Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 février et 2 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme A...B..., demeurant... ; ils demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n°s 10BX00937,10BX01227 du 1er décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur requête tendant à l'annulation de l'article 5 du jugement n° 0800201 du 11 février 2010 du tribunal administratif de Poitiers rejetant le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000, 2001 et 2002 et des pénalités correspondantes et, statuant sur le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat tendant à l'annulation des articles 1er à 4 du même jugement, a, d'une part, réintégré dans leur revenu imposable les sommes de 450 139,38 euros et de 760 000 euros au titre de l'année 2002 en tant que revenus d'origine indéterminée et, d'autre part, a remis à leur charge la différence entre le montant des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2002 et celui qui résulte de cette réintégration, ainsi que la pénalité pour mauvaise foi correspondante ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. et Mme B...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2000 à 2002, à l'issue duquel l'administration fiscale leur a notifié des redressements, d'une part, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, selon la procédure de rectification contradictoire, et, d'autre part, pour des revenus d'origine indéterminée, selon la procédure de taxation d'office ; que, par un jugement du 11 février 2010, le tribunal administratif de Poitiers, faisant partiellement droit à leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 à 2002, a réduit les impositions contestées au titre de l'année 2002 ainsi que les pénalités correspondantes et rejeté le surplus de leurs conclusions ; qu'ils se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 1er décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie de leur appel ainsi que d'un recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, a réintégré des revenus d'origine indéterminée dans leur revenu imposable au titre de l'année 2002 et remis à leur charge les impositions ainsi que les pénalités correspondantes, réformé le jugement et rejeté leur requête ;
Sur les motifs de l'arrêt attaqué relatifs à la régularité de la procédure devant le tribunal administratif :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ", et qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 711-2 du même code : " l'avis d'audience (...) mentionne les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public en application de l'article R. 711-3 " ;
3. Considérant que, si M. et Mme B...soutenaient devant la cour qu'il n'avait pas été répondu à leur demande formulée dans leur mémoire en réplique, enregistré au greffe du tribunal administratif de Poitiers le 29 septembre 2009, tendant à ce que leur soit communiqué avant l'audience le sens des conclusions du rapporteur public, il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Poitiers que cette demande n'a pas été présentée auprès du greffe de ce tribunal après la réception de l'avis d'audience en date du 7 janvier 2010, dont il n'était pas contesté qu'il indiquait les modalités selon lesquelles les parties pouvaient prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public en consultant en ligne l'application Sagace dans un délai de deux jours avant l'audience ou, si elles n'étaient pas en mesure de procéder à cette consultation, prendre contact avec le greffe dans ce délai ; que la mise en ligne du sens de ces conclusions a été effectuée le 26 janvier 2010, avant l'audience du tribunal qui s'est tenue le 28 janvier suivant ; que, par suite, M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que la cour, qui a relevé qu'ils ne contestaient pas avoir eu connaissance de la possibilité de connaître le sens des conclusions du rapporteur public, aurait commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré de la méconnaissance par le tribunal administratif de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;
Sur les motifs de l'arrêt attaqué relatifs à la régularité de la procédure d'imposition :
4. Considérant que si, par une erreur de plume, la cour a mentionné " que la demande d'éclaircissements et de justifications en date du 18 février 2004 afférente à l'année 2001 se fonde sur la réalisation d'une balance de trésorerie dont le solde est débiteur pour un montant de 4 895 563 euros ", alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le solde de la balance était créditeur de ce montant, cette mention inexacte, qui a été sans conséquence sur l'analyse par les juges du fond des composantes de la balance de trésorerie, ne peut être regardée comme constitutive d'une dénaturation de ce document ;
Sur les motifs de l'arrêt attaqué relatifs au bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
5. Considérant que, pour prononcer la réintégration des sommes de 450 139,37 euros et de 760 000 euros dans leur revenu imposable de l'année 2002 en tant que revenus d'origine indéterminée, la cour a relevé par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que M. et MmeB..., à qui il appartenait d'établir le caractère exagéré des impositions contestées en application des dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, s'étaient abstenus de fournir à l'administration, qui leur en avait fait la demande, les éléments lui permettant de contrôler l'ensemble des crédits ayant affecté le compte bancaire sur lequel ces sommes avaient été enregistrées ; que, dès lors, en jugeant que les sommes étaient imposables en tant que revenus d'origine indéterminée, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des articles 1er, 2, 3 et 4 de l'arrêt qu'ils attaquent ;
En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :
6. Considérant, en revanche, qu'en affirmant que l'ensemble des impositions en litige avait été établi selon la procédure de taxation d'office et en en déduisant qu'il appartenait à M. et Mme B...d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions contestées, alors que les redressements opérés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers avaient été notifiés selon la procédure contradictoire d'imposition, et que, dès lors, la charge de la preuve du bien-fondé de ces redressements incombait à l'administration, la cour a dénaturé les pièces du dossier et fait une inexacte application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi relatifs aux impositions supplémentaires portant sur les revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2000, et 2001 ainsi qu'aux pénalités correspondantes, les requérants sont fondés à demander, dans cette mesure, l'annulation de l'article 5 de l'arrêt qu'ils attaquent ;
7. Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des pièces du dossier que les requérants ont été déchargés par le jugement du tribunal administratif, confirmé sur ce point par la cour, des impositions supplémentaires correspondant au redressement portant sur les revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2002 ainsi que des pénalités correspondantes ; que, par suite, M. et Mme B...sont dépourvus d'intérêt à demander l'annulation de ce même article en tant qu'il porte sur ces impositions et pénalités ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 5 de l'arrêt du 1er décembre 2011 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. et Mme B...portant sur les impositions supplémentaires dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001 ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. et Mme B...est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B...et au ministre de l'économie et des finances.