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17/05/2013 | FRANCE | N°349835

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 17 mai 2013, 349835


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 5 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS Cie fromagère de la vallée de l'Ance, dont le siège est à Pirolles - Beauzac à Bas-en-basset (43210), représentée par son président directeur général en exercice ; la SAS Cie fromagère de la vallée de l'Ance demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09LY00065 du 22 mars 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté partiellement sa requête tendant, d'une part, à l'annula

tion du jugement n°s 0400748-0602219-0602470 du 18 novembre 2008 du tribunal ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 5 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS Cie fromagère de la vallée de l'Ance, dont le siège est à Pirolles - Beauzac à Bas-en-basset (43210), représentée par son président directeur général en exercice ; la SAS Cie fromagère de la vallée de l'Ance demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09LY00065 du 22 mars 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté partiellement sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n°s 0400748-0602219-0602470 du 18 novembre 2008 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle a subis du fait des modalités de remboursement de sa créance de taxe sur la valeur ajoutée lors de la suppression de la règle dite du " décalage d'un mois " et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 51 015 euros, assortie des intérêts moratoires courant à compter de sa réclamation ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 93-859 du 22 juin 1993 ;

Vu le décret n° 93-1078 du 14 septembre 1993 ;

Vu le décret n° 94-296 du 6 avril 1994 ;

Vu le décret n° 2002-179 du 13 février 2002 ;

Vu l'arrêté du 15 avril 1994 fixant les modalités de paiement des intérêts des créances résultant de la suppression du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu les arrêtés du 17 août 1995 et du 15 mars 1996 fixant le taux d'intérêt applicable à compter du 1er janvier 1994 et du 1er janvier 1995 aux créances résultant de la suppression du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marie Deligne, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SAS Cie fromagère de la vallée de l'Ance ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par des courriers reçus le 14 janvier 2004 et le 10 août 2006 par le ministre du budget, la SAS Cie fromagère de la vallée de l'Ance a contesté les modalités de remboursement de la créance sur le Trésor née de la suppression par l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 portant loi de finances rectificative pour 1993 de la règle dite du " décalage d'un mois " en matière d'imputation de la taxe sur la valeur ajoutée et sollicité la réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi à raison du faible niveau des taux d'intérêts servis par l'Etat au titre de la rémunération de cette créance entre 1993 et 2002, méconnaissant les principes dégagés par la Cour de justice de l'Union européenne et la Cour européenne des droits de l'homme ; qu'elle a également sollicité la réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de la mauvaise foi de l'administration ; que la SAS Cie fromagère de la vallée de l'Ance a contesté devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par le ministre pendant plus de deux mois sur ces demandes indemnitaires ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 mars 2011 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant que, après avoir réformé le jugement du 18 novembre 2008 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant ses demandes, la cour n'a que partiellement fait droit aux conclusions de sa requête en mettant à la charge de l'Etat au titre des seules années 2000 et 2001 le versement d'une indemnité d'un montant correspondant à la différence entre la rémunération de sa créance calculée sur la base de taux d'intérêt fixés respectivement pour ces deux années à 2,70 %, et 2,50 % et celle, calculée sur la base du taux d'intérêt de 0,1 %, qui lui a été allouée, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2004, et a rejeté le surplus de ses conclusions en accueillant l'exception de prescription quadriennale soulevée par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) " ; que selon l'article 2 de cette même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, (...) ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement " ; qu'enfin, aux termes de l'article 4 de cette loi : " Les dispositions de la présente loi ne s'appliquent pas en matière de remboursement de dépôts et de consignations, non plus qu'aux intérêts des sommes déposées ou consignées. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 13 de la même convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'après avoir relevé, dans les motifs de son arrêt, qui n'est pas entaché d'insuffisance de motivation, que la société requérante avait eu la possibilité de contester les modalités de rémunération de la créance qu'elle détenait sur le Trésor public du fait de la suppression de la règle dite du " décalage d'un mois " dès la publication des arrêtés du ministre chargé du budget en date des 15 avril 1994, 17 août 1995 et 15 mars 1996 fixant respectivement les taux de 4,5 %, 1 % et 0,1 % pour les intérêts échus en 1993, à compter du 1er janvier 1994 et du 1er janvier 1995, la cour a pu juger, sans méconnaître les dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 31 décembre 1968 ni les stipulations précitées de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, que le délai de prescription quadriennale avait commencé à courir à compter du premier jour de chacune des années suivant celles au cours desquelles étaient nés les droits au paiement de la créance correspondant à la différence entre les intérêts versés en application de ces arrêtés et les intérêts qu'elle estimait lui être dus par application de l'intérêt légal, sans que ce délai de prescription, qui ne se présentait pas comme exagérément court, ait eu pour effet de priver la société de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 que les recours formés devant une juridiction, relatifs au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, ont un effet interruptif de prescription, quel que soit l'auteur du recours ; que toutefois, la créance indemnitaire dont peuvent se prévaloir les redevables de taxe sur la valeur ajoutée devenus créanciers du Trésor du fait de la suppression de la règle dite du " décalage d'un mois ", qui tient à l'insuffisante rémunération de leur créance, est propre à chacun d'entre eux ; que par suite, si la société requérante se prévalait devant la cour de l'effet interruptif de prescription d'un recours formé le 22 avril 2002 par une autre société, celle-ci n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que ce recours, au demeurant infructueux, concernait une autre créance ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'une créance indemnitaire ne saurait être regardée comme un dépôt ou une consignation ; que par suite, en relevant que la créance sur l'Etat dont la société requérante se prévalait, du fait du préjudice que lui auraient causé les dispositions législatives et réglementaires adoptées pour la suppression de la règle dite du " décalage d'un mois ", ne saurait être regardée comme un dépôt ou une consignation ou comme afférente aux intérêts de sommes déposées ou consignées, la cour n'a pas commis d'erreur de droit au regard des dispositions précitées de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1968 ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait entaché son arrêt d'erreur de droit en accueillant l'exception de prescription quadriennale soulevée par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, à l'encontre des conclusions formées par elle relatives aux années 1993 à 1999 ;

8. Considérant par ailleurs qu'en jugeant qu'il y avait lieu de fixer la rémunération à laquelle la société pouvait prétendre au titre des années 2000 et 2001 en la calculant, compte tenu de l'origine de la créance et de la nécessité de concilier une rémunération effective de cette créance au regard de l'évolution générale des taux d'intérêt et des prix avec les contraintes de l'intérêt général de limitation de l'impact budgétaire de la mesure, sur la base d'un taux d'intérêt équivalent à la moitié du taux applicable aux obligations assimilables du Trésor, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant que la société n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que, par suite, son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la SAS Cie fromagère de la vallée de l'Ance est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS Cie fromagère de la vallée de l'Ance et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 349835
Date de la décision : 17/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mai. 2013, n° 349835
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marie Deligne
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:349835.20130517
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