VU LA PROCEDURE SUIVANTE :
Par une requête et par un mémoire en réplique, enregistrés les 11 juillet et 6 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération ministérielle CFTC du personnel du ministère de la défense et des établissements et structures connexes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de la défense du 21 mai 2012 portant création de la commission centrale de prévention du ministère de la défense, ainsi que toute délibération, expertise ou décision éventuellement adoptée par cette commission sans représentant de la CFTC ;
2°) d'enjoindre au ministre de la défense d'édicter un décret relevant de 10 à 15 le nombre des représentants du personnel à la commission centrale de prévention du ministère de la défense ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme d'un euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2012, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Versini-Monod, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public.
CONSIDERANT CE QUI SUIT :
1. Aux termes de l'article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " (...) II. - Les organisations syndicales de fonctionnaires ont (...) qualité pour participer, avec les autorités compétentes, à des négociations relatives : / (...) 5° A l'hygiène, à la sécurité et à la santé au travail ; / (...) III. - Sont appelées à participer aux négociations mentionnées aux I et II les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation ". Au nombre de ces " organismes consultatifs ", mentionnés par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version issue également de la loi du 5 juillet 2010, figurent les comités techniques ainsi que les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Le III de l'article 15 de cette loi dispose que " (...) les représentants du personnel siégeant aux comités techniques sont élus au scrutin de liste avec représentation proportionnelle (...) ". Aux termes de l'article 16 de la même loi : " (...) II. - Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents dans leur travail, à l'amélioration des conditions de travail et de veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières. / III. - Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail comprend des représentants de l'administration et des représentants désignés par les organisations syndicales. Seuls les représentants désignés par les organisations syndicales prennent part au vote ". Pour l'application de ces dispositions au ministère de la défense, le décret n° 2012-422 du 29 mars 2012 relatif à la santé et à la sécurité au travail au ministère de la défense, auquel renvoie l'article 79 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, a prévu la création auprès du ministre d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ministériel, dénommé commission centrale de prévention, et a fixé à 10 le nombre des représentants du personnel au sein de cette instance. Enfin, aux termes de l'article 21 du même décret : " La liste des organisations syndicales habilitées à désigner des représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ainsi que le nombre de sièges auxquels elles ont droit sont fixés proportionnellement au nombre de voix obtenues lors des élections aux comités techniques (...) ".
2. Sur le fondement de ces dispositions, le ministre de la défense a procédé, par l'arrêté attaqué du 21 mai 2012, à la répartition des sièges à la commission centrale de prévention entre les organisations syndicales, au regard des résultats obtenus le 20 octobre 2011 par chacune d'elles lors des élections des représentants du personnel au comité technique ministériel. La fédération ministérielle CFTC du personnel du ministère de la défense et des établissements et structures connexes, qui avait obtenu, à la suite de ces élections, l'un des quinze sièges attribués aux organisations syndicales au comité technique ministériel, n'a obtenu, compte tenu du plus faible nombre de sièges à répartir, aucun représentant à la commission centrale de prévention.
3. Si le ministre de la défense n'a pas respecté le délai qui lui avait été initialement imparti en application de l'article R. 611-26 du code de justice administrative, son mémoire en défense a toutefois été enregistré le 30 octobre 2012, dans le délai d'un mois imparti par la mise en demeure du 4 octobre 2012 adressée en application de l'article R. 612-3 du même code et, a fortiori, avant la fin de l'instruction devant le Conseil d'Etat. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ce mémoire devrait être écarté des débats.
Sur le moyen tiré de l'illégalité du décret du 15 février 2011 :
4. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. L'arrêté attaqué n'étant pas pris pour l'application du décret n° 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat et ce décret n'en constituant pas la base légale, le moyen tiré de son illégalité est sans incidence sur l'issue du présent recours.
Sur les moyens tirés de l'illégalité du décret du 29 mars 2012 :
5. En premier lieu, le III de l'article 8 bis de la loi du 13 juillet 1983 prévoit seulement que sont appelées à participer aux négociations mentionnées aux I et II du même article, parmi lesquelles les négociations relatives à l'hygiène, à la sécurité et à la santé au travail, les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires, déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation. Il ne fixe pas de nombre minimal de représentants du personnel au sein des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et n'impose pas que le nombre de ces représentants soit au moins égal à celui des représentants du personnel au comité technique de même niveau. Dès lors, en fixant, par son article 22, à 10 le nombre des représentants du personnel à la commission centrale de prévention du ministère de la défense, le décret n° 2012-422 du 29 mars 2012 relatif à la santé et à la sécurité au travail au ministère de la défense n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, méconnu l'article 8 bis de la loi du 13 juillet 1983.
6. En second lieu, d'une part, la fixation à dix du nombre des représentants du personnel permet à différentes organisations syndicales de désigner des représentants à la commission centrale de prévention du ministère de la défense. D'autre part, le principe de représentativité, applicable aux relations collectives de travail, n'implique aucunement que toutes les organisations représentées au comité technique aient la possibilité de désigner un représentant au sein de l'organisme consultatif compétent en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir réglementaire aurait méconnu ce principe.
Sur le moyen tiré de la distinction illégale entre plusieurs niveaux de représentativité :
7. Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article 21 du décret du 29 mars 2012 relatif à la santé et à la sécurité au travail au ministère de la défense : " La liste des organisations syndicales habilitées à désigner des représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ainsi que le nombre de sièges auxquels elles ont droit sont fixés proportionnellement au nombre de voix obtenues lors des élections aux comités techniques, le cas échéant selon les modalités prévues aux 1° et 2° de l'article 42 du décret du 28 mai 1982 susvisé. / En cas d'impossibilité d'apprécier la représentativité des organisations syndicales au niveau où est mis en place le comité et, conformément au 3° de l'article susmentionné, une consultation sur sigle est organisée selon les modalités prévues aux articles 18 à 33 du décret du 15 février 2011 susvisé ". Il résulte de ces dispositions et de celles de l'article 42 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique que lorsqu'existe un comité technique au niveau où est créé le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, l'administration doit se référer aux élections à ce comité pour fixer le nombre des sièges auxquels ont droit les organisations syndicales habilitées à désigner des représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Par suite, c'est à bon droit que le ministre de la défense s'est fondé sur les résultats des élections du 20 octobre 2011 au comité technique ministériel, tandis qu'il retenait les résultats des élections du 13 décembre 2011 aux autres comités techniques pour déterminer la liste des organisations et le nombre de sièges auxquels elles ont droit pour des comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail créés au niveau correspondant.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la fédération ministérielle CFTC du personnel du ministère de la défense et des établissements et structures connexes n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué non plus que, par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces conclusions, celle des délibérations, expertises ou décisions susceptibles d'avoir été adoptées, à la suite de sa mise en place, par la commission centrale de prévention du ministère de la défense. Ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la fédération ministérielle CFTC du personnel du ministère de la défense et des établissements et structures connexes est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fédération ministérielle CFTC du personnel du ministère de la défense et des établissements et structures connexes et au ministre de la défense.