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05/02/2014 | FRANCE | N°331016

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème ssr, 05 février 2014, 331016


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 août et 20 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), dont le siège est 34 rue du Commandant Mouchotte, à Paris (75014) ; la SNCF demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 9 juillet 2009 de la Commission prévue à l'article 10 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'énergie et du gaz et aux entreprises électriques et gazières statuant sur un différend entre la

Société nationale des chemins de fer français et la société RTE ;

2°) de tr...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 août et 20 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), dont le siège est 34 rue du Commandant Mouchotte, à Paris (75014) ; la SNCF demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 9 juillet 2009 de la Commission prévue à l'article 10 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'énergie et du gaz et aux entreprises électriques et gazières statuant sur un différend entre la Société nationale des chemins de fer français et la société RTE ;

2°) de transférer à la société RTE l'ensemble des ouvrages de transport public d'électricité de la SNCF, y compris ceux que la Commission a décidé de conserver dans le domaine de celle-ci, à savoir " la partie des câbles souterrains alimentant les sous-stations de Bercy et de Ouest ceinture (soit 13,4 km) " ;

3°) de déterminer la valeur de l'ensemble des biens transférés à la société RTE ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;

Vu le décret n° 2005-172 du 22 février 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Japiot, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la Société nationale des chemins de fer français et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat du Réseau de transport d'électricité ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 10 de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières : " Les ouvrages relevant du réseau public de transport d'électricité à la date de publication de la présente loi mais n'appartenant pas à Electricité de France sont, le cas échéant après déclassement, transférés à titre onéreux à la société mentionnée à l'article 7, dans le délai d'un an à compter de la création de cette société. Les différends éventuels sont tranchés par une commission de trois membres présidée par un magistrat de la Cour des comptes, nommé sur proposition du premier président de la Cour des comptes. Un décret fixe les modalités de désignation des deux autres membres. Cette commission règle le différend dans un délai de six mois à compter de sa saisine. Sa décision peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative. "

2. Considérant que la commission prévue par ces dispositions a été saisie afin de régler un différend entre la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et la société RTE, créée en application de l'article 7 de la même loi, portant sur la consistance et la valeur des ouvrages, relevant du réseau public de transport d'électricité, à transférer de la première à la seconde en application des dispositions précitées ; que cette commission a, par la décision attaquée du 9 juillet 2009, d'une part, décidé que les biens à transférer étaient l'ensemble des ouvrages de la SNCF décrits dans un inventaire établi conjointement le 11 juin 2009 par les deux sociétés parties au litige, à l'exception de " la partie des câbles souterrains alimentant les sous-stations de Bercy et de Ouest ceinture (soit 13,4 km) " et, d'autre part, fixé la valeur globale des biens à transférer à la somme de 140 millions d'euros au 1er janvier 2009 ; que la SNCF demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler cette décision, de prononcer le transfert de la totalité des ouvrages mentionnés dans l'inventaire précité et de fixer la valeur de ces ouvrages ; que la société RTE demande au Conseil d'Etat, à titre reconventionnel, de réformer la décision attaquée en fixant la valeur des biens transférés à 63 millions d'euros ; que les parties ont conclu le 26 mai 2010, postérieurement à l'introduction de la requête de la SNCF, un contrat portant transfert à la société RTE, à compter du 1er mai 2010, des biens en litige, en retenant un prix provisoire, égal au montant fixé par la décision attaquée, qui sera ajusté en fonction de la décision à intervenir dans le présent litige ;

Sur la consistance des biens à transférer à la société RTE :

3. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la SNCF et quelle que soit la valeur des motifs qu'elle a invoqués, la commission a statué sur le caractère transférable des trois séries d'ouvrages faisant l'objet d'un litige entre les deux parties, en incluant dans les biens à transférer à la société RTE les quatre ouvrages de passage et les sections de lignes aériennes d'une longueur totale de 53,9 kilomètres et en en excluant, à l'inverse, les câbles souterrains mentionnés ci-dessus ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si les articles 3 et 6 de la convention conclue le 7 juin 1989 entre la SNCF et la société EDF, remplacée par des conventions ayant des stipulations similaires les 1er juin 1995 et 22 décembre 1999, prévoient le transfert à cette seconde société, à laquelle s'est substituée la société RTE, des ouvrages ayant changé de destination, ce transfert ne peut résulter que d'une décision expresse d'une commission mixte mise en place par les deux entreprises jusqu'au 31 décembre 1999 ou d'un accord écrit entre elles pour la période postérieure ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas sérieusement contesté par la société RTE, que ni celle-ci, ni la société EDF n'ont obtenu, dans ce cadre contractuel, une décision ou un accord écrit portant sur le transfert à leur profit des quatre ouvrages et des sections de lignes aériennes mentionnés au point 3 ; qu'il suit de là que ces biens appartiennent toujours à la SNCF et doivent être inclus dans les biens à transférer à la société RTE à titre onéreux, contrairement à ce que prévoit la décision attaquée ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la SNCF soutient, sans être sérieusement contredite par la société RTE, que la partie des câbles souterrains alimentant les sous-stations de Bercy et de Ouest ceinture, d'une longueur de 13,4 kilomètres, sont en haute tension et permettent le raccordement des installations électriques de Réseau ferré de France (RFF), qui est, pour ce qui concerne celles-ci, un consommateur final n'ayant pas accès au réseau public de distribution ; que les dispositions du II de l'article 1er du décret du 22 février 2005 définissant la consistance du réseau public de transport d'électricité prévoient que les ouvrages permettant un tel raccordement font partie de ce réseau ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions et de celles de l'article 10 de la loi du 9 août 2004 précitée que ces câbles doivent être transférés à titre onéreux à la société RTE ; que la SNCF est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que la commission a refusé de les inclure dans les ouvrages transférables ;

Sur la durée de vie moyenne et la valeur globale des biens à transférer :

6. Considérant que, comme le soutient la SNCF, l'existence d'un litige entre les deux parties sur le montant des loyers à verser par la société RTE à la SNCF pour l'utilisation des ouvrages électriques de celle-ci inscrits dans l'inventaire qu'elles ont établi conjointement ne faisait pas obstacle à l'utilisation d'une méthode fondée sur les flux de recettes ou la valeur actualisée nette pour apprécier la valeur de ces ouvrages ; que, par ailleurs, la SNCF n'a pas été mise à même de discuter les éléments chiffrés produits par la société RTE sur lesquels la commission a fondé sa décision ; que l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat de déterminer la valeur globale des ouvrages de la SNCF à transférer à titre onéreux à la société RTE, à la date du 1er mai 2010, retenue pour le transfert des biens par le contrat conclu le 26 mai 2010 entre les parties ; que, dès lors, il y a lieu d'ordonner une expertise sur ce point, ainsi que sur la durée de vie moyenne des biens à transférer, aux fins mentionnées à l'article 1er de la présente décision ; qu'il y a lieu de donner également mission à l'expert de concilier les parties si faire se peut à l'issue des opérations d'expertise ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de la SNCF et sur les conclusions reconventionnelles de la société RTE, procédé par un expert, désigné par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à une expertise avec mission de déterminer la valeur globale des ouvrages de la SNCF transférés à la société RTE à effet du 1er mai 2010 par le contrat du 26 mai 2010 entre les deux sociétés, qui sont inscrits à l'inventaire établi conjointement par les deux sociétés parties au litige le 11 juin 2009, en prenant en compte les motifs de la présente décision et en assurant des échanges contradictoires sur les éléments chiffrés sur lesquels se fondera l'expert. Celui-ci se prononcera en particulier sur les méthodes d'évaluation pertinentes des biens en cause et sur leur durée de vie moyenne.

L'expert pourra, si nécessaire, s'adjoindre des sapiteurs, dans les conditions fixées par le second alinéa de l'article R. 621-2 du code de justice administrative.

Article 2 : Il est donné mission à l'expert de concilier les parties si faire se peut à l'issue de ses opérations d'expertise.

Article 3 : L'expert prêtera serment par écrit ou devant le secrétaire du contentieux du Conseil d'Etat ; le rapport d'expertise sera déposé au secrétariat du contentieux dans le délai de six mois suivant la prestation de serment.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Société nationale des chemins de fer français, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à la société RTE.

Copie en sera adressée au président de la Commission prévue à l'article 10 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 331016
Date de la décision : 05/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 fév. 2014, n° 331016
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Japiot
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:331016.20140205
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