La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/11/2013 | FRANCE | N°373094

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 06 novembre 2013, 373094


Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. C...A...et Mme D...A..., élisant domicile... ; les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1308080 du 21 octobre 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de leur délivrer une autorisation provisoire de séjo

ur, de les admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile dans un dél...

Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. C...A...et Mme D...A..., élisant domicile... ; les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1308080 du 21 octobre 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, de les admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance et de transmettre leur demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- l'urgence est caractérisée dès lors qu'ils font l'objet d'une mesure de remise aux autorités hongroises ;

- leur réadmission en Hongrie porterait atteinte à leur droit à l'asile en ce que leur demande ne serait pas étudiée conformément au règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et au règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- l'appréciation du juge des référés du tribunal administratif de Nantes serait entachée d'une erreur de fait dès lors que la demande d'asile de M. A...et de deux de ses enfants en Hongrie a été clôturée après rejet à la suite de la disparition des intéressés ;

- la procédure dont ont fait l'objet M. A...et deux de ses enfants en Hongrie aurait méconnu leur droit à l'asile en ce qu'ils ne furent accompagnés d'aucun interprète durant la procédure ;

- la réadmission de M. A...et de deux de ses enfants contreviendrait à leur droit à l'asile en ce que la législation hongroise qui leur serait applicable prévoit la notification d'un arrêté d'éloignement, et pourrait entraîner une reconduite au Kosovo avant que leur demande d'asile ne soit examinée ;

- ils ne répondent à aucune des hypothèses prévues par l'article L. 741-4 du code du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant les critères de refus d'admission à l'asile ;

- ils bénéficient d'attaches fortes en France en ce que, d'une part, plusieurs membres de leur famille vivent en France et que, d'autre part, leurs enfants sont scolarisés sur le territoire français ;

- le placement de M. A...emporterait des conséquences sanitaires graves pour l'intéressé dès lors qu'il souffre de claustrophobie grave ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- la Hongrie est un Etat membre de l'Union européenne signataire des conventions internationales établissant les normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale ;

- la législation hongroise entrée en vigueur le 1er juillet 2013 ne suffit pas à caractériser une méconnaissance du droit d'asile dès lors qu'elle résulte de la transposition de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;

- les requérants n'apportent aucun élément démontrant la véracité de leurs propos relatifs à l'absence de garantie procédurale en Hongrie caractérisant une méconnaissance de leur droit d'asile ;

- les rapports internationaux ne critiquent pas la situation générale des demandeurs d'asile en Hongrie, mais seulement les conditions de rétention au sein du camp de Debrecen par lequel le requérant n'a pas transité ;

- les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de l'article 15 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 dès lors qu'ils ne justifient pas qu'un membre de leur famille, avec lequel le rapprochement en application des dispositions susmentionnées serait sollicité, aurait été admis en France au titre de l'asile ;

- le refus du préfet de la Loire-Atlantique de faire bénéficier les requérants des dispositions prévues à l'article 15 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ne peut être regardé comme illégal dès lors, d'une part, que les propos des requérants relatifs à la présence en situation régulière de membres de leur famille n'est pas démontré et, d'autre part, qu'il n'est pas démontré que le suivi médical de M. A...ne pourra être assuré en Hongrie ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 4 novembre 2013 à 11 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Poupet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et MmeB... ;

- M.A..., assisté d'un interprète ;

- la représentante du ministre de l'intérieur ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 novembre 2013, présentée par le ministre de l'intérieur ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment le Préambule et l'article 53-1 ;

Vu la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, complétée par le protocole de New-York ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a pour corollaire le droit de solliciter la qualité de réfugié, constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'il implique que l'étranger qui sollicite la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission au séjour en France d'un demandeur d'asile lorsque la demande de d'asile relève de la compétence d'un autre Etat membre de l'Union européenne en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ; que, toutefois, le dernier alinéa du même article prévoit que " les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° " ; que le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement du 18 février 2003 prévoit que " chaque État membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Dans ce cas, cet État devient l'État membre responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A... ont quitté le Kosovo le 6 mai 2013 accompagnés chacun de deux de leurs enfants ; que Mme A... et deux enfants du couple sont arrivés à Nantes le 12 mai 2013 sans avoir fait l'objet de contrôle lors de la traversée de pays tiers ; que M. A...et les deux autres enfants ont été arrêtés le 16 mai 2013 par les services de la police hongroise après avoir illégalement franchi la frontière et qu'ils ont été placés en garde à vue durant vingt-quatre heures, au cours desquelles leurs empreintes ont été relevées et leurs demandes d'asile déposées, avant d'être transférés au centre de Békéscsaba , qui est un centre ouvert où les demandeurs d'asile séjournent durant l'examen de leur dossier ; que le requérant et ses enfants ont quitté ce centre et gagné la France, où ils sont entrés irrégulièrement le 21 mai 2013 ; que M . et Mme A...ont déposé une demande d'asile à la préfecture de la Loire-Atlantique le 17 juillet 2013 ; que les vérifications auxquelles il a alors été procédé ont révélé que les empreintes de M. A...et de deux de ses enfants avaient auparavant été relevées par les autorités hongroises; que les autorités hongroises ont accepté le 15 août 2013, sur le fondement de l'article 16-1 c) du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, de reprendre en charge l'examen des demandes des intéressés, auxquelles ont été jointes celles de Mme A... et des deux autres enfants du couple en application de la clause humanitaire prévue par le règlement susmentionné ; que le préfet de la Loire-Atlantique a en conséquence refusé, par une décision du 2 août 2013, l'admission de M. et Mme A...au séjour au titre de l'asile et décidé, le 15 octobre, leur réadmission en Hongrie ; que, saisi par les intéressés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a, par l'ordonnance dont M. et Mme A...relèvent appel, rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de les admettre au séjour au titre de l'asile ;

4. Considérant que les requérants soutiennent que la réadmission de M. A... et de deux de ses enfants porterait une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile, en faisant valoir , d'une part, que la Hongrie ne traiterait pas les demandeurs d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties constitutionnelles et conventionnelles applicables et, d'autre part, qu'après la réadmission, la demande d'asile de M. A...risquerait de ne pas être véritablement examinée, dès lors que le dossier de l'intéressé est regardé comme clos par les autorités hongroises ; qu'ils en déduisent que le refus d'admission au séjour au titre de l'asile en France qui leur a été opposé constituerait une atteinte grave et manifeste au droit d'asile ;

5. Mais considérant que la Hongrie, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour transposer la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, la Hongrie a adopté, dès le 26 juin 2013, une loi qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2013 ; qu'ainsi que cela a été indiqué par le ministre de l'intérieur dans ses productions écrites et confirmé au cours de l'audience publique, les autorités françaises ont recueilli auprès des autorités hongroises des assurances selon lesquelles une demande d'asile présentée par un étranger à la suite de sa réadmission dans ce pays faisait l'objet de l'examen qu'exige le règlement du 18 février 2003 ; que des documents d'ordre général ne peuvent suffire à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers la Hongrie serait, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile ;

6. Considérant qu'en l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions dans lesquelles la demande d'asile initialement présentée par M. A...en Hongrie aurait été examinée dans des conditions traduisant une méconnaissance grave et manifeste des obligations qu'impose le respect du droit d'asile ; qu'il ne résulte de l'instruction ni que l'état de santé de M. A...ferait obstacle à sa réadmission vers la Hongrie ni que les requérants auraient en France des liens familiaux tels que les autorités françaises auraient dû décider d'examiner leur demande en vertu des dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution ou des clauses dérogatoires prévues par le règlement du 18 février 2003 ; qu'en décidant, conformément aux règles du droit de l'Union européenne, la réadmission de M. et Mme A...et de leurs enfants vers la Hongrie, le préfet de la Loire-Atlantique n'a, dans ces conditions, pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ; que les conclusions qu'ils présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être également rejetées ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme A...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 373094
Date de la décision : 06/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2013, n° 373094
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DE NERVO, POUPET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:373094.20131106
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award