La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2013 | FRANCE | N°352914

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 20 mars 2013, 352914


Vu le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, enregistré le 23 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 du jugement n°s 1001656-1101260 du 25 juillet 2011 par lesquels le tribunal administratif de Caen a déchargé la société coopérative agricole (SCA) Coopérative Isigny Sainte-Mère des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009

et 2010 dans les rôles de la commune d'Osmonville (Calvados) à raison des...

Vu le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, enregistré le 23 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 du jugement n°s 1001656-1101260 du 25 juillet 2011 par lesquels le tribunal administratif de Caen a déchargé la société coopérative agricole (SCA) Coopérative Isigny Sainte-Mère des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 dans les rôles de la commune d'Osmonville (Calvados) à raison des bâtiments affectés aux activités de collecte et de conditionnement de lait, de fabrication de beurre, de crème, de fromage, de sérum et de babeurre et implantés sur son site situé dans cette commune, l'a renvoyée devant l'administration aux fins de liquidation du dégrèvement et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les demandes de la SCA Coopérative Isigny Sainte-Mère ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la société coopérative agricole (SCA) coopérative Isigny Sainte-Mère,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la société coopérative agricole (SCA) Coopérative Isigny Sainte-Mère ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société coopérative agricole (SCA) Coopérative Isigny Sainte-Mère a été assujettie à des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2008 à 2010 à raison de bâtiments implantés sur un site situé sur le territoire de la commune d'Osmanville (Calvados), dans lesquels elle exerce ses activités de conditionnement du lait collecté et de fabrication de produits laitiers ; que ses réclamations tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties prévue par les dispositions du 6° de l'article 1382 du même code ont été rejetées ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, se pourvoit en cassation contre les articles 1er à 3 du jugement du 25 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a partiellement fait droit aux demandes de la société et l'a déchargée des cotisations mises à sa charge à raison des bâtiments affectés à ses activités de collecte et de conditionnement du lait, de fabrication du beurre, de la crème, du fromage, du sérum et du babeurre ;

2. Considérant que le ministre soutient notamment que le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que les bâtiments dans lesquels la SCA Coopérative Isigny Sainte-Mère exerce ces activités devaient être regardés comme affectés à un usage agricole ; qu'il fait valoir que, dans la mesure où une partie du lait conditionné ou transformé en produits laitiers était issue d'achats à des producteurs non adhérents ou d'échanges avec des laiteries privées, les moyens techniques utilisés ne pouvaient être regardés comme proportionnés aux besoins collectifs des adhérents de cette société Coopérative agricole ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) 6° a) Les bâtiments qui servent aux exploitations rurales, tels que granges, écuries, greniers, caves, celliers, pressoirs et autres, destinés soit à loger les bestiaux des fermes et métairies ainsi que le gardien de ces bestiaux, soit à serrer les récoltes. / (...) ; b) Dans les mêmes conditions qu'au premier alinéa du a, les bâtiments affectés à un usage agricole par les sociétés coopératives agricoles (...) " ;

4. Considérant qu'en faisant expressément référence aux conditions de l'exonération de taxe foncière prévue au a) du 6° de l'article 1382 du code général des impôts, laquelle concerne les bâtiments servant aux exploitations rurales, les dispositions du b) du même article ont entendu donner à la notion d'usage agricole qu'elles mentionnent une signification visant les opérations qui sont réalisées habituellement par les agriculteurs eux-mêmes et qui ne présentent pas un caractère industriel ; que, pour l'application de ces dispositions, ne présentent pas un caractère industriel les opérations réalisées par une société coopérative agricole avec des moyens techniques qui n'excèdent pas les besoins collectifs de ses adhérents, quelle que soit l'importance de ces moyens ;

5. Considérant que, dans le cas où, pour la réalisation de ses opérations, et sous réserve qu'elle fonctionne conformément aux dispositions légales qui la régissent, une société coopérative agricole procède de façon habituelle à des achats auprès de personnes autres que ses adhérents, il y a lieu, pour apprécier si les moyens techniques n'excèdent pas les besoins collectifs de ses adhérents, d'examiner si ces achats ont rendu nécessaires des investissements supérieurs à ceux qu'exige la satisfaction de ces besoins ; que, si tel est le cas, les bâtiments de cette société ne peuvent ouvrir droit au bénéfice de l'exonération de taxe foncière prévue par les dispositions précitées du 6° de l'article 1382 du code général des impôts ; qu'en revanche, lorsque la société peut exercer la totalité de son activité avec les moyens techniques dont elle dispose et qui sont proportionnés aux besoins collectifs de ses adhérents, la seule circonstance qu'elle procède à des achats auprès de non-adhérents ne lui fait pas perdre le bénéfice de cette exonération ; qu'en particulier, des achats effectués de façon habituelle ne requièrent pas d'investissements supérieurs à ceux qu'exige la satisfaction des besoins collectifs des adhérents de la coopérative lorsque, pour diminuer, dans l'intérêt de ses adhérents, ses coûts d'exploitation, celle-ci y procède dans le cadre d'échanges avec d'autres organismes portant sur les mêmes produits, afin de rationaliser le circuit de leur collecte, et achète ainsi à des non-adhérents leur production tandis que ces organismes achètent celle de ses adhérents ;

6. Considérant que le tribunal administratif de Caen a relevé que la SCA Coopérative Isigny Sainte-Mère, dont il n'était pas soutenu qu'elle ne fonctionnait pas conformément aux dispositions légales régissant les coopératives agricoles, procédait à la collecte de lait, majoritairement auprès de ses adhérents, au conditionnement du lait ainsi qu'à la fabrication de beurre, fromage, crème, sérum et babeurre ; qu'il a jugé que ces activités étaient au nombre de celles qui peuvent être réalisées habituellement par les agriculteurs eux-mêmes ; qu'il a estimé qu'il ne résultait pas de l'instruction que les moyens techniques utilisés excédaient les besoins collectifs des adhérents de la coopérative, alors même qu'une partie du lait conditionné ou transformé en produits laitiers provenait d'achats à des producteurs non adhérents ou d'échanges avec des laiteries privées ; qu'il en a déduit que les bâtiments dans lesquels cette société coopérative agricole exerçait ces activités devaient être regardés comme affectés à un usage agricole ;

7. Considérant qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les achats effectués auprès de non-adhérents étaient habituels ni si des investissements supérieurs à ceux qu'exigeait la satisfaction des besoins collectifs des adhérents de la coopérative avaient été nécessaires, le tribunal a commis une erreur de droit au regard des dispositions du b du 6° de l'article 1382 du code général des impôts ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que le ministre est fondé à demander l'annulation des articles 1er à 3 du jugement qu'il attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement du 25 juillet 2011 du tribunal administratif de Caen sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Caen.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société coopérative agricole (SCA) Coopérative Isigny Sainte-Mère au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société coopérative agricole (SCA) Coopérative Isigny Sainte-Mère.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 352914
Date de la décision : 20/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2013, n° 352914
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:352914.20130320
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award