Vu le pourvoi, enregistré le 4 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; il demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1 à 4 du jugement n° 0704277, 0704278, 0705765, 0705766, 0905342, 1000928 du 1er février 2011 par lequel le tribunal administratif de Melun après avoir déterminé la valeur locative servant à l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre des années 2005, 2006, 2007 et 2008 par la société Natiocredibail pour l'hôtel à l'enseigne " Ibis " et pour l'hôtel à l'enseigne " Etap hôtel " dans les rôles de la commune de Charenton-le-Pont, a renvoyé à la société et à l'administration le soin de déterminer contradictoirement la surface pondérée de chacune des fractions de propriété à évaluer et a déchargé la société de la différence entre le montant de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle cette société a été assujettie au titre de ces années et celui résultant de la base d'imposition ainsi déterminée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Natiocrédibail,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Natiocrédibail ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Natiocredibail a été assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2005 à 2008 dans les rôles de la commune de Charenton-le-Pont (Val-de-Marne) à raison de deux hôtels exploités respectivement sous les enseignes " Ibis " et " Etap hôtel " ; que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, se pourvoit en cassation contre le jugement du 1er février 2011 par lequel le tribunal administratif de Melun a prononcé la réduction de ces impositions ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1498 du code général des impôts, la valeur locative des immeubles commerciaux " est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / ... 2° a) Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b) La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée / : soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales " ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'un immeuble commercial dont la valeur locative a été fixée par voie d'appréciation directe puisse être retenu comme terme de comparaison pour déterminer, selon la méthode indiquée au 2° de l'article 1498 du code général des impôts, la valeur locative d'un autre immeuble commercial ;
3. Considérant, en premier lieu, que, pour l'évaluation de la valeur locative de l'hôtel à l'enseigne " Ibis ", le tribunal a estimé que pouvait être regardé comme un terme de comparaison approprié le local-type n° 34 de la commune de Villeneuve-le-Roi, évalué par comparaison avec le local-type n° 56 de la commune de Villeneuve-Saint-Georges, ce dernier étant lui-même évalué par comparaison avec le local-type n° 11 de la commune de Chennevières-sur-Marne ;
4. Considérant qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis au juge du fond que les mentions portées sur la fiche de calcul relative au local-type n° 11 font apparaître que la valeur locative de ce local-type a été fixée par voie d'appréciation directe ; qu'en effet, au recto de ce document, la case " appréciation directe " est seule cochée, les cases " bail " et " comparaison " étant rayées, et, dans la rubrique " observations ", il est indiqué " VL 44 F évaluation directe " ; qu'au verso, la rubrique relative au calcul par voie d'appréciation directe est renseignée par l'inspecteur principal, avec le résultat de l'évaluation, souligné : " VL au mètre carré pondéré 44 F " ; que, par suite, en estimant que les mentions portées sur cette fiche de calcul étaient contradictoires pour en déduire que le local-type n° 34 de la commune de Villeneuve-le-Roi pouvait être retenu pour évaluer la valeur locative de cet hôtel, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;
5. Considérant, en second lieu, que, pour l'évaluation de la valeur locative de l'hôtel à l'enseigne " Etap hôtel ", le tribunal a estimé que pouvait être regardé comme un terme de comparaison approprié le local-type n° 55 de la commune de Villeneuve-Saint-Georges évalué par comparaison avec le local-type n° 10 de la commune de Chennevières-sur-Marne ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que les mentions portées sur la fiche de calcul relative à ce local-type n° 10 font apparaître que la valeur locative de ce local-type a été fixée par voie d'appréciation directe ; qu'en effet, au recto de ce document, la case " appréciation directe " est cochée et, dans la rubrique " observations ", il est indiqué " VL 60 F (évaluation directe) " ; qu'au verso, la rubrique relative au calcul par voie d'appréciation directe est renseignée par l'inspecteur principal, avec le résultat de l'évaluation, souligné : " 60 F au mètre carré " ; que si la déclaration modèle C relative à ce local-type, remplie par le propriétaire, fait état de ce que ce bien était loué par l'usufruitière, pour un loyer symbolique, à son fils nu-propriétaire dans le cadre d'un bail verbal, le même montant de 60 F au mètre carré apparaît dans la rubrique réservée à l'administration ; que le procès-verbal modèle C initial de la commune de Chennevières-sur-Marne reprend la même valeur de 60 F au mètre carré ; que, par suite, en estimant, au vu des mentions portées sur la déclaration modèle C, que le local-type n° 10 avait été évalué à partir de son bail et que les mentions contradictoires de la fiche de calcul ne permettaient pas d'établir le contraire, le tribunal administratif a également dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement est fondé à demander, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'annulation des articles 1er à 4 du jugement attaqué ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1 à 4 du jugement du 1er février 2011 du tribunal administratif de Melun sont annulés.
Article 2 : L'affaire est, dans la mesure précisée à l'article 1er, renvoyée au tribunal administratif de Melun.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société Natiocrédibail.