Blazy, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de l'association Forum des Monts d'Orb et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Edf énergies nouvelles France ;
1. Considérant que le pourvoi et la requête tendant au sursis à exécution sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant que le tribunal administratif de Montpellier, par un jugement du 15 mai 2008, a annulé les permis de construire délivrés par le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault les 1er et 5 septembre 2005, à la société SIFF Energies France, devenue EDF énergies renouvelables, en vue de l'installation de 17 aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Joncels ; que la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement par un arrêt du 21 octobre 2010 contre lequel se pourvoit l'association Forum des Monts d'Orb qui en demande, par ailleurs, le sursis à exécution ;
3. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme relatif à la règle de constructibilité limitée en zone de montagne, dans sa version applicable à la date des permis de construire litigieux : " III.- Sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants (...) " ; que ces dispositions permettent de déroger à la règle d'urbanisation en continuité pour les installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ; qu'en jugeant, après avoir relevé qu'il s'agissait d'un équipement de production d'énergie complémentaire à des équipements existants, destiné à renforcer la capacité de production sur le territoire de la commune de Joncels, afin de favoriser le développement de cette dernière, que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les projets de parcs éoliens objets du présent litige ne pouvaient bénéficier de cette dérogation, la cour a suffisamment motivé son arrêt et pleinement rempli son office ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme :" La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation dudit terrain pour cause d'utilité publique (...) " ; qu'en regardant le projet de concession de réservation de site pour création d'un parc éolien que le pétitionnaire avait conclu avec l'Office National des Forêts, comme un titre habilitant le pétitionnaire à construire au sens des dispositions précitées, et en jugeant qu'il n'était pas nécessaire que le service instructeur s'assure de ce que les clauses résolutoires qu'il comporte avaient été levées, ni qu'il demande communication des mentions qui avaient été occultées afin de concilier le respect du secret des affaires avec le cadre de la procédure d'enquête publique, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation et d'erreur de droit ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du même code, dans la version applicable à la date de la délivrance des permis de construire litigieux : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ; qu'il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ; que les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus ;
6. Considérant que, pour rejeter le moyen tiré de ce que le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault aurait entaché les décisions par lesquelles il a accordé les permis de construire litigieux d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme précitées, la cour administrative d'appel de Marseille a procédé à l'examen du caractère du site dans lequel devait être réalisé le projet d'implantation de 17 aérogénérateurs, en soulignant les éléments illustrant son caractère naturel, accidenté et boisé ; qu'elle a ensuite apprécié l'impact des deux parcs d'éoliennes sur le paysage, en estimant qu'ils seraient vus de loin sous de nombreux angles ; qu'elle a ensuite relevé l'inscription de ce projet dans un projet plus vaste d'implantation de plusieurs parcs éoliens sur le territoire de la commune de Joncels, dont certains étaient déjà réalisés à la date de délivrance des permis litigieux, résultant notamment d'une volonté de la commune et de la communauté de communes de concentration des équipements, avec pour effet de favoriser une rationalisation du choix des sites naturels pouvant accueillir une activité incompatible avec la proximité de lieux habités et de concilier les conséquences nécessaires de cette dérogation au principe d'urbanisation continue avec l'obligation d'éviter la dispersion des implantations d'urbanisation en zone de montagne ; qu'en déduisant des appréciations auxquelles elle a procédé que l'atteinte portée au site par le projet ne conduisait ni à sa dénaturation, ni à la transformation de ses caractéristiques essentielles, n'était pas disproportionnée par rapport à la défense des autres intérêts publics que cette implantation regroupée assure en matière de protection des espaces naturels, qui est au nombre des intérêts visés à l'article R. 111-21, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier ; que, si elle a en outre relevé, pour qualifier l'ampleur de l'atteinte portée au site, que la concentration des parcs d'éoliennes était fondée sur des raisons économiques, elle s'est, ce faisant, bornée à prendre en compte la caractéristique de l'implantation du projet, sans méconnaître les règles rappelées au point 5 de la présente décision ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association forum des monts d'Orb n'est pas fondée à demander l'annulation de la l'arrêt du 21 octobre 2010 de la cour administrative de Marseille ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce dernier ;
8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'association Forum des Monts d'Orb la somme de 2 000 euros à verser à la société EDF énergies nouvelles France, au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise conjointement à la charge de la société EDF énergies nouvelles France et de l'Etat;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'association Forum des Monts d'Orb est rejeté.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêt du 21 octobre 2010 de la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'association des Forums des Monts d'Orb versera la somme de 2 000 euros à la société EDF énergies renouvelables France.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association des Forums des Monts d'Orb, à la société EDF énergies nouvelles France et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.