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19/04/2013 | FRANCE | N°367614

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 19 avril 2013, 367614


Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la collectivité de Saint-Barthélemy, représentée par la première vice-présidente du conseil exécutif ; la requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300007 du 28 mars 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Barthélemy, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la délibération 2013-029 CT du 15 mars 2013 du conse

il territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy relative aux conditions ...

Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la collectivité de Saint-Barthélemy, représentée par la première vice-présidente du conseil exécutif ; la requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300007 du 28 mars 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Barthélemy, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la délibération 2013-029 CT du 15 mars 2013 du conseil territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy relative aux conditions d'utilisation des aires de stationnement de l'aéroport Gustave III ;

2°) de mettre à la charge de la société Tradewind Aviation LLC le versement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie, dès lors que ni la gravité, ni l'immédiateté du préjudice allégué par la société Tradewind Aviation LLC n'est établie ;

- la délibération contestée ne porte aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'entreprendre ;

- le conseil territorial était compétent, dès lors que la délibération litigieuse constitue un acte de gestion aéroportuaire et non une mesure de police ;

- le conseil territorial n'a pas méconnu l'article LO. 6253-1 du code général des collectivités territoriales ;

- la délibération contestée n'est entachée d'aucune irrégularité ;

- les restrictions issues de la délibération litigieuse sont proportionnées et nécessaires pour assurer une gestion des mouvements d'aéronefs conforme aux besoins des compagnies aériennes et aux normes de sécurité applicables ;

- la délibération attaquée n'est entachée ni d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation ni de détournement de pouvoir ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2013, présenté pour la société Tradewind Aviation LLC, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la collectivité de Saint-Barthélemy la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que la délibération contestée lui porte un préjudice financier grave et immédiat ;

- la délibération litigieuse porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'entreprendre ;

- la mesure contestée a été prise par une autorité incompétente ;

- cette mesure a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- les restrictions issues de la délibération litigieuse ne sont ni proportionnées ni nécessaires aux besoins de l'aérodrome ;

- la délibération repose sur des faits matériellement inexacts et est entachée de détournement de pouvoir ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête a été communiquée à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui n'a pas produit d'observations ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la collectivité de Saint-Barthélemy et la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, d'autre part, la société Tradewind Aviation LLC ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 18 avril 2013 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me de Chaisemartin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la collectivité de Saint-Barthélemy ;

- le représentant de la collectivité de Saint-Barthélemy ;

- Me Nicolaÿ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Tradewind Aviation LLC ;

- les représentants de la société Tradewind Aviation LLC ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 19 avril 2013 à 12 heures ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 avril 2013, présenté pour la collectivité de Saint-Barthélemy, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 avril 2013, présenté pour la société Tradewind Aviation LLC, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu le code des transports ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ; que l'usage par le juge des référés des pouvoirs qu'il tient de ces dispositions est subordonné à la condition qu'une urgence particulière rende nécessaire l'intervention dans les quarante-huit heures d'une décision destinée à la sauvegarde d'une liberté fondamentale ;

2. Considérant que la société Tradewind Aviation LLC, qui assure des liaisons aériennes entre les îles des Caraïbes, et plus particulièrement entre celles de Porto-Rico et de Saint-Barthélemy, a été autorisée, à compter du 8 mars 2013, à opérer des vols réguliers entre Porto-Rico et Saint-Martin via Saint-Barthélemy ; que la collectivité de Saint-Barthélemy, qui gère l'aérodrome Gustave III situé sur cette île a, par délibération du 2 août 2012 de son conseil territorial, notamment soumis à autorisation préalable le stationnement de nuit des aéronefs commerciaux non basés sur l'île, entre le 1er novembre et le 30 avril de chaque année ; que, le 21 février 2013, le conseil territorial de la communauté a retiré cette délibération en raison de son irrégularité puis, par une délibération du 15 mars 2013, a étendu à toute l'année le régime d'autorisation préalable du stationnement de nuit des aéronefs commerciaux et limité à trois le nombre de places de stationnement disponibles pour ces aéronefs, dont deux pour les aéronefs d'une envergure supérieure à 14 mètres ; que, par une ordonnance du 28 mars 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Barthélemy, saisi par la société Tradewind Aviation LLC sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a ordonné la suspension de cette dernière délibération ; que la collectivité de Saint-Barthélemy relève appel de cette ordonnance ;

3. Considérant que, pour prononcer la suspension demandée, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Barthélemy a retenu que la condition d'urgence particulière prévue à l'article L. 521-2 du code de justice administrative était remplie dès lors que les mesures prises par la collectivité, obligeant les sociétés de transport aérien à solliciter des autorisations en vue de faire stationner leurs aéronefs pendant la nuit et limitant à trois le nombre de places disponibles à cet effet, préjudiciait de façon très importante à l'activité de la société Tradewind Aviation LLC, qui serait obligée de faire revenir à vide des avions à Porto-Rico pour y stationner ;

4. Considérant, toutefois, que, si, selon les indications fournies par la société, les vols à destination de Saint-Barthélemy représentent une part importante de son chiffre d'affaires et un élément essentiel de sa rentabilité, il résulte de l'instruction que les restrictions litigieuses ne sont susceptibles d'affecter qu'une partie des vols effectués par cette compagnie et ne lui interdisent pas de faire stationner la nuit sur l'aérodrome de Saint-Barthélemy deux aéronefs d'envergure supérieure à 14 mètres ; que le nombre de places disponibles, limité par la configuration des lieux et les normes internationales applicables, demeure en rapport avec les besoins manifestés jusqu'à présent par la société Tradewind Aviation LLC, à laquelle aucune autorisation n'a été refusée ; que, si la société soutient que ces mesures sont, en outre, de nature à freiner son développement, le préjudice ainsi invoqué est hypothétique ; qu'ainsi, l'entrée en vigueur de la délibération litigieuse n'est pas de nature à créer une situation d'urgence caractérisée rendant nécessaire que le juge des référés intervienne dans un délai de quarante-huit heures et fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que, par suite, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Barthélemy a retenu que la condition d'urgence particulière était remplie ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens tirés de l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, que la collectivité de Saint-Barthélemy est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Barthélemy a, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, suspendu la délibération du 15 mars 2013 ;

6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par la collectivité de Saint-Barthélemy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la société Tradewind Aviation LLC la somme de 5 000 euros ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que la collectivité de Saint-Barthélemy verse à la société Tradewind Aviation LLC une somme au titre des frais que cette dernière a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance en date du 28 mars 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Saint-Barthélemy est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la société Tradewind Aviation LLC devant le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Barthélemy et ses conclusions présentées devant le juge des référés du Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Tradewind Aviation LLC versera à la collectivité de Saint-Barthélemy la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la collectivité de Saint-Barthélemy, à la société Tradewind Aviation LLC et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 367614
Date de la décision : 19/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 avr. 2013, n° 367614
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:367614.20130419
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