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24/06/2013 | FRANCE | N°359904

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 24 juin 2013, 359904


Vu le pourvoi du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, enregistré le 1er juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 12DA00364 du 21 mai 2012 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a, sur la requête de la SAS Hertz France, venant aux droits de la SAS Equipole Finance Services, suspendu l'exécution de l'avis du 9 février 2009 émis pour

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Vu le pourvoi du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, enregistré le 1er juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 12DA00364 du 21 mai 2012 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a, sur la requête de la SAS Hertz France, venant aux droits de la SAS Equipole Finance Services, suspendu l'exécution de l'avis du 9 février 2009 émis pour le recouvrement des rappels de taxe différentielle sur les véhicules à moteur qui ont été réclamés à la SAS Equipole Finance Services pour les années 2003, 2004 et 2005 pour un montant de 8 295 749 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 juin 2013, présentée pour la société Hertz France ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la route ;

Vu la loi n° 56-639 du 30 juin 1956 ;

Vu la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004, notamment son article 42 ;

Vu la loi n° 2005-1719 du 31 décembre 2005, notamment son article 14 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maryline Saleix, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la société Hertz France ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société Equipole Finance Services (EFS) a acquis auprès des constructeurs automobiles des véhicules qu'elle a immatriculés au cours de la période en litige dans le département de l'Oise, où elle est établie, puis les a loués pour une durée inférieure à deux ans à la société Hertz France, laquelle dispose d'agences commerciales situées dans de nombreux départements ; que ces véhicules étaient livrés directement dans les centres de préparation de la société Hertz France, avant d'être acheminés vers ses agences commerciales pour être mis à la disposition des clients dans le cadre de contrats de location de courte durée ; que ces véhicules bénéficiaient, compte tenu de leur immatriculation dans l'Oise, de l'exemption de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur adoptée par le conseil général de ce département ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la société, l'administration a estimé que cette taxe, alors en vigueur, avant sa suppression à compter du 1er décembre 2006 par l'article 14 de la loi du 31 décembre 2005 de finances pour 2006, était due dans les départements où ces véhicules auraient dû être immatriculés, soit, en application des dispositions de l'article R. 322-1 du code de la route, dans les départements où sont situées les agences commerciales de la société Hertz France, où ils étaient mis à la disposition des locataires, au titre du premier contrat de location ; que les rappels de taxe résultant de cette vérification ont été mis en recouvrement le 9 février 2009 par un avis qui distingue les périodes allant du 1er décembre 2003 au 28 février 2005 et du 1er mars 2005 au 30 novembre 2005 ; que le tribunal administratif d'Amiens, par jugement du 15 décembre 2011, a rejeté la demande de la société Hertz France, venant aux droits de la société EFS, tendant, à titre principal, à la décharge des rappels de taxe différentielle sur les véhicules à moteur qui ont été mis à la charge de la société EFS au titre des années 2003, 2004 et 2005 ainsi que des pénalités correspondantes, et, à titre subsidiaire, à la décharge des intérêts de retard appliqués aux rappels de taxe différentielle sur les véhicules à moteur qui lui ont été assignés au titre de la période comprise entre le 1er décembre 2004 et le 28 février 2005 ; que la société Hertz France a relevé appel de ce jugement devant la cour administrative d'appel de Douai ; que, par une requête en référé présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, elle a sollicité la suspension de l'exécution de l'avis de mise en recouvrement du 9 février 2009 ; que le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 21 mai 2012 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai a suspendu l'exécution de cet avis ;

Sur la compétence du juge administratif des référés :

2. Considérant que le juge administratif des référés ne peut être saisi d'une requête tendant à la mise en oeuvre de l'une des procédures régies par le livre V du code de justice administrative que pour autant que le litige principal auquel se rattache ou est susceptible de se rattacher la mesure d'urgence qu'il lui est demandé de prescrire, n'échappe pas manifestement à la compétence de la juridiction administrative ;

3. Considérant que si, lors de son institution par l'article 1er de la loi du 30 juin 1956 portant institution d'un Fonds national de solidarité, la taxe différentielle sur les véhicules à moteur a été assimilée à un droit de timbre, de sorte que l'autorité judiciaire était seule compétente pour statuer sur les litiges tendant à la décharge de cette taxe, l'article 42 de la loi du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 a procédé à la réforme du régime applicable à cette taxe ; que, par cet article, le législateur a modifié les règles relatives à la nature de la taxe, à son exigibilité, à son régime déclaratif, à ses modalités de recouvrement et de contrôle ainsi qu'aux sanctions et aux garanties ; qu'aux termes de l'article 1599 K inséré par cette loi au code général des impôts : " la taxe différentielle sur les véhicules à moteur est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. / Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. " ; qu'en vertu du III de l'article 42, les dispositions de cet article sont entrées en vigueur le 1er mars 2005 ;

4. Considérant que l'article 42 de la loi du 30 décembre 2004 a eu pour objet et pour effet de modifier l'ensemble des règles de droit applicables à cette taxe et non d'organiser un transfert de compétence de la juridiction judiciaire à la juridiction administrative du contentieux relatif à cette imposition, qui obéissait désormais aux mêmes règles que la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en conséquence, si le juge administratif est compétent pour connaître des litiges qui se rapportent à la période d'imposition s'ouvrant à compter du 1er mars 2005, le juge judiciaire est resté compétent pour statuer sur les litiges relatifs à une période d'imposition antérieure ;

5. Considérant, par suite, qu'en se prononçant sur la requête de la société Hertz France tendant à la suspension de l'avis du 9 février 2009 de mise en recouvrement des rappels de taxe différentielle sur les véhicules à moteur au titre des années 2003, 2004 et 2005, le juge des référés de la cour administrative d'appel, qui a pu régulièrement statuer sur cette requête en ce qu'elle portait sur la période allant du 1er mars au 30 novembre 2005, mais qui était tenu de relever d'office l'incompétence de la juridiction administrative pour en connaître en ce qu'elle portait sur la période allant du 1er décembre 2003 au 28 février 2005, a méconnu son office et commis une erreur de droit ; que, dès lors, son ordonnance doit être, dans cette même mesure, annulée ;

Sur l'ordonnance attaquée en ce qu'elle se prononce sur la demande de suspension de l'exécution de l'avis de mise en recouvrement des impositions établies au titre de la période du 1er mars au 30 novembre 2005 :

6. Considérant qu'en vertu de l'article L 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision administrative, peut l'ordonner à la double condition que l'urgence le justifie et qu'il soit fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 322-1 du code de la route, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout propriétaire d'un véhicule à moteur, d'une remorque dont le poids total autorisé en charge est supérieur à 500 kilogrammes ou d'une semi-remorque, qui souhaite le mettre en circulation pour la première fois, doit adresser au préfet du département de son domicile une demande de certificat d'immatriculation en justifiant de son identité et en déclarant son domicile. / Toutefois, lorsque le propriétaire est une personne morale ou une entreprise individuelle, la demande de certificat d'immatriculation doit être adressée au préfet du département de l'établissement inscrit au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, auquel le véhicule doit être affecté à titre principal pour les besoins de cet établissement. Le propriétaire doit justifier de son identité et de l'adresse de l'établissement d'affectation du véhicule. / Pour un véhicule de location, la demande de certificat d'immatriculation doit être adressée au préfet du département de l'établissement où le véhicule est mis à la disposition du locataire, au titre de son premier contrat de location. Le propriétaire doit justifier de son identité et de l'adresse de l'établissement de mise à disposition./ Pour un véhicule faisant l'objet soit d'un contrat de crédit-bail, soit d'un contrat de location de deux ans ou plus, la demande de certificat d'immatriculation doit être adressée au préfet du département du domicile du locataire. Toutefois, lorsque ce véhicule doit être affecté à titre principal à un établissement du locataire pour les besoins de cet établissement, la demande doit être adressée au préfet du département de cet établissement. Le propriétaire doit justifier de son identité et déclarer, selon le cas, l'adresse du domicile du locataire ou celle de l'établissement d'affectation. (... ) " ; qu'aux termes de l'article 1599 C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions établies au titre de la période postérieure au 1er mars 2005 : " une taxe différentielle sur les véhicules à moteur est perçue au profit des départements dans lesquels les véhicules doivent être immatriculés " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un véhicule faisant l'objet d'un contrat de location de moins de deux ans doit être immatriculé dans le département de l'établissement où il est matériellement mis à la disposition d'un locataire, au titre de son premier contrat de location, en vue d'une utilisation effective, et que la taxe différentielle sur les véhicules à moteur correspondante doit être acquittée dans ce département ;

8. Considérant, dès lors, qu'en estimant que le moyen tiré de ce que la taxe différentielle sur les véhicules à moteur que la société EFS donnait en location à la société Hertz France devait être acquittée dans le département de l'Oise, lieu de son siège social, et non dans les départements où sont situés les établissements de la société Hertz France, était propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'avis de mise en recouvrement du 9 février 2009, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit ; que, dès lors, le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, est fondé à demander, dans cette autre mesure, l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

10. Considérant, en premier lieu, que le juge judiciaire est, ainsi qu'il a été dit, compétent pour statuer sur les litiges portant sur la taxe différentielle sur les véhicules à moteur relatifs à des périodes d'imposition antérieures au 1er mars 2005 ; qu'il y a donc lieu de rejeter les conclusions de la requête présentée par la société Hertz France en ce qu'elles tendent à la suspension de l'exécution de l'avis du 9 février 2009 de mise en recouvrement des impositions établies au titre de la période allant du 1er décembre 2003 au 28 février 2005, comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

11. Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de ce que la taxe différentielle sur les véhicules à moteur établie au titre des véhicules que la société EFS donnait en location à la société Hertz France devait être acquittée dans le département de l'Oise, lieu de son siège social, et non dans les départements où sont situés les établissements de la société Hertz France, n'est pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'avis du 9 février 2009 de mise en recouvrement des impositions établies au titre de la période du 1er mars au 30 novembre 2005 ; qu'il y a donc lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner la condition d'urgence, de rejeter les conclusions de la requête formée par la société Hertz France tendant à la suspension de l'exécution de cet avis ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Hertz France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 21 mai 2012 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai est annulée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Hertz France devant le juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai en ce qu'elles tendent à la suspension de l'exécution de l'avis du 9 février 2009 de mise en recouvrement des impositions établies au titre de la période allant du 1er décembre 2003 au 28 février 2005 sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions de la requête de la société Hertz France, en ce qu'elles tendent à la suspension de l'exécution de l'avis du 9 février 2009 de mise en recouvrement des impositions établies au titre de la période allant du 1er mars au 30 novembre 2005, ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société Hertz France.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 359904
Date de la décision : 24/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - DÉPARTEMENT - FINANCES DÉPARTEMENTALES - RECETTES - TAXE DIFFÉRENTIELLE SUR LES VÉHICULES À MOTEUR - DÉPARTEMENT DANS LEQUEL LE VÉHICULE DOIT ÊTRE IMMATRICULÉ - CAS D'UN VÉHICULE FAISANT L'OBJET D'UN CONTRAT DE LOCATION DE MOINS DE DEUX ANS - DÉPARTEMENT DE L'ÉTABLISSEMENT OÙ IL EST MATÉRIELLEMENT MIS À LA DISPOSITION D'UN LOCATAIRE - AU TITRE DE SON PREMIER CONTRAT DE LOCATION - EN VUE D'UNE UTILISATION EFFECTIVE - EXISTENCE.

135-03-04-03 Il résulte des dispositions de l'article R. 322-1 du code de la route et de l'article 1599 C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions établies au titre de la période postérieure au 1er mars 2005, qu'un véhicule faisant l'objet d'un contrat de location de moins de deux ans doit être immatriculé dans le département de l'établissement où il est matériellement mis à la disposition d'un locataire, au titre de son premier contrat de location, en vue d'une utilisation effective, et que la taxe différentielle sur les véhicules à moteur correspondante doit être acquittée dans ce département.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - TAXES ASSIMILÉES - TAXE DIFFÉRENTIELLE SUR LES VÉHICULES À MOTEUR - DÉPARTEMENT DANS LEQUEL LE VÉHICULE DOIT ÊTRE IMMATRICULÉ - CAS D'UN VÉHICULE FAISANT L'OBJET D'UN CONTRAT DE LOCATION DE MOINS DE DEUX ANS - DÉPARTEMENT DE L'ÉTABLISSEMENT OÙ IL EST MATÉRIELLEMENT MIS À LA DISPOSITION D'UN LOCATAIRE - AU TITRE DE SON PREMIER CONTRAT DE LOCATION - EN VUE D'UNE UTILISATION EFFECTIVE - EXISTENCE.

19-03-05 Il résulte des dispositions de l'article R. 322-1 du code de la route et de l'article 1599 C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions établies au titre de la période postérieure au 1er mars 2005, qu'un véhicule faisant l'objet d'un contrat de location de moins de deux ans doit être immatriculé dans le département de l'établissement où il est matériellement mis à la disposition d'un locataire, au titre de son premier contrat de location, en vue d'une utilisation effective, et que la taxe différentielle sur les véhicules à moteur correspondante doit être acquittée dans ce département.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2013, n° 359904
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maryline Saleix
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:359904.20130624
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