Vu le pourvoi, enregistré le 15 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er à 3 de l'arrêt n° 09LY02455 du 29 octobre 2010 par lesquels la cour administrative d'appel de Lyon a, sur l'appel de M. A... B..., restitué à ce dernier les droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, réformé en ce sens le jugement n° 0703665 du 28 juillet 2009 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 juin 2007 du directeur des services fiscaux du Rhône lui refusant le dégrèvement d'office des droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2003 ainsi qu'à la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 et, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 138 247 euros en réparation du préjudice subi du fait tant de l'action des services fiscaux que d'une carence du pouvoir réglementaire, et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. B... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 mars 2013, présentée par le ministre de l'économie et des finances ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
Vu le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 ;
Vu le décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. B...,
- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. B... ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., qui exerce l'activité d'ostéopathe et est par ailleurs titulaire d'un diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute, a demandé la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2005, en estimant pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 261 du code général des impôts relatives à l'exonération de cette taxe ; que le ministre se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 octobre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a partiellement fait droit à la requête de M. B... tendant à l'annulation du jugement du 28 juillet 2009 du tribunal administratif de Lyon qui avait rejeté sa demande, en lui accordant la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le mal-fondé ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive, précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des États membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ;
4. Considérant toutefois que, conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalente à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa version applicable au présent litige : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire. (...) / Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret. (...) / Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir. / Ces praticiens ne peuvent exercer leur profession que s'ils sont inscrits sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de leur résidence professionnelle, qui enregistre leurs diplômes, certificats, titres ou autorisations " ;
6. Considérant que le décret du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie et le décret du même jour relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation, pris pour l'application de cet article, n'ont été publiés que le 27 mars 2007 ; que, durant la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, M. B... était habilité à accomplir, en vertu de la réglementation de sa profession, notamment des dispositions codifiées aux articles R. 4321-5 et R. 4321-7 du code de la santé publique habilitant les masseurs-kinésithérapeutes à pratiquer, sur prescription médicale, des actes de " mobilisation manuelle de toutes les articulations, à l'exclusion des manoeuvres de force ", certains actes d'ostéopathie seulement, tandis que les autres actes ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour décider de la restitution partielle des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés par M. B... sur ses prestations d'ostéopathie ne faisant pas partie des actes qu'il était habilité à accomplir en vertu de la réglementation de sa profession, la cour devait vérifier que celui-ci démontrait disposer, pour la fourniture de ces prestations, de qualifications professionnelles propres à leur assurer un niveau de qualité équivalente à celles fournies par un médecin ; qu'une telle appréciation ne peut être portée qu'au vu de la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes d'ostéopathie et, s'agissant des actes susceptibles de comporter des risques en cas de contre-indication médicale, en considération des conditions dans lesquelles ils ont été effectués ; qu'est en revanche sans incidence, pour apprécier la nature de ces actes au regard de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période en cause, la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressé a pu ultérieurement faire valoir certains éléments relatifs à sa pratique professionnelle, lors de la mise en oeuvre des mesures transitoires prévues à l'article 16 du décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 en vue d'autoriser l'usage du titre professionnel d'ostéopathe par les praticiens en exercice à la date de publication de ce décret ;
8. Considérant que, pour faire partiellement droit aux conclusions de M. B..., la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que les dispositions des décrets précités organisant, de façon transitoire, les modalités de délivrance de l'autorisation d'user du titre professionnel d'ostéopathe aux praticiens en exercice à la date de leur publication et relatives à la formation requise pour obtenir le diplôme d'ostéopathe devaient être regardées, dans le cadre du litige qui lui était soumis, comme définissant les conditions devant être remplies par les personnes pratiquant des actes d'ostéopathie pour que ces actes soient regardés comme accomplis avec des garanties équivalentes à celles constatées pour des actes de même nature accomplis par des médecins ; qu'elle a ensuite estimé que les actes accomplis par l'intéressé pendant la période litigieuse étaient d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin, auraient été exonérés, dès lors que M. B... justifiait d'une formation équivalente à celle exigée par les dispositions réglementaires adoptées en 2007 ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en statuant ainsi, sans apprécier la nature des actes ainsi accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'avaient été, la cour a commis une erreur de droit ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation des articles 1er à 3 de l'arrêt attaqué ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er à 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 29 octobre 2010 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à M. A... B....