Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et de nouveaux mémoires, enregistrés respectivement les 6 mars, 6 juin et 6 novembre 2013 et le 26 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Banque populaire Côte-d'Azur (BPCA) demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de la décision n° 2012-04 et 2012-04 bis du 10 janvier 2013 par lesquels la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel lui a infligé un blâme ainsi qu'une sanction pécuniaire de 500 000 euros et a ordonné la publication de sa décision au registre de l'Autorité ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer la décision attaquée en réduisant les sanctions prononcées ;
3°) en cas d'annulation de la décision, d'enjoindre à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution de publier sur son site Internet pendant une durée d'au moins cinq ans la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens en application de l'article R. 761-1 du même code.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la Constitution, notamment son article 62 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le protocole n° 7 qui lui est annexé ;
- le code monétaire et financier ;
- la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 ;
- l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 ;
- l'ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 ;
- le décret n° 2009-1087 du 2 septembre 2009 ;
- le règlement n° 91-07 du 15 février 1991 du comité de la règlementation bancaire ;
- le règlement n° 97-02 du 21 février 1997 du comité de la réglementation bancaire et financière ;
- la décision n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011 du Conseil constitutionnel ;
- la décision du 25 juillet 2013 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par la Banque populaire Côte-d'Azur ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Maïlys Lange, auditeur,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat de la Banque populaire Côte-d'Azur et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un contrôle effectué du 29 octobre 2007 au 11 janvier 2008 et conclu par un rapport d'inspection définitif du 2 avril 2008, la Commission bancaire a, par une décision du 18 décembre 2009, prononcé à l'encontre de la Banque populaire Côte-d'Azur (BPCA), pour des manquements aux dispositions des règlements du comité de la réglementation bancaire et financière du 15 février 1991 relatif à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic de stupéfiants et du 21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, un blâme et une sanction pécuniaire de 600 000 euros, et a rejeté sa demande tendant à ce que cette décision ne fasse l'objet d'aucune mesure de publicité faisant apparaître son nom ; que, par la décision n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011, le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution le premier alinéa de l'article L. 613-1, les articles L. 613-4, L. 613-6, L. 613-21 et le paragraphe I de l'article L. 613-23 du code monétaire et financier, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance ; que le 11 avril 2012, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé la décision de la Commission bancaire du 18 décembre 2009 qui avait été prise sur le fondement de l'article L. 613-21 du code monétaire et financier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 21 janvier 2010 ; qu'à la suite de cette décision, le président du collège " banque " de l'Autorité de contrôle prudentiel a, par deux lettres du 10 mai 2012, d'une part, notifié à la BPCA l'ouverture d'une nouvelle procédure disciplinaire à son encontre sur le fondement des actes de contrôle et de constatation accomplis par la Commission bancaire et, d'autre part, saisi la commission des sanctions ; que, par une décision rendue le 10 janvier 2013 dont elle a ordonné la publication au registre de l'Autorité, la commission des sanctions a prononcé à l'encontre de la BPCA un blâme et une sanction pécuniaire de 500 000 euros ; que la BPCA demande l'annulation et, à titre subsidiaire, la réformation de cette décision ;
Sur les conséquences à tirer de l'ordonnance du 21 janvier 2010 et de la décision du Conseil constitutionnel du 2 décembre 2011 :
2. Considérant, en premier lieu, que le code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 21 janvier 2010 précitée, conférait à la Commission bancaire la compétence de sanctionner les établissements de crédit, notamment lorsque ceux-ci enfreignaient une disposition législative ou réglementaire au respect de laquelle la Commission avait pour mission de veiller ; que l'article L. 613-6 de ce code donnait compétence au secrétariat général de cette Commission pour effectuer des contrôles sur pièces et sur place ; que, par la décision du 2 décembre 2011 mentionnée au point 1, le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution les dispositions de l'article L. 613-6 et L. 613-21 du code monétaire et financier au motif que ces dispositions, en organisant la Commission bancaire sans séparer en son sein, d'une part, les fonctions de poursuite des éventuels manquements des établissements de crédit aux dispositions législatives et réglementaires qui les régissent et, d'autre part, les fonctions de jugement de ces mêmes manquements, qui peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires, méconnaissaient le principe d'impartialité des juridictions ; que le Conseil constitutionnel a précisé que cette déclaration d'inconstitutionnalité était applicable à toutes les instances non définitivement jugées à la date de sa décision ;
3. Considérant que le premier alinéa du III de l'article 22 de l'ordonnance du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance précise que : " A compter de la première réunion de son collège, l'Autorité de contrôle prudentiel succède dans leurs droits et obligations respectifs à l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, au Comité des entreprises d'assurance, au comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et à la Commission bancaire. (...) " ; que le 2° de ce III dispose : " La validité des actes de constatation et de procédure accomplis antérieurement à la première réunion du collège de l'Autorité s'apprécie au regard des dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date à laquelle ils ont été pris ou accomplis (...) " ; que l'article L. 612-38 du code monétaire et financier, inséré dans ce code par la même ordonnance, donne compétence à l'une des formations du collège de l'Autorité de contrôle prudentiel pour examiner les conclusions établies par ses services dans le cadre de sa mission de contrôle et pour décider l'ouverture d'une procédure de sanction devant sa commission des sanctions ; que, compte tenu, d'une part, du motif de non-conformité à la Constitution de l'article L. 613-6 du code monétaire et financier retenu par le Conseil constitutionnel dans sa décision et, d'autre part, de la portée de l'abrogation de cet article, il était loisible à l'Autorité de contrôle prudentiel d'engager, sur le fondement des dispositions de l'article L. 612-38 du même code et dans le respect des nouvelles règles de séparation des fonctions de contrôle et de sanction, une nouvelle procédure de sanction à l'encontre de la banque requérante, sur le fondement des actes de contrôle et de constatation accomplis par le secrétariat général de la Commission bancaire, dont la validité doit être appréciée au regard des dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date à laquelle ils ont été accomplis, conformément aux dispositions du 2° du III de l'article 22 de l'ordonnance du 21 janvier 2010, sans que la banque requérante soit en tout état de cause fondée à soutenir qu'elle aurait ainsi irrégulièrement donné à ces dernières dispositions la portée d'une loi de validation ; qu'il suit de là que la BPCA n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait, du fait de la décision du 2 décembre 2011 du Conseil constitutionnel, dépourvue de fondement légal ;
Sur l'engagement d'une nouvelle procédure disciplinaire:
4. Considérant que la BPCA soutient que la sanction complémentaire de publication de la décision du 18 décembre 2009 de la Commission bancaire ayant été entièrement exécutée, le collège de l'Autorité de contrôle prudentiel ne pouvait engager des poursuites pour les mêmes manquements ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 1, la décision du 18 décembre 2009 a été annulée par la décision n°336839 du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 11 avril 2012 ; qu'ainsi, la banque requérante ne saurait en tout état de cause soutenir qu'en engageant une nouvelle procédure disciplinaire, l'Autorité de contrôle prudentiel aurait méconnu la règle non bis in idem ;
Sur la régularité de la procédure :
En ce qui concerne la procédure d'enquête :
5. Considérant que si, lorsqu'elle est saisie d'agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par le code monétaire et financier, la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel doit être regardée comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe des droits de la défense, rappelé tant par l'article 6 de cette convention que par l'article L. 612-38 du code monétaire et financier, s'applique seulement à la procédure de sanction ouverte par la notification de griefs par le collège de l'Autorité et par la saisine de la commission des sanctions et non à la phase préalable des contrôles prévus par l'article L. 613-6 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 21 janvier 2010, et par l'article L. 612-23 de ce code, depuis l'entrée en vigueur de cette ordonnance ; qu'il suit de là que la banque requérante ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour soutenir que les conditions de réalisation du contrôle préalable à la procédure de sanction auraient méconnu les exigences du contradictoire ;
En ce qui concerne la procédure de sanction :
6. Considérant que le premier alinéa de l'article L. 612-38 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à la procédure relative à la banque requérante, dispose que " L'une des formations du collège examine les conclusions établies, dans le cadre de la mission de contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel, par les services de l'Autorité ou le rapport établi en application de l'article L. 612-27. Si elle décide l'ouverture d'une procédure de sanction, son président notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions qui désigne un rapporteur parmi ses membres. " ; que le deuxième alinéa du même article prévoit que la commission des sanctions veille au respect du caractère contradictoire de la procédure, procède aux communications et convocations nécessaires et dispose des services de l'Autorité pour la conduite de la procédure ; qu'aux termes de son troisième alinéa : " Le membre du collège désigné par la formation qui a décidé de l'ouverture de la procédure de sanction est convoqué à l'audience. Il y assiste sans voix délibérative. Il peut être assisté ou représenté par les services de l'Autorité. Il peut présenter des observations au soutien des griefs notifiés et proposer une sanction. " ; que son sixième alinéa prévoit que la commission des sanctions délibère hors la présence du membre du collège convoqué à l'audience, ainsi que des services de l'Autorité chargés de l'assister ou de le représenter ; qu'enfin, aux termes du sixième alinéa de l'article L. 612-9 de ce code : " Les fonctions de membre de la commission des sanctions sont incompatibles avec celles de membre du collège " ;
7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions qu'au sein de l'Autorité de contrôle prudentiel, l'organe habilité à déclencher des poursuites disciplinaires est séparé de l'organe qui instruit l'affaire et prononce la sanction ; que la commission des sanctions, à qui la notification des griefs est transmise par le président du collège de l'Autorité, ne dispose pas, en tout état de cause, du pouvoir de se saisir d'office ; qu'en outre, le membre du collège désigné par la formation qui a décidé de l'ouverture de la procédure de sanction ne participe pas au délibéré de la commission des sanctions ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la banque requérante, les dispositions relatives aux conditions dans lesquelles la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel statue ne peuvent être regardées comme méconnaissant, par elles-mêmes, le principe d'impartialité rappelé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant, d'autre part, qu'il est constant qu'en l'espèce, la commission des sanctions a statué dans le respect des dispositions citées au point 6 ; qu'en outre, la circonstance que le rapport établi par l'inspection de la Banque de France dans le cadre de la mission de contrôle de la Commission bancaire, qui n'est d'ailleurs qu'un des éléments du dossier au vu desquels la commission se prononce et dont le contenu et les conclusions sont sans incidence sur la légalité de sa décision, aurait pris parti sur la nature et la qualification des faits susceptibles d'être retenus contre la banque requérante, n'est pas de nature à mettre en cause l'impartialité de la commission ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure de sanction aurait été conduite en méconnaissance du principe d'impartialité ne peut qu'être écarté ;
Sur le respect du principe de légalité des délits et des peines :
9. Considérant, en premier lieu, que la BPCA soutient que la commission des sanctions a méconnu le principe de légalité des délits et des peines en se fondant sur les articles L. 562-2 et L. 562-3 du code monétaire et financier, abrogés par l'ordonnance du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, les articles R. 563-1 et R. 563-3 du même code, abrogés par le décret du 2 septembre 2009 relatif aux obligations de vigilance et de déclaration pour la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, et le règlement du 15 février 1991 du comité de la réglementation bancaire, abrogé par l'arrêté du 29 octobre 2009 relatif au contrôle interne des établissements de crédit ;
10. Considérant, toutefois, que l'article L. 613-21 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que si un établissement de crédit a enfreint une disposition législative ou réglementaire applicable à son activité, une des sanctions disciplinaires, dont la liste est prévue par ce même article, peut lui être appliquée ; que l'article L. 612-39 du code monétaire et financier, issu de l'ordonnance du 21 janvier 2010 mentionnée au point 1, permet à la commission des sanctions de prononcer une sanction à l'encontre des établissements de crédit au titre de toute infraction aux dispositions législatives et réglementaires au respect desquelles l'Autorité de contrôle prudentiel a pour mission de veiller ou des codes de conduite homologués applicables à sa profession ; que les infractions que la commission des sanctions est ainsi susceptible de sanctionner sont des manquements aux dispositions en vigueur à la date à laquelle ils ont été commis ; que la modification de la réglementation applicable en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme intervenue postérieurement ne constitue pas, pour l'application des principes de légalité des délits et des peines et de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, une loi nouvelle plus douce dont la commission des sanctions aurait dû faire application, une telle modification n'affectant ni l'incrimination, ni la sanction ; qu'ainsi, en appliquant les dispositions, abrogées à la date de sa décision, mentionnées au point 9, y compris, en dépit d'une erreur de plume, l'article R. 563-1, la commission des sanctions, contrairement à ce qui est soutenu, n'a pas méconnu le principe de légalité des délits et des peines ni le principe d'application immédiate de la loi répressive nouvelle plus douce ;
11. Considérant, en second lieu, que si la BPCA soutient que la commission des sanctions se serait fondée sur des dispositions non encore applicables à la date du contrôle, il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que la commission n'a mentionné les textes postérieurs en cause que pour indiquer qu'ils avaient maintenu les obligations en vigueur à la date du contrôle ;
Sur les manquements reprochés à la Banque populaire-Côte d'Azur :
En ce qui concerne les manquements relatifs aux obligations de déclaration de soupçon initiale et de vigilance constante :
12. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 562-2 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au moment des faits sanctionnés par la commission des sanctions, soumettait les organismes financiers et les personnes mentionnées à l'article L. 562-1 à l'obligation de déclarer au service institué par l'article L. 562-4 , notamment, les sommes inscrites dans leurs livres, ainsi que les opérations portant sur des sommes susceptibles de provenir du trafic de stupéfiants, de la fraude aux intérêts financiers des Communautés européennes, de la corruption ou d'activités criminelles organisées ou susceptibles de participer au financement du terrorisme ; qu'en application de l'article L. 562-8, dans sa version applicable au moment des faits sanctionnés par la commission des sanctions, aucune action en responsabilité civile ne pouvait être intentée ni aucune sanction professionnelle prononcée contre un organisme financier, ses dirigeants ou ses préposés ou contre une autre personne visée à l'article L. 562-1 qui avait procédé de bonne foi à la déclaration mentionnée à l'article L. 562-2 ; que ces dispositions, qui avaient pour objet d'exonérer de responsabilité à l'égard des tiers les organismes financiers qui avaient satisfait aux obligations de déclaration de soupçon prévues par l'article L. 562-2, sont sans incidence sur l'appréciation par la commission des sanctions du respect de ces obligations ; qu'il suit de là que la commission des sanctions n'a pas commis d'erreur de droit en ne recherchant pas si les déclarations de soupçon initiales effectuées par la BPCA après le terme de la mission d'inspection, l'avaient été avec un retard significatif qui excluait sa bonne foi ;
13. Considérant, en deuxième lieu, que si l'obligation de motivation à laquelle sont soumises les sanctions prononcées par la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel implique qu'elles comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, elle n'impose pas qu'il soit répondu à l'intégralité des arguments présentés devant la commission ; qu'ainsi, la BPCA n'est pas fondée à soutenir que la décision de la commission des sanctions serait, faute de répondre à tous ses arguments, insuffisamment motivée en ce qui concerne les opérations de M. A4 ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient la banque requérante, la commission des sanctions a répondu, en l'écartant, à son argument tiré des difficultés pratiques qui auraient conduit au retard observé pour la déclaration de soupçon relative à Mme A9 ;
14. Considérant, en troisième lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, la commission des sanctions n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne tenant pas compte des dimensions du navire de plaisance de grand luxe dont M. A5 était le capitaine pour regarder comme établi le manquement aux dispositions de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier alors en vigueur résultant de l'absence de déclaration de soupçon liée aux importants retraits en espèces de ce client ; que la BPCA ne peut utilement se prévaloir, pour critiquer les motifs par lesquels la commission des sanctions a regardé comme établi un manquement à ses obligations déclaratives en ce qui concerne les opérations de M. A7, ni des recherches effectuées par le service de lutte anti-blanchiment sur ce client ni de sa célérité pour clôturer son compte ;
15. Considérant, en dernier lieu, qu'ainsi que l'a à bon droit relevé la commission des sanctions, l'annulation, par la décision T-229/02 du 3 avril 2008 du Tribunal de première instance des Communautés européennes de la décision du Conseil 2002/460/CE du 17 juin 2002 en tant qu'elle concerne le " Kurdistan Workers' Party " (PKK), était sans incidence sur les obligations de déclaration de soupçon et de vigilance constante à la charge de la BPCA à la date des opérations suspectes effectuées sur les comptes de MM. A...etB... ;
En ce qui concerne les manquements relatifs aux obligations de déclaration de soupçon complémentaire :
16. Considérant que la BPCA ne peut utilement soutenir que la commission des sanctions aurait méconnu l'article L. 562-3 du code monétaire et financier en ne recherchant pas si les informations relevées au sujet de Mme B1 étaient de nature à modifier l'appréciation portée lors de la déclaration de soupçon initiale, dès lors qu'elle n'a pas retenu de manquement aux obligations de déclaration de soupçon complémentaire prévues par ces dispositions, mais seulement un manquement à l'obligation de vigilance constante découlant de l'article 2 du règlement n° 91-07 du comité de la réglementation bancaire ;
En ce qui concerne les manquements relatifs aux obligations de vigilance constante et de connaissance de la clientèle :
17. Considérant, en premier lieu, s'agissant des dossiers individuels, que s'il est loisible à la commission des sanctions de prendre en compte d'éventuelles évolutions des comportements de l'établissement intervenues entre la date où des manquements ont été constatés et la date où elle se prononce, comme elle l'a d'ailleurs fait pour prendre la décision litigieuse, l'article L. 613-21 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au présent litige, n'implique en rien qu'une infraction qui aurait cessé à la date où la commission prend sa décision ne puisse faire l'objet d'une sanction ; que le moyen tiré de ce que la commission n'aurait pas pris en compte les progrès réalisés par la banque en matière de suivi des comptes de Mme C2 et de documentation des dossiers individuels depuis le contrôle dont elle a fait l'objet ne peut ainsi, en tout état de cause, qu'être écarté ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la commission des sanctions a tenu compte des fiches de transmission d'informations et de la mise sous surveillance du compte de M. ou Mme C3, mais a relevé que cette décision, tardive, avait fait suite aux remarques de l'inspection et n'était donc pas de nature à démontrer le respect par la BPCA de son obligation de vigilance constante ; que les motifs par lesquels elle a relevé que les mouvements d'espèces enregistrés sur le compte de la société C5 paraissaient dénués de justification économique et auraient dû donner lieu à une surveillance particulière ne sont entachés ni d'erreur d'appréciation ni de contradiction ; que la commission des sanctions n'avait pas à répondre au simple argument de la BPCA tiré de ce que la remontée d'informations du 19 février 2007 aurait permis de justifier la provenance des espèces versées sur le compte de M. C11 ; qu'ainsi que la commission des sanctions l'a à bon droit relevé, les arguments tirés par la BPCA de l'absence de représentativité de l'échantillon de 199 dossiers individuels retenus par la mission d'inspection étaient en tout état de cause sans incidence sur le constat du manquement, dès lors que les griefs portaient uniquement sur les carences relevées dans les dossiers examinés ;
18. Considérant, en deuxième lieu, s'agissant des moyens humains alloués à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, que l'absence de définition par l'article 2 du règlement n° 91-07 du comité de la réglementation bancaire d'un ratio entre l'effectif alloué à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et la taille de l'établissement n'implique pas qu'aucune sanction ne peut être infligée pour insuffisance de cet effectif ; que les motifs par lesquels la commission des sanctions a relevé que l'effectif affecté à cette mission était, à l'époque des faits, insuffisant, ne sont entachés ni d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation, ni d'insuffisance de motivation ;
19. Considérant, en troisième lieu, s'agissant des moyens techniques alloués à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, que la commission des sanctions n'a pas inversé la charge de la preuve en relevant que, dès lors que la banque requérante n'avait pas précisé les modalités d'analyse de la grande majorité des alertes remontées au service dédié, elle n'établissait pas qu'un suivi approprié était systématiquement mis en oeuvre ;
20. Considérant, en dernier lieu, s'agissant du dispositif interne relatif au gel des avoirs, que la BPCA soutient que la commission des sanctions aurait commis une erreur de droit en fondant sa décision sur l'article 2 du règlement n° 91-07 du comité de la réglementation bancaire et sur l'article 11-2 du règlement n° 97-02 du comité de la réglementation bancaire et financière, alors que le gel des avoirs relèverait seulement des règlements (CE) n° 2580/2001 du 27 novembre 2001 et 881/2002 du 27 mai 2002 ; que toutefois, la commission des sanctions a à bon droit relevé que le gel des avoirs devait être mis en oeuvre par les organismes financiers au titre de leur obligation de vigilance, qui vaut autant pour la prévention du blanchiment des capitaux que pour la lutte contre le financement des activités terroristes, par renvoi, à l'article 2 du règlement n° 91-07, aux articles du titre VI du livre V de la partie législative du code monétaire et financier ; qu'en outre, contrairement à ce qui est soutenu, elle a tenu compte des observations présentées par la BPCA en abandonnant la partie du grief relative au blocage de l'ouverture des comptes, qui empêche le gel des avoirs des clients concernés ;
En ce qui concerne les procédures internes :
21. Considérant que contrairement à ce que soutient la banque requérante, la commission des sanctions n'a pas méconnu l'article R. 563-3 du code monétaire et financier alors en vigueur, qui imposait aux établissements assujettis d'adopter " des procédures internes adaptées à leurs activités destinées à mettre en oeuvre les obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme prévues par le présent titre VI, ainsi qu'un dispositif de contrôle interne destiné à assurer le respect des procédures ", en décidant que, dès lors que les procédures de groupe n'étaient pas adaptées aux particularités de chaque établissement, le renvoi au site " Conformité " de l'organe central du réseau des Banques populaires n'était pas de nature à pallier les insuffisances de la circulaire relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme propre à la BPCA ;
En ce qui concerne les manquements relatifs aux obligations de vigilance sur les chèques :
22. Considérant que la BPCA ne peut utilement soutenir que la commission des sanctions aurait commis une erreur d'appréciation en écartant son argument tiré de l'existence, à l'époque du contrôle, d'une procédure de contrôle des chèques, dès lors que le grief portait sur les chèques effectivement contrôlés ;
En ce qui concerne le questionnaire relatif au dispositif de prévention du blanchiment :
23. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, la commission des sanctions a répondu à chacune des observations de la BPCA sur le questionnaire relatif au dispositif de prévention du blanchiment ; qu'elle n'a pas commis d'erreur d'appréciation en relevant que la procédure de groupe ne pouvait, faute d'adaptation aux spécificités de son organisation, de son activité et de sa clientèle, pallier la carence de règles écrites décrivant de manière exhaustive ses obligations déclaratives ;
En ce qui concerne le dispositif de contrôle interne :
24. Considérant, en premier lieu, s'agissant de la mise en oeuvre du contrôle permanent, que la commission des sanctions n'a pas entaché sa décision d'insuffisance de motivation ni méconnu la règle non bis in idem en retenant les mêmes faits pour établir une défaillance des contrôles de premier et de second niveaux, l'instauration d'un second niveau de contrôle étant destinée à empêcher des manquements qui n'auraient pas été détectés par le premier niveau ; qu'elle n'a pas méconnu le a) de l'article 6 du règlement n° 97-02 en regardant comme insuffisant l'effectif alloué au contrôle permanent au regard de l'activité de l'établissement bancaire, l'absence de définition par ces dispositions d'un ratio minimum entre cet effectif et cette activité n'impliquant pas qu'aucune sanction ne puisse être infligée pour insuffisance de cet effectif ; que le motif par lequel elle a estimé que l'augmentation des effectifs postérieure au contrôle en confirmait l'insuffisance initiale était en tout état de cause surabondant ;
25. Considérant, en second lieu, s'agissant de la mise en oeuvre du contrôle périodique, que si la commission des sanctions a commis des erreurs de fait en relevant que dix agences n'avaient fait l'objet d'aucun audit depuis moins de cinq ans au 31 décembre 2007 et que l'évaluation des connaissances des collaborateurs en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme était seulement fondée sur les réponses à un questionnaire à choix multiples de huit questions, ces erreurs sont sans incidence sur l'appréciation globale, non erronée, que la commission des sanctions a portée en regardant le manquement comme établi ;
En ce qui concerne le risque de non-conformité ;
26. Considérant qu'aux termes de l'article L. 519-2, dans sa version applicable au moment des faits sanctionnés par la commission des sanctions : " L'activité d'intermédiaire en opérations de banque ne peut s'exercer qu'entre deux personnes dont l'une au moins est un établissement de crédit. L'intermédiaire en opérations de banque agit en vertu d'un mandat délivré par cet établissement. Ce mandat mentionne la nature et les conditions des opérations que l'intermédiaire est habilité à accomplir. " ; que selon le a) de l'article 5 du règlement n° 97-02, le système de contrôle des opérations et des procédures internes des entreprises qui y sont assujetties doit notamment avoir pour objet de vérifier que les opérations qu'elles réalisent sont conformes aux dispositions en vigueur propres aux activités bancaires et financières ; que, dès lors qu'il n'était pas contesté que les mandats requis par l'article L. 519-2 du code monétaire et financier n'avaient pas été délivrés, la commission des sanctions n'a pas commis d'erreur de droit en regardant comme sans incidence sur le constat du manquement de la banque à ses obligations en matière de prévention du risque de non-conformité, les arguments tirés de l'existence de conventions de partenariat encadrant l'activité des prescripteurs externes de crédit immobilier et de la circonstance que les opérations concernées n'avaient conduit la mission d'inspection à aucun constat de manquement au titre des obligations de vigilance constante et de connaissance de la clientèle ;
Sur les sanctions :
27. Considérant, en premier lieu, que la décision de la commission des sanctions est suffisamment motivée sur le choix de la sanction retenue ; que compte tenu de leur nature, de leur nombre et de leur gravité, les faits reprochés à la BPCA étaient de nature à justifier un blâme et une sanction pécuniaire de 500 000 euros, l'appartenance à un groupe, notamment, n'exonérant pas la banque des obligations mises à sa charge en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient la banque requérante, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que la commission des sanctions a pris en compte, comme elle en avait la faculté, les mesures adoptées par la banque depuis les constatations du rapport d'enquête pour décider des sanctions qu'elle a prononcées ;
28. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 612-39 du code monétaire et financier : " La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. Toutefois, lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause, la décision de la commission peut prévoir qu'elle ne sera pas publiée. " ; que, d'une part, s'il est loisible à la commission des sanctions de tenir compte des effets de la publication d'une décision antérieure annulée pour déterminer la nature et le quantum des sanctions qu'elle prononce contre la même personne, la règle non bis in idem ne faisait pas obstacle à ce que l'Autorité de contrôle prudentiel ordonne la publication de la décision attaquée ; que, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que cette publication ait risqué de perturber gravement les marchés financiers ou de causer à la société un préjudice disproportionné au regard de la gravité des manquements sanctionnés ;
29. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la BPCA n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision rendue par la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel le 10 janvier 2013 ;
Sur l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
30. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de la BPCA au titre des mêmes dispositions ; qu'en revanche, il y a lieu de laisser la contribution pour l'aide juridique à sa charge ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Banque populaire Côte d'Azur et les conclusions présentées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Banque populaire Côte-d'Azur et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Copie en sera adressée au ministre des finances et des comptes publics.