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21/10/2013 | FRANCE | N°351709

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 21 octobre 2013, 351709


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août et 9 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest, dont le siège est 6, parvis des Chartrons à Bordeaux Cedex (33075) ; le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire du 6 juin 2011

portant extension d'un accord interprofessionnel conclu dans le cadre d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août et 9 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest, dont le siège est 6, parvis des Chartrons à Bordeaux Cedex (33075) ; le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire du 6 juin 2011 portant extension d'un accord interprofessionnel conclu dans le cadre de l'association France Bois Forêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 octobre 2013, présentée pour le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, du ministre de l'agriculture et de la pêche et du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique du 22 février 2008 portant reconnaissance en qualité d'organisation interprofessionnelle de l'association France Bois Forêt ;

Vu l'arrêté du Premier ministre et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 18 janvier 2011 portant nomination (administration centrale) ;

Vu la décision du directeur général des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires du 7 mai 2010 portant délégation de signature ;

Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 30 mai 2013 rendu dans l'affaire C-677/11 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Angélique Delorme, Auditeur,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat du syndicat des sylviculteurs du sud-ouest ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 632-1-2 du code rural et de la pêche maritime : " Pour le secteur de la forêt et des produits forestiers, les groupements constitués par les organisations professionnelles et les organismes les plus représentatifs selon leurs spécialités de la production sylvicole et de plants forestiers, de la récolte et, selon les cas, de la transformation, de la commercialisation, de la distribution et de la mise en oeuvre des produits forestiers ou dérivés du bois peuvent faire l'objet d'une reconnaissance en qualité d'organisations interprofessionnelles par l'autorité administrative compétente après avis du conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois soit au niveau national, soit au niveau d'une zone de production, par produit ou groupe de produits déterminés. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 632-3 du même code : " Les accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue peuvent être étendus, pour une durée déterminée, en tout ou partie, par l'autorité administrative compétente dès lors qu'ils prévoient des actions communes ou visant un intérêt commun conformes à l'intérêt général et compatibles avec la législation de l'Union européenne. " ; qu'aux termes de l'article L. 632-6 du même code : " Les organisations interprofessionnelles reconnues, mentionnées aux articles L. 632-1 à L. 632-2, sont habilitées à prélever, sur tous les membres des professions les constituant, des cotisations résultant des accords étendus selon la procédure fixée aux articles L. 632-3 et L. 632-4 et qui, nonobstant leur caractère obligatoire, demeurent.des créances de droit privé " ;

2. Considérant que, par un accord interprofessionnel adopté le 10 mai 2011, l'association France Bois Forêt, qui a été reconnue en qualité d'organisation interprofessionnelle pour les produits forestiers et dérivés du bois par un arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, du ministre de l'agriculture et de la pêche et du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique du 22 février 2008, a institué une cotisation interprofessionnelle prélevée sur chacun des membres des professions représentées en son sein ; que, par un arrêté du 6 juin 2011, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire ont étendu cet accord pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 ; que le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / (...) 2° Les (...) sous-directeurs (...) ; " ; que, d'une part, par un arrêté du Premier ministre et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 18 janvier 2011, M. A... a été nommé sous-directeur des produits agricoles et alimentaires à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à l'administration centrale du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ; que, d'autre part, par une décision du directeur général des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires au ministère de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche du 7 mai 2010, délégation a été donnée à M. B... pour signer au nom du ministre dans la limite des attributions de la sous-direction de la forêt et des bois ; que, par suite, le moyen tiré de ce que MM. A... et B...n'avaient pas compétence pour signer l'arrêté du 6 juin 2011 doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si la représentativité des organisations professionnelles membres d'une organisation interprofessionnelle reconnue dans le secteur de la forêt et des produits forestiers peut être utilement contestée à l'appui de conclusions dirigées contre une arrêté étendant un accord conclu dans le cadre de cette organisation interprofessionnelle, l'illégalité dont serait entachée l'acte par lequel l'autorité administrative reconnaît une telle représentativité, bien que cet acte ait un caractère réglementaire, est, par elle-même sans incidence sur la légalité de l'arrêté d'extension ; que, par suite, le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest ne peut utilement exciper de l'illégalité dont serait, selon lui, entaché l'arrêté du 22 février 2008 portant reconnaissance de l'association France Bois Forêt en qualité d'organisation interprofessionnelle pour les produits forestiers et dérivés du bois pour contester la légalité de l'arrêté attaqué ;

5. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article L. 632-1-2 du code rural et de la pêche maritime imposent qu'un groupement reconnu en qualité d'organisation interprofessionnelle dans le secteur de la forêt et des produits forestiers réunisse, non pas la totalité des organisations professionnelles représentatives du secteur, mais seulement les organisations professionnelles les plus représentatives ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en 2008-2009, la fédération Forestiers privés de France, membre du collège des producteurs de l'association France Bois Forêt, regroupait environ 30 000 propriétaires forestiers privés possédant environ deux millions d'hectares de forêt cultivés répartis sur tout le territoire national, tandis que le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest comptait environ 6 000 adhérents possédant environ 600 000 hectares de forêt cultivés dans la seule région Aquitaine ; qu'il n'est pas soutenu que ces ordres de grandeur auraient évolué entre 2009 et 2011 ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de procéder à la mesure d'instruction demandée par le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest, le moyen tiré de ce que l'association France Bois Forêt n'aurait pas été constituée des organisations professionnelles les plus représentatives de la production sylvicole à la date de la signature de l'accord interprofessionnel doit être écarté ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions des articles L. 631-1 à L. 631-23 du code rural et de la pêche maritime sont relatives à des accords à long terme conclus entre producteurs, acheteurs et transformateurs en vue de faciliter l'écoulement des produits agricoles, et non pas à des accords, tels que l'accord interprofessionnel étendu par l'arrêté attaqué, conclus au sein d'une organisation interprofessionnelle en vue de financer des actions de promotion, de communication ou de suivi de l'évolution des marchés d'un produit agricole ; que, par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué serait illégal au motif que l'accord interprofessionnel qu'il étend méconnaîtrait les dispositions des articles L. 631-2 et L. 631-4 du code rural et de la pêche maritime, en vertu desquelles un accord à long terme ne peut porter que sur un produit défini, figurant dans la liste, établie par arrêté du ministre de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie, des produits susceptibles de faire l'objet d'un tel accord, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que, si une organisation professionnelle qui prélève une cotisation sur tous les membres des professions du secteur de la forêt et des produits forestiers ne peut financer que des actions qui répondent à l'un des objectifs mentionnés aux articles L. 632-1 et L. 632-1-2 du code rural et de la pêche maritime et sont conformes à l'intérêt général et compatibles avec la législation de l'Union européenne, il ne résulte ni de ces dispositions, ni de celles de l'article L. 632-3 du même code, que les actions ainsi prévues doivent être limitativement énumérées dans l'accord interprofessionnel ayant instauré la cotisation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait illégal, faute pour les actions prévues par l'accord interprofessionnel qu'il étend d'être limitativement énumérées, ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en sixième lieu, que, dans son arrêt du 30 mai 2013, SNC Doux Elevage et Coopérative agricole UKL-Arrée, rendu dans l'affaire C-677/11, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens que la décision d'une autorité nationale qui étend à l'ensemble des professionnels d'une filière agricole l'accord permettant de lever une cotisation instituée par une organisation interprofessionnelle reconnue par l'autorité nationale et la rend ainsi obligatoire, en vue de permettre la mise en oeuvre d'actions de communication, de promotion, de relations extérieures, d'assurance qualité, de recherche et de défense des intérêts du secteur concerné, ne constitue pas un élément d'une aide d'État ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait illégal, faute d'avoir été préalablement notifié à la Commission européenne, alors que la cotisation dont il étend la charge à tous les professionnels du secteur de la forêt et des produits forestiers constitue un élément d'une aide d'Etat doit être écarté ;

9. Considérant, en septième lieu, que, si la cotisation instituée par l'accord interprofessionnel étendu par l'arrêté attaqué pèse sur les produits forestiers nationaux et sur les produits forestiers importés des autres Etats membres de l'Union européenne, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les sommes collectées ne financeraient que des actions destinées à valoriser la filière forestière française ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué instituerait une imposition intérieure discriminatoire au sens des stipulations de l'article 110 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être écarté ;

10. Considérant, en huitième lieu, que, si le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest soutient que l'arrêté attaqué est illégal, dès lors, premièrement, que l'accord interprofessionnel qu'il étend n'a pas été adopté par une décision unanime des membres de l'association France Bois Forêt, deuxièmement, qu'il autorise la perception de cotisations servant au financement d'actions contraires au droit européen de la concurrence et, troisièmement, que l'administration n'a pas vérifié la représentativité des organisations membres de l'association France Bois Forêt à la date de la signature de l'arrêté, il n'assortit ces moyens d'aucun élément de nature à en apprécier le bien-fondé ; que ces moyens doivent, par suite, être écartés ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté attaqué ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat des sylviculteurs du sud-ouest la somme de 3 000 euros, à verser à l'association France Bois Forêt, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du syndicat des sylviculteurs du sud-ouest est rejetée.

Article 2 : Le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest versera à France Bois Forêt une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat des sylviculteurs du sud-ouest, à l'association France Bois Forêt, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 351709
Date de la décision : 21/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2013, n° 351709
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Angélique Delorme
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET ; HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:351709.20131021
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