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26/12/2013 | FRANCE | N°362003

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 26 décembre 2013, 362003


Vu le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget, enregistré le 17 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 11VE01916 du 5 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à la requête de la société BNP Paribas, venant aux droits de la société Paribas International, a annulé le jugement du 24 mars 2011 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et déchargé cette société, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution

additionnelle à cet impôt auxquels la société Paribas International a ét...

Vu le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget, enregistré le 17 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 11VE01916 du 5 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à la requête de la société BNP Paribas, venant aux droits de la société Paribas International, a annulé le jugement du 24 mars 2011 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et déchargé cette société, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquels la société Paribas International a été assujettie au titre de l'année 2002 à raison des résultats de la société Paribas Suisse Guernesey Limited ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Victor, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la société BNP Paribas ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la société Paribas International a été assujettie, au titre de l'exercice clos en 2002, sur le fondement de l'article 209 B du code général des impôts, à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle sur cet impôt majorée des pénalités prévues à l'article 1761 du même code, à raison de l'inclusion, dans ses bénéfices taxables, des résultats de la société Paribas Suisse Guernesey Ltd, établie à Guernesey, dont elle détenait indirectement 47,002 % du capital ; que le ministre délégué, chargé du budget, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à la requête de la société BNP Paribas, venant aux droits de la société Paribas International, a annulé le jugement du 24 mars 2011 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et déchargé la société de ces impositions ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. Lorsqu'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d'une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l'article 238 A, cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu'elle y détient./Ces bénéfices font l'objet d'une imposition séparée (...). / II. Les dispositions du I ne s'appliquent pas si l'entreprise établit que les opérations de la société étrangère n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment :/ lorsque la société étrangère a principalement une activité industrielle ou commerciale effective ;/et qu'elle réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 238 A du même code alors applicable : " (...) les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu dissuader les entreprises passibles en France de l'impôt sur les sociétés de localiser, pour des raisons principalement fiscales, une partie de leurs bénéfices, au travers de filiales, créées par elles ou par une de leurs filiales dans des pays ou territoires à régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A ; qu'à cette fin, le premier alinéa du I de l'article 209 B prévoit, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, que dans le cas où une entreprise passible en France de l'impôt sur les sociétés détient, directement ou indirectement, au moins 25 % des actions ou parts d'une société implantée dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié, elle est normalement soumise à l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices de cette société, à proportion des droits qu'elle y détient ; qu'il n'en va autrement, de manière dérogatoire, que si l'entreprise démontre, ainsi que le prévoit le premier alinéa du II de l'article 209 B, que l'implantation de la filiale, détenue directement ou indirectement, dans un pays à régime fiscal privilégié n'a pas, pour la société mère, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; que si une telle situation peut être présumée, c'est à la double condition, prévue aux deuxième et troisième alinéas du II de l'article 209 B, qu'il soit démontré, d'une part, que la société étrangère exerce à titre principal une activité industrielle ou commerciale effective et, d'autre part, que les opérations qu'elle réalise dans le cadre de cette activité sont effectuées de manière prépondérante sur le marché local, cette dernière notion devant, en tant qu'elle autorise une dérogation à la règle de droit commun, être interprétée strictement ;

4. Considérant que la cour administrative d'appel de Versailles a relevé, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, que l'activité de banque privée internationale de la société Paribas Suisse Guernesey Ltd consistait en la collecte de fonds de clients particuliers internationaux intéressés par le placement de leurs avoirs à Guernesey ; qu'en jugeant que la société BNP Paribas établissait que les opérations de gestion de trésorerie de la société Paribas Suisse Guernesey Ltd étaient réalisées de façon prépondérante sur un marché local, la cour s'est méprise, eu égard à la nature de l'activité en cause et aux clients concernés, sur la portée de la condition prévue au troisième alinéa du II de l'article 209 B ; que, dès lors, en prononçant la décharge des impositions litigieuses, sans avoir recherché si la société en cause établissait le caractère principalement non fiscal, au regard de l'impôt dû en France, des motifs de l'implantation de la société Paribas Suisse Guernesey Ltd dans un Etat où elle était soumise à un régime fiscal privilégié, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre délégué, chargé du budget, est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 5 juillet 2012 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société BNP Paribas.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 362003
Date de la décision : 26/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 déc. 2013, n° 362003
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Romain Victor
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP TIFFREAU, CORLAY, MARLANGE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:362003.20131226
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