La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/01/2014 | FRANCE | N°331071

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 24 janvier 2014, 331071


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 18 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association Secrétariat International de la Laine, domiciliée... ; l'association Secrétariat International de la Laine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07PA02023 du 9 juillet 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, annulé le jugement n° 0103603 du 2 mars 2007 par lequel le tribunal admini

stratif de Paris lui a accordé la restitution du prélèvement prévu à ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 18 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association Secrétariat International de la Laine, domiciliée... ; l'association Secrétariat International de la Laine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07PA02023 du 9 juillet 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, annulé le jugement n° 0103603 du 2 mars 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris lui a accordé la restitution du prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts, qu'elle avait acquitté au titre de la cession le 6 août 1999 d'un immeuble lui appartenant situé 23/25 avenue de Neuilly à Paris, d'autre part, remis à sa charge le prélèvement précité ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention du 22 mai 1968 entre la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maïlys Lange, Auditeur,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l'Association Secrétariat International de la Laine ;

1. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 244 bis A du code général des impôts, dans leur rédaction alors applicable : " I. Sous réserve des conventions internationales, (...) les personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont le siège social est situé hors de France, sont soumis à un prélèvement d'un tiers sur les plus-values résultant de la cession d'immeubles (...). Cette disposition n'est pas applicable aux cessions d'immeubles réalisées par des personnes (...) morales ou des organismes mentionnés à la phrase précédente, qui exploitent en France une entreprise industrielle, commerciale ou agricole ou qui y exercent une profession non commerciale à laquelle ces immeubles sont affectés. Les immeubles doivent être inscrits, selon le cas, au bilan ou au tableau des immobilisations établis pour la détermination du résultat imposable de cette entreprise ou de cette profession. / Les plus-values soumises au prélèvement (...) sont déterminées par différence entre, d'une part, le prix de cession du bien et, d'autre part, son prix d'acquisition, diminué pour les immeubles bâtis d'une somme égale à 2 % de son montant par année entière de détention. / L'impôt dû en application du présent article est acquitté lors de l'enregistrement de l'acte ou, à défaut d'enregistrement, dans le mois suivant la cession, sous la responsabilité d'un représentant désigné comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires. / (...) / II. Le prélèvement mentionné au I (...) s'impute, le cas échéant, sur le montant de l'impôt sur les sociétés dû par le contribuable à raison de cette plus-value au titre de l'année de sa réalisation " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après avoir vendu les locaux qu'elle possédait avenue de Neuilly à Paris et dans lequel elle exerçait, pour le compte des grands producteurs de laine de l'hémisphère austral, son activité de promotion auprès des consommateurs français des produits à base de laine vierge utilisant le label Woolmark(r), l'association Secrétariat International de la Laine a déclaré à l'administration fiscale une plus-value et versé une somme de 5 646 303 francs (860 773,34 euros) correspondant au prélèvement forfaitaire institué par l'article 244 bis A du code général des impôts ; que l'association a ensuite demandé la restitution de ce prélèvement auquel elle estimait ne pas être assujettie ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 juillet 2009 par lequel, sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la cour administrative d'appel de Paris a rétabli le prélèvement dont le tribunal administratif de Paris avait prononcé la décharge ;

3. Considérant, en premier lieu, que lorsque le juge d'appel, saisi par le défendeur de première instance, censure le motif retenu par les premiers juges, il lui appartient, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens présentés par l'intimé en première instance, alors même qu'ils ne seraient pas repris dans les écritures produites, le cas échéant, devant lui, à la seule exception de ceux qui auraient été expressément abandonnés en appel ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association Secrétariat International de la Laine n'a pas soulevé devant le tribunal administratif de moyen distinct invoquant les principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, mais s'est bornée à faire allusion, de manière imprécise, à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne en matière de discrimination à l'appui de son moyen tiré de ce que, dès lors que les associations sans but lucratif ayant leur siège en France n'y étaient pas assujetties, le prélèvement institué par l'article 244 bis A du code général des impôts était contraire à l'article 25 de la convention du 22 mai 1968 entre la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus ; que l'association Secrétariat International de la Laine n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la cour, qui s'est prononcée sur la conformité de l'article 244 bis A avec l'article 25 de la convention, aurait insuffisamment motivé son arrêt en ne se prononçant pas sur la question de la conformité de ce prélèvement avec le droit de l'Union européenne ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si, par un mémoire enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 10 juin 2009, alors que l'instruction devait se clore le 15 juin suivant, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a soutenu pour la première fois que l'association Secrétariat International de la Laine exerçait une activité lucrative, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association a répondu à ce mémoire dès le 11 juin 2009 ; que, par ailleurs et surtout, en faisant valoir, dans un mémoire en date du 6 novembre 2008, que le prélèvement du tiers n'était pas applicable à la cession litigieuse dès lors que la deuxième phrase de l'article 244 bis A du code général des impôts dispense de ce prélèvement les cessions d'immeubles réalisées par des personnes qui exploitent en France une entreprise industrielle, commerciale, ou agricole ou y exercent une profession non commerciale à laquelle ces immeubles sont affectés, l'association Secrétariat International de la Laine a elle-même soutenu que son activité présentait un caractère lucratif ; que la cour n'a donc ni méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en ne laissant que six jours à l'association pour répondre au mémoire du ministre en date du 10 juin 2009, ni dénaturé les écritures de la requérante en jugeant qu'elle faisait valoir qu'elle exploitait en France une entreprise industrielle ou commerciale ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 22 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, dans sa rédaction issue du décret-loi du 12 avril 1939 relatif à la constitution des associations étrangères : " Aucune association étrangère ne peut se former, ni exercer son activité en France, sans autorisation préalable du ministre de l'intérieur " ; qu'aux termes de l'article 26 de la même loi, dans sa rédaction également issue du décret-loi du 12 avril 1939 : " Sont réputées associations étrangères, quelle que soit la forme sous laquelle ils peuvent éventuellement se dissimuler, les groupements présentant les caractéristiques d'une association, qui ont leur siège à l'étranger, ou qui, ayant leur siège en France, sont dirigés en fait par des étrangers, ou bien ont soit des administrateurs étrangers, soit un quart au moins de membres étrangers " ; et qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901, dans sa rédaction issue de la loi du 9 octobre 1981 : " Lorsque l'association aura son siège social à l'étranger, la déclaration préalable (...) sera faite à la préfecture du département où est situé le siège de son principal établissement " ; que si, par la loi du 9 octobre 1981, le législateur a entendu supprimer le régime spécifique régissant de 1939 à 1981 les associations de droit français qui avaient leur siège en France, mais qui étaient réputées étrangères à raison de leurs membres, de leurs administrateurs ou de leurs instances dirigeantes, il n'a pas supprimé la possibilité pour une association ayant son siège à l'étranger, soit d'avoir une activité en France tout en conservant son statut de droit étranger, soit d'exercer une activité en France par l'intermédiaire d'une association de droit français ayant un siège en France ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, en particulier de la demande présentée en 1953 au ministre de l'intérieur à laquelle étaient joints les statuts de l'association " International Wool Secretariat ", que, sous l'appellation " Secrétariat International de la Laine ", l'association requérante a entendu créer à Paris un bureau dépourvu de personnalité morale d'une association ayant son siège en Grande-Bretagne, et non une association de droit français ayant son siège en France ; qu'il ressort des actes d'achat, de partage et de vente des biens immobiliers litigieux, ainsi que du formulaire par lequel l'association a déclaré à l'administration fiscale la plus-value à l'origine de l'imposition dont la décharge est demandée, que ces biens étaient la propriété de l'association, et non de son bureau de Paris ; que la cour a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit et sans dénaturer les pièces du dossier, que l'immeuble litigieux ayant été cédé par une personne morale n'ayant pas son siège en France, la plus-value réalisée entrait dans le champ d'application de l'article 244 bis A du code général des impôts précité ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 25 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 : " Les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative qui soit différente ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation " ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 244 bis A du code général des impôts que sont soumis aux prélèvements qu'elles instituent les personnes morales ou organismes dont le siège social est situé hors de France ; que, par suite, la différence de traitement qu'instaurent ces dispositions est fondée, s'agissant des personnes morales, sur le lieu de leur siège social, qui détermine leur nationalité ;

8. Considérant, toutefois, que l'association requérante ne peut utilement contester le bien-fondé de l'arrêt qu'elle attaque en invoquant, pour la première fois devant le juge de cassation, le moyen tiré de ce qu'une association ayant son siège en France et exerçant une activité comparable à la sienne aurait acquitté, à raison de la même plus-value, l'impôt sur les sociétés, dont les modalités de recouvrement seraient moins onéreuses que celles du prélèvement institué par l'article 244 bis A du code général des impôts ; qu'en jugeant que l'association requérante ne faisait état d'aucune charge qui aurait été susceptible de s'imputer sur la plus-value de cession, de manière à réduire, comme c'eût été le cas pour l'impôt sur les sociétés, l'assiette de l'imposition litigieuse, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier qui n'est pas entachée de dénaturation ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède l'association Secrétariat International de la Laine n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'association Secrétariat International de la Laine est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Secrétariat International de la Laine et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 331071
Date de la décision : 24/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jan. 2014, n° 331071
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maïlys Lange
Rapporteur public ?: Mme Claire Legras
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:331071.20140124
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award