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14/11/2013 | FRANCE | N°362905

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 14 novembre 2013, 362905


Vu, 1° sous le n° 362905 le pourvoi, enregistré le 19 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 598 du 26 juin 2012 par laquelle le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, a, d'une part, annulé la décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Paris IV rendue le 21 décembre 2006 à l'encontre de M. A...B..., d'aut

re part, déclaré M. B... non coupable des faits qui lui sont reprochés...

Vu, 1° sous le n° 362905 le pourvoi, enregistré le 19 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 598 du 26 juin 2012 par laquelle le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, a, d'une part, annulé la décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Paris IV rendue le 21 décembre 2006 à l'encontre de M. A...B..., d'autre part, déclaré M. B... non coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a relaxé ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer à l'encontre de M. B... une des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 952-8 du code de l'éducation ;

Vu, 2° sous le n° 362914 le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 septembre et 20 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'université Paris-Sorbonne Paris IV, dont le siège est 1 rue Victor Cousin, à Paris (75005) ; l'université Paris-Sorbonne Paris IV demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 598 du 26 juin 2012 par laquelle le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire a, d'une part, annulé la décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Paris IV rendue le 21 décembre 2006 à l'encontre de M. A...B..., d'autre part, déclaré ce dernier non coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a relaxé ;

2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que la contribution pour l'aide juridique qui a été acquittée ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bénabent, Jehannin, avocat de M. B... et à la SCP Boulloche, avocat de l'université Paris-sorbonne Paris IV ;

1. Considérant que les requêtes présentées sous les numéros 362905 et 362914 sont dirigées contre la même décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant que, par une décision du 18 décembre 2006, la section disciplinaire de l'université Paris IV, saisie par le président de l'université, a prononcé un blâme à l'encontre de M. B..., maître de conférences de cette université, soupçonné de s'être rendu coupable de harcèlement à l'encontre d'une attachée temporaire d'enseignement et de recherche affectée dans la même unité de formation et de recherche d'histoire que lui ; que, par une décision du 15 janvier 2008 prise sur appel de M. B... et appel incident du président de l'université, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire a confirmé cette sanction, après avoir annulé pour irrégularité la décision de la section disciplinaire ; que, saisi par M. B... d'un pourvoi contre la décision du Conseil national de l'enseignement et de la recherche, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cette décision pour irrégularité, par une décision du 13 janvier 2010 ; que, par une nouvelle décision du 26 juin 2012, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche a déclaré M. B... non coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a relaxé ; que l'université Paris IV et le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche se pourvoient régulièrement en cassation contre cette décision ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure soumise au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche que le conseil national a dénaturé les pièces du dossier en estimant que les faits allégués d'agression et de harcèlement sexuels, visés par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 3 avril 2012, n'étaient pas compris dans l'acte de saisine de la juridiction disciplinaire ; que, par suite, les requérants sont fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ;

4. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, dès lors, de régler l'affaire au fond ;

Sur la régularité de la sanction prononcée par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Paris IV :

5. Considérant qu'en vertu du 1er alinéa de l'article 26 du décret du 13 juillet 1992 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur, le président de la section disciplinaire désigne les deux membres de la commission d'instruction créée pour chaque affaire ; qu'en vertu des dispositions de l'article 27 du même décret, cette commission entend la personne déférée, instruit l'affaire, rédige un rapport comprenant l'exposé des faits et moyens des parties et le transmet au président de la section disciplinaire ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès verbal de la réunion de la commission d'instruction du 30 novembre 2006 et des mentions du rapport d'instruction remis le même jour par son rapporteur, que la commission ayant examiné la situation de M. B... était notamment composée du président de la section disciplinaire compétente à l'égard des enseignants-chercheurs, qui a ensuite présidé la formation de jugement réunie le 18 décembre 2006 ; qu'ainsi, la composition de la formation de jugement était contraire au principe d'impartialité ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et doit être annulée ;

6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la plainte ;

Sur les griefs reprochés à M. B... :

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la relation qui s'est établie entre M. B... et la personne en cause, qu'il s'agisse des courriels ou des visites, s'est développée dans un cadre privé et est constituée d'échanges réciproques ; qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier que M. B... ait eu une attitude menaçante et des gestes déplacés ; que, dans ces conditions, les faits ne sont pas de nature à caractériser une faute professionnelle et ne peuvent, dès lors, justifier légalement l'application d'une sanction disciplinaire ; qu'il y lieu, par suite, de relaxer M. B... ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et relatives à la contribution pour l'aide juridique :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au même titre et de mettre à la charge de l'Etat et de l'université Paris IV la somme de 1 500 euros chacun à verser à M. B... ;

9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de l'université Paris IV la contribution pour l'aide juridique qu'elle a acquittée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche du 26 juin 2012 et la décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Paris IV du 21 décembre 2006 sont annulées.

Article 2 : M. B... est relaxé.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de l'université Paris IV est rejeté.

Article 4 : L'Etat et l'université Paris IV verseront à M. B... la somme de 1 500 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à l'université Paris-Sorbonne Paris IV et à M. A...B....

Copie en sera adressée pour information au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 362905
Date de la décision : 14/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 nov. 2013, n° 362905
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP BENABENT, JEHANNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:362905.20131114
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