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21/11/2013 | FRANCE | N°373216

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 21 novembre 2013, 373216


Vu la requête, enregistrée le 8 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M.B..., élisant domicile ...; M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1304836 du 21 octobre 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la procédure de réadmission vers la Hongrie ainsi que de la décision refusant de l'admettre provisoir

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Vu la requête, enregistrée le 8 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M.B..., élisant domicile ...; M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1304836 du 21 octobre 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la procédure de réadmission vers la Hongrie ainsi que de la décision refusant de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son avocat, le versement de la somme de 1 204, 84 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'une dénaturation des faits et d'une erreur de droit, en ce que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier qui aurait dû enjoindre à l'administration d'interroger les autorités hongroises a estimé que la procédure de réadmission contestée ne constituait pas une atteinte grave et manifestement illégale, alors qu'il a obtenu la protection subsidiaire des autorités hongroises et ne peut donc faire l'objet de la procédure de réadmission prévue par le règlement " Dublin II " ;

- l'ordonnance attaquée est entachée d'une dénaturation des faits et d'une erreur de droit, en ce que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a estimé qu'il avait bénéficié de l'ensemble des éléments nécessaires à son information ;

- le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la mesure de réadmission contestée porterait atteinte à sa liberté d'aller et venir et à sa liberté personnelle ;

- la condition d'urgence est remplie, dès lors qu'il fait l'objet d'une mesure de remise aux autorités hongroises ;

- la mesure de réadmission contestée porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à solliciter l'asile et constitue un traitement contraire à la dignité humaine ;

- il n'a pas reçu d'information relative aux mesures de remise aux autorités hongroises dans une langue qu'il pouvait raisonnablement comprendre ;

- en lui imposant un retour vers la Hongrie par la force, alors qu'il s'est toujours rendu aux convocations préfectorales, la mesure de réadmission contestée constitue une violation grave du droit d'asile ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- à titre principal, la condition d'urgence n'est pas remplie, dès lors qu'aucune décision de remise aux autorités hongroises n'a encore été notifiée à M.A... qui ne s'est pas rendu aux convocations préfectorales et que le refus d'admission au séjour ne constitue pas une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation ;

- l'application de l'article 9. 1 du règlement " Dublin II " est justifiée par le fait que l'étranger qui a obtenu la protection subsidiaire dans un pays de l'Union européenne ne peut redemander la même protection dans un autre Etat membre ;

- il n'est pas contesté que le requérant s'est vu accordé par les autorités hongroises le bénéfice de la protection subsidiaire ;

- le moyen tiré de ce que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier aurait omis de statuer sur le moyen tiré de la violation de la liberté d'aller et venir du requérant manque en fait ;

- les informations relatives aux mesures de remise aux autorités hongroises ont été notifiées au requérant dans une langue qu'il peut raisonnablement comprendre ;

- la directive 2008/115 (CE) du Conseil du 16 décembre 2008 ne s'applique pas en l'espèce ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A..., et, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 19 novembre 2013 à 9 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Corlay, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;

- les représentants du ministre de l'intérieur ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;

L'instruction ayant été réouverte jusqu'au 21 novembre à 12 heures pour permettre au ministre de l'intérieur de produire ses observations sur les pièces produites pour le requérant lors de l'audience publique et à M. A...d'y répliquer éventuellement ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 novembre 2013 présenté par le ministre de l'intérieur qui soutient que les pièces médicales produites n'établissent pas que les pathologies dont souffre M. A...aient pour origine des faits qui se seraient déroulés en Hongrie et ne pourraient par ailleurs y être soignées ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 novembre présenté pour M. A...qui fait valoir qu'il n'a bénéficié d'aucun soin en Hongrie et ne bénéficierait pas du soutien dont il a besoin s'il y était renvoyé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit, en principe, autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en vertu du 1° de cet article, l'admission en France d'un étranger qui demande à être admis au bénéfice de l'asile peut être refusée si l'examen de sa demande relève de la compétence d'un autre Etat, en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 ; que le premier alinéa du l'article 9 de ce règlement dispose que " si le demandeur est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'Etat membre qui a délivré ce titre est responsable de l' examen de cette demande " ; que l'article 16 de ce règlement définit, dans son paragraphe 1, les obligations qui pèsent sur l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile et mentionne différents cas dans lesquels celui-ci doit " reprendre en charge " le ressortissant d'un pays tiers, notamment le cas, prévu au e), où l'État membre responsable a rejeté la demande d'asile formée par ce ressortissant et où celui-ci " se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d'un autre État membre " ;

3. Considérant que M.A..., de nationalité somalienne, entré irrégulièrement en France en novembre 2011, a bénéficié de l'octroi, par le conseil général de l'Hérault, de la protection accordée aux mineurs isolés ; que, le 13 juin 2013, se déclarant devenu majeur, il a sollicité l'asile auprès des services de la préfecture de ce département ; que le relevé de ses empreintes digitales a révélé que l'intéressé avait déjà déposé une demande d'asile en Hongrie le 6 mai 2010 et aux Pays Bas le 23 mai 2011 ; que le préfet de l'Hérault a en conséquence refusé, par une décision du 17 juillet 2013, d'admettre l'intéressé au séjour au titre de l'asile en application du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a informé qu'il demandait sa reprise en charge par les autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile en application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que, le 29 juillet 2013, les autorités néerlandaises ont fait connaître leur refus de reprise en charge au motif qu'elles avaient déjà le 8 juillet 2011 rejeté la demande d'asile présentée aux Pays-Bas et procédé à la remise de M A...aux autorités hongroises ; que, le 1er août 2013, les autorités hongroises ont accepté la reprise en charge de M. A... ; que, par courriers des 28 août et 18 septembre 2013, le préfet de l'Hérault a informé l'intéressé que la Hongrie était l'Etat membre responsable de sa demande d'asile et l'a convoqué à la préfecture le 2 octobre 2013 en vue d'organiser son transfert vers cet Etat ; que, par courrier du 11 octobre 2013, M A...a été une nouvelle fois convoqué à la préfecture le 21 octobre 2013 en vue de sa remise exécutoire d'office aux autorités hongroises : que le requérant ne s'est présenté à aucune de ces convocations ; que M A...demande au juge des référés du Conseil d'Etat l'annulation de l'ordonnance du 21 octobre 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution des décisions prises le 17 juillet 2013 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'ainsi que l'a jugé à bon droit le juge des référés de première instance, M. A...a bénéficié de l'ensemble des informations nécessaires au suivi de sa demande d'asile et à l'engagement de la procédure de réadmission et a été mis en mesure de faire valoir ses observations par l'aide d'un interprète ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte également de l'instruction et qu'il a été confirmé à l'audience que les autorités hongroises, après avoir rejeté, le 3 août 2010, la demande d'asile de M.A..., lui ont accordé le bénéfice de la protection subsidiaire et délivré, en conséquence, un titre de séjour pour une durée courant d'août 2010 à août 2015, que le requérant a reconnu avoir détruit à son arrivée en France ; qu'il résulte de ces circonstances que M A...était, dès lors, au nombre des ressortissants de pays tiers qui peuvent faire l'objet, sans illégalité manifeste, d'une procédure de réadmission tant au titre du e) du paragraphe 1 de l'article 16 précité du règlement (CE) n°343/2003, sur le fondement duquel la Hongrie a donné son accord, que sur le fondement du 1er alinéa de l'article 9 du même règlement, invoqué pour la première fois par le ministre de l'intérieur en appel ;

6. Considérant, en troisième lieu, que la Hongrie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le bien fondé du moyen tiré de ce que le retour en Hongrie l'exposerait à des traitements contraires à l'article 3 de cette convention ne peut être tenu pour établi alors que le requérant dispose depuis 2010, ainsi qu'il a été dit au point 5, d'un titre de séjour en cours de validité délivré par les autorités hongroises et dès lors que ce moyen ne repose que sur des allégations exposées tardivement le 3 octobre 2013 et dépourvues de tout élément probant ; qu'il ne résulte pas, par ailleurs, des documents produits en appel que les diverses pathologies physiques et psychiques dont il souffre auraient pour origine des traitements infligés en Hongrie, plutôt que les évènements subis en Somalie ;

7. Considérant que, si M. A...fait valoir qu'il est bien intégré en France, qu'il y reçoit les soins qui lui sont nécessaires, qu'il s'y est construit une vie sociale, a progressé dans la maîtrise de la langue française et suit un processus d'apprentissage professionnel, il est constant qu'il n'est en France que depuis 2011, n'y a aucune famille, a reçu les soins qui étaient nécessaires à ses troubles auditifs et peut poursuivre en Hongrie un traitement psychologique s'il s'avère nécessaire ; que le préfet de l'Hérault, en refusant d'user du droit, que lui accordent les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de traiter une demande d'asile relevant de la compétence d'un autre Etat n'a, par suite, commis aucune erreur manifeste d'appréciation constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ;

8. Considérant, enfin, que le juge des référés de première instance n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant, par les motifs qu'il a invoqués, le moyen tiré de la violation de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la condition d'urgence, que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée qui est suffisamment motivée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que son appel, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit en conséquence être rejeté, sans qu'il y ait lieu d'admettre le requérant à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

O R D O N N E :

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Article 1 : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 373216
Date de la décision : 21/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2013, n° 373216
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP TIFFREAU, CORLAY, MARLANGE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:373216.20131121
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