Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 janvier et 17 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont le siège est 201, rue Carnot à Fontenay-sous-Bois (94136 Cedex) ; l'Office français de protection des réfugiés et apatrides demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 10009678 du 26 novembre 2010 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile, statuant sur le recours de Mme A...C..., épouseB..., a, d'une part, annulé la décision du 9 avril 2010 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile, d'autre part, accordé à l'intéressée le bénéfice de la protection subsidiaire ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Genève et le protocole de New-York relatifs au statut des réfugiés ;
Vu la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales à remplir pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou à une protection internationale et relatives au contenu de ces statuts ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Tanneguy Larzul, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Foussard, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;
1. Considérant que MmeC..., épouseB..., de nationalité russe, a déposé le 3 août 2009 une demande d'asile, tout comme son époux de même nationalité l'avait fait le 28 mai 2009 ; que cette demande a été rejetée pour chacun des époux le 9 avril 2010 par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que la Cour nationale du droit d'asile, saisie par les intéressés, a, d'une part, par décision du 26 novembre 2010, accordé à M.B..., le bénéfice de la protection subsidiaire, et d'autre part, par décision du même jour, décidé que MmeC..., épouseB..., était seulement fondée à se prévaloir de la protection subsidiaire en vertu du principe de l'unité de famille ;
2. Considérant qu'aux termes du 2° du A de l'article 1er de la convention de Genève, la qualité de réfugié est reconnue à " toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays " ; qu'aux termes des articles L. 712-1 et L. 712-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 712-2, le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mentionnées à l'article L. 711-1 et qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes : a) La peine de mort ; b) la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; c) S'agissant d'un civil, une menace grave, directe ou individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international (...). Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé pour une période d'un an renouvelable. Le renouvellement peut être refusé à chaque échéance lorsque les circonstances ayant justifié l'octroi de la protection ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment profond pour que celle-ci ne soit plus requise (...) " ;
3. Considérant qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 23 de la directive du 29 avril 2004 : " Les Etats membres veillent à ce que les membres de la famille du bénéficiaire (...) du statut conféré par la protection subsidiaire (...) puissent prétendre aux avantages visés aux articles 24 à 34, conformément aux procédures nationales et dans la mesure où cela est compatible avec le statut juridique personnel du membre de la famille. / En ce qui concerne les membres de la famille des bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire, les Etats membres peuvent fixer les conditions régissant ces avantages. / Dans ce cas, les Etats membres veillent à ce que les avantages accordés garantissent un niveau de vie adéquat " ; que le paragraphe 2 de l'article 24 de cette directive prévoit qu'un titre de séjour valable au moins un an est délivré aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux membres de leur famille à moins que des raisons impérieuses d'ordre public ne s'y opposent ;
4. Considérant que, conformément aux objectifs de cette directive, l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoit que " sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-11 est délivrée de plein droit à l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire (...). Elle est également délivrée de plein droit au conjoint de cet étranger et à ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 lorsque le mariage est antérieur à la date d'obtention de la protection subsidiaire ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux. " ;
5. Considérant que, pour accorder la protection subsidiaire à Mme C..., épouseB..., la Cour nationale du droit d'asile s'est fondée sur ce que l'intéressée, en sa qualité d'épouse d'un compatriote à qui venait d'être octroyée la même protection, était fondée à se prévaloir du principe de l'unité de famille qui est au nombre des principes généraux du droit applicables aux réfugiés, tels qu'ils résultent notamment de la convention de Genève ; qu'en fondant sa décision sur ce motif alors qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que le droit des réfugiés résultant de cette convention n'est pas applicable aux personnes relevant du régime de la protection subsidiaire, défini tant par la directive du 29 avril 2004 que par les dispositions de droit interne qui en assurent la transposition, la cour a entaché sa décision d'erreur de droit ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est fondé à demander l'annulation de la décision du 26 novembre 2010 de la Cour nationale du droit d'asile en tant qu'elle a accordé à Mme C..., épouseB..., le bénéfice de la protection subsidiaire en se fondant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sur un motif erroné en droit ; qu'il appartient à MmeC..., épouseB..., de solliciter auprès du préfet territorialement compétent la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu enfin, de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile, à qui il reviendra de se prononcer, compte tenu des motifs de la présente décision, sur l'admission de MmeC..., épouseB..., au bénéfice de la protection subsidiaire ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 26 novembre 2010 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des refugiés et apatrides et à Mme A...C..., épouseB....