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12/09/2013 | FRANCE | N°370833

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 12 septembre 2013, 370833


Vu la requête, enregistrée le 2 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour MmeB..., demeurant... ; la requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du décret du 4 mars 2013 du Président de la République portant acceptation de sa démission ;

2°) d'enjoindre à La Poste de lui verser les traitements dus depuis sa démission ;

3°) de mettre à la charge de La Poste le versement de la somme de 3

500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle so...

Vu la requête, enregistrée le 2 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour MmeB..., demeurant... ; la requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du décret du 4 mars 2013 du Président de la République portant acceptation de sa démission ;

2°) d'enjoindre à La Poste de lui verser les traitements dus depuis sa démission ;

3°) de mettre à la charge de La Poste le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la présomption d'urgence attachée aux mesures ayant pour effet d'évincer un agent du service est applicable en l'espèce ;

- le décret litigieux préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à ses intérêts dès lors que, d'une part, elle subit une perte de rémunération substantielle et que, d'autre part, elle ne peut plus prétendre à une évolution de carrière ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;

- sa démission ne remplit pas les conditions de régularité prévue à l'article 24 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et à l'article 58 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985, en ce qu'elle n'a été ni libre ni éclairée, le contexte de harcèlement et les pressions qu'elle a subis étant de nature à faire douter de la réalité de sa volonté de quitter son administration ;

Vu le décret dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de ce décret ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 août 2013, présenté par La Poste, qui conclut au rejet de la requête, à ce que soit écartée des débats une pièce du dossier ainsi que les développements qui y sont relatifs et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- le moyen tiré des développements relatifs à un accord entre La Poste et la requérante est inopérant en ce que ces éléments sont couverts par le secret professionnel des avocats et issus de la commission d'un délit pénal ;

- la condition d'urgence n'est pas présumée dès lors que le décret litigieux ne porte pas éviction de la requérante mais acceptation de sa démission intervenue librement ;

- la condition d'urgence n'est pas remplie faute pour la requérante d'apporter des éléments attestant des difficultés qu'elle rencontre du fait de sa démission huit mois après celle-ci ;

- les conclusions de la requérante sont devenues partiellement sans objet dès lors qu'elle n'a pas contesté la décision de la société La Poste du 30 janvier 2013 qui mentionnait les voies de délais et de recours et qui est devenue définitive ;

- aucun doute n'existe quant à la légalité du décret litigieux ;

- la démission a été formulée sans ambiguïté et n'a pas été obtenue sous une contrainte de quelque nature que ce soit ;

Vu les observations complémentaires, enregistrées le 2 septembre 2013, présentées par la Poste qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que c'est de manière frauduleuse que la requérante a acquis la correspondance entre les avocats des parties, couverte par le secret professionnel ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A...et, d'autre part, le Secrétaire général du Gouvernement ainsi que La Poste ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 3 septembre 2013 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Delamarre, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de MmeA... ;

- le représentant du ministre du redressement productif ;

- les représentants de La Poste ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 septembre 2013, présenté pour Mme A..., qui conclut aux mêmes fins par les moyens et soutient en outre que sa démission est irrégulière dès lors qu'elle assortie de conditions non prévues par les textes en vigueur, en l'espèce, le versement d'une somme d'argent ;

Vu les nouveaux, enregistrés les 5 et 6 septembre 2013, présentés par La Poste qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : "La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte : (...) 2° De la démission régulièrement acceptée ; " et que selon l'article 58 du décret du 16 septembre 1985 pris pour son application : " La démission ne peut résulter que d'une demande écrite de l'intéressé marquant sa volonté expresse de quitter son administration ou son service. " ;

4. Considérant que, pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution du décret acceptant sa démission du corps des administrateurs des postes et télécommunications, la requérante soutient qu'elle a démissionné à la suite des pressions psychologiques et financières exercées sur elle ; que le décret contesté devrait dès lors être regardé comme une mesure d'éviction du service qui porte, comme telle, une atteinte grave et immédiate à sa situation ;

5. Considérant qu'il résulte des éléments produits dans le cadre de la demande de suspension présentée au juge des référés du Conseil d'Etat que la requérante, entrée à la Poste en 1993 et qui y a exercé des fonctions notamment en tant que responsable des ressources humaines, a adressé le 15 janvier 2013, d'une part, au président de La Poste et, d'autre part, au ministre du redressement productif, une lettre de démission manuscrite marquant sa " volonté expresse de quitter le statut de fonctionnaire de la Poste " ; que, par lettre du 30 janvier 2013 adressée à l'intéressée, la directrice des ressources humaines et des relations sociales de La Poste a pris acte de cette démission ; que, par le décret contesté en date du 4 mars 2013, publié le 6 mars au Journal officiel et notifié à l'intéressée le 15 avril, le Président de la République a accepté cette démission à compter du 1er février 2013 ; que, si Mme A...a déposé le 19 juin 2013 une requête tendant notamment à l'annulation de ce décret, elle n'a, à aucune de ces différentes étapes, manifesté le souhait de revenir sur sa décision et n'a déposé des conclusions à fin de suspension de ce décret que le 2 août dernier ; qu'ainsi et en l'absence en outre de tout élément sur la situation financière de l'intéressée, la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 n'est pas, à la date de la présente ordonnance, caractérisée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les conclusions de La Poste tendant à ce que soit écartée des débats une pièce du dossier, il y a lieu de rejeter la requête de Mme A..., y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera à La Poste la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à MmeB..., au Secrétariat général du Gouvernement et à La Poste.

Copie en sera adressée au ministre du redressement productif.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 370833
Date de la décision : 12/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 sep. 2013, n° 370833
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BOUTET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:370833.20130912
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