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14/02/2014 | FRANCE | N°365750

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 14 février 2014, 365750


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 février et 6 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Sogefimur dont le siège est 29, boulevard Haussmann à Paris (75009), représentée par la société Condigel dont le siège est au 30 à 40, rue du Pont VI au Havre (76600), agissant par son président- directeur général en exercice ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1001953 du 29 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annul

ation de la décision de rejet de l'administration en date du 21 avril 2010 et...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 février et 6 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Sogefimur dont le siège est 29, boulevard Haussmann à Paris (75009), représentée par la société Condigel dont le siège est au 30 à 40, rue du Pont VI au Havre (76600), agissant par son président- directeur général en exercice ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1001953 du 29 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de rejet de l'administration en date du 21 avril 2010 et à ce que la méthode d'évaluation par comparaison soit appliquée au lieu de la méthode comptable retenue pour l'évaluation des valeurs locatives de l'immeuble litigieux, pour les cotisations primitive de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2004, 2005, 2006 et 2008, dans les rôles de la commune du Havre, et au dégrèvement de ces cotisations à hauteur de l'écart ainsi constaté ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Sogefimur représentée par la société Condigel ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à raison de locaux situés dans la zone portuaire du Havre au n° 21 rue Marcel Rougeault, n° 187 boulevard Jules Durand et n° 9 et n° 61 rue du pont VI, dont elle est propriétaire et qui sont loués dans le cadre d'un contrat de crédit-bail à la société Condigel, la société Sogefimur a été assujettie à des cotisations primitives de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2004 à 2006 et 2008 ; que la valeur locative de ces locaux a été évaluée selon la méthode applicable aux immobilisations industrielles en application de l'article 1499 du code général des impôts ; que le 21 avril 2010, l'administration a rejeté sa réclamation tendant à substituer à cette méthode la méthode d'évaluation par comparaison et aux dégrèvements de ces cotisations à hauteur de l'écart qui résulterait de cette substitution ; qu'elle se pourvoit en cassation contre le jugement en date du 29 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à ce dégrèvement ;

2. Considérant que, dans son mémoire en réplique du 24 juin 2011 présenté devant le tribunal administratif, la société requérante s'est prévalue de la garantie prévue par l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales en soutenant que, par lettre du 18 juillet 2000, l'administration avait expressément admis que les locaux en litige ne présentaient pas un caractère industriel pour l'évaluation de leur valeur locative ; que le tribunal, qui a visé ce mémoire, n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; qu'ainsi et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Sogefimur est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement qu'elle attaque ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

4. Considérant que les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont différemment définies à l'article 1496 du code général des impôts pour les locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une profession, à l'article 1498 pour tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et, enfin, à l'article 1499 pour les " immobilisations industrielles " ; que revêtent un caractère industriel, au sens de ce dernier article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les installations appartenant à la société requérante, données en crédit-bail à la société Condigel et utilisées pour l'entreposage, le contrôle et la manutention de marchandises réfrigérées avant leur transport par la route, se composent d'un entrepôt muni de moyens frigorifiques et de matériels, fixes ou mobiles, de stockage et de levage et d'ouvrages fixes de chargement et déchargement pour les véhicules de transport ; qu'ainsi, les installations en cause comprennent des moyens techniques importants ; que ceux-ci jouent un rôle prépondérant dans l'activité exercée dans les locaux en litige ; que, par suite, ceux-ci présentent un caractère industriel au sens des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les immobilisations en litige revêtaient un caractère industriel et, par suite, a retenu la méthode d'évaluation définie à l'article 1499 de ce code ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) " ;

7. Considérant, d'une part, que, selon l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / " 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) " ; que ces dispositions, qui renvoient à celles du premier alinéa de l'article L. 80 A de ce livre, ne s'appliquent qu'aux cas de rehaussements d'impositions antérieures ; que, dès lors, la société Sogefimur n'est, en tout état de cause, pas fondée, dans le cadre du présent litige, qui concerne une imposition primitive, à se prévaloir de ces dispositions ; que, par suite, les moyens qu'elle soulève sur le fondement des dispositions de cet article doivent être écartés ;

8. Considérant, d'autre part, que selon la documentation administrative de base 6 C-251 du 15 décembre 1988, les établissements où sont réalisées des manipulations ou des prestations de services doivent être regardés comme des établissements industriels au sens de l'article 1499 du code général des impôts lorsque le rôle de l'outillage et de la force motrice y est prépondérant, alors même qu'ils ne constituent pas des usines ou ateliers se livrant à la transformation de matières premières ou à la fabrication et à la réparation d'objets ; que ces prescriptions ne comportent aucune interprétation formelle de l'article 1499 différente de celle énoncée précédemment ; que, par suite, la société Sogefimur ne peut, en tout état de cause, utilement s'en prévaloir sur le fondement des dispositions du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de l'administration en date du 21 avril 2010 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 29 novembre 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Sogefimur devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Sogefimur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Sogefimur et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 365750
Date de la décision : 14/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 fév. 2014, n° 365750
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:365750.20140214
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