Vu le pourvoi, enregistré le 17 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09BX02218 du 30 décembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant partiellement droit à l'appel de la société Promo Art et réformant le jugement n° 0800303 du 9 juillet 2009 du tribunal administratif de Poitiers, a accordé à la société exposante la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2000 et 2001 ainsi que les pénalités y afférentes ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Promo Art ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 90/434/CEE du 23 juillet 1990 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Romain Godet, Maître des Requêtes en service extraordinaire ;
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Promo Art, constituée en 1994, a pour activité l'achat et la vente de tous produits des arts décoratifs commercialisés sous la dénomination " Les couleurs du temps " ainsi que le franchisage des activités également commercialisées sous cette marque ; que par un traité du 3 août 2001, la société Promo Art a fait apport à la société Promo Art Distribution, constituée le 20 juin 2000, de " sa branche complète et autonome de franchisage de produits de droguerie, peinture et travaux manuels " ; que si la marque n'a été définitivement cédée par la société Promo Art à la société Promo Art Distribution que le 8 septembre 2005, le traité d'apport interdisait expressément à la société apporteuse, pendant une durée de cinq années, de créer, comme de s'intéresser, directement ou indirectement, par elle-même ou par personne interposée, et sous quelque forme que ce soit, y compris comme simple associé, à un établissement de même nature que celui objet de la branche d'activité apportée ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2001, l'administration a refusé à la société Promo Art le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés à raison des plus-values réalisées lors de l'apport prévue aux articles 210 A et 210 B du code général des impôts, au motif que cet apport n'avait pas porté sur une branche complète d'activité ; que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté par jugement en date du 9 juillet 2009 la demande de la société Promo Art tendant à la décharge des impositions en litige ; que le ministre se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 décembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, réformant le jugement du tribunal, a accordé à la société Promo Art la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2000 et 2001 ainsi que les pénalités y afférentes ;
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 210 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 210 B du même code : " Les dispositions de l'article 210 A s'appliquent à l'apport partiel d'actif d'une branche complète d'activité ou d'éléments assimilés (...) " ; que la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal applicable aux fusions, scissions, apports partiels d'actifs et échanges intéressant des sociétés d'États membres différents définit la branche complète d'activité comme " l'ensemble des éléments d'actif et de passif d'une division d'une société qui constituent, du point de vue de l'organisation, une exploitation autonome, c'est-à-dire un ensemble capable de fonctionner par ses propres moyens " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour ouvrir droit au bénéfice des dispositions précitées du 1 de l'article 210 B du code général des impôts, un apport partiel d'actif doit concerner une branche d'activité susceptible de faire l'objet d'une exploitation autonome chez la société apporteuse comme chez la société bénéficiaire de l'apport, sous réserve que cet apport opère un transfert complet des éléments essentiels de cette activité tels qu'ils existaient dans le patrimoine de la société apporteuse et dans des conditions permettant à la société bénéficiaire de l'apport de disposer durablement de tous ces éléments ;
3. Considérant qu'il résulte de ces principes que, s'agissant d'un élément d'actif incorporel du fonds de commerce tel qu'une marque, la circonstance que celle-ci, détenue en pleine propriété par la société apporteuse, ne soit pas apportée en pleine propriété mais sous la forme d'un droit d'usage ne fait pas obstacle à ce que la branche d'activité soit regardée comme complète et autonome dès lors que ce droit est concédé dans des conditions permettant à la société bénéficiaire d'en disposer pour une durée suffisante sans que les stipulations du traité d'apport ne permettent à la société apporteuse de résilier discrétionnairement l'usage de la marque ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par le traité d'apport du 3 août 2001, la société Promo Art Distribution s'est vu transférer le bénéfice de tous traités, marques, brevets ou autres afférents à l'exploitation de la branche d'activité ainsi que les moyens juridiques propres à assurer l'efficacité de son activité qu'elle exerçait avec un personnel propre, distinct de celui de la société Promo Art ; que si le traité prévoit que le droit d'usage illimité de la marque " Les couleurs du temps " dont bénéficiait la société Promo Art Distribution est assorti d'un engagement général et sans réserve de non concurrence directe ou indirecte dans son secteur d'activité par la société apporteuse, il ne comporte aucune clause de résiliation du droit d'usage de la marque ; que, par suite, en estimant au terme d'une appréciation souveraine du traité d'apport exempte de dénaturation, que les conditions d'octroi du droit d'usage sur la marque permettaient de regarder la mise à disposition et l'usage de celle-ci comme suffisamment durable, pour en déduire que ces éléments étaient de nature à constituer, contrairement à ce que soutient le ministre, une branche complète et autonome d'activité au sens des articles 210 A et 210 B du code général des impôts, la cour administrative d'appel n'a ni commis d'erreur de droit ni donné aux faits ainsi énoncés une qualification juridique erronée ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux ; que son pourvoi doit être rejeté ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société Promo Art.