La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2013 | FRANCE | N°351858

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13 février 2013, 351858


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 août 2011 et 10 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Kalkalit Nantes, dont le siège est 109 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris (75008) ; la société Kalkalit Nantes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation des dispositions des articles 356 à 363 du code de procédure civile ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre et a

u garde des sceaux, ministre de la justice d'abroger les dispositions des articles...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 août 2011 et 10 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Kalkalit Nantes, dont le siège est 109 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris (75008) ; la société Kalkalit Nantes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation des dispositions des articles 356 à 363 du code de procédure civile ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice d'abroger les dispositions des articles 356 à 363 du code de procédure civile ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'organisation judiciaire ;

Vu le code de procédure civile ;

Vu le décret n° 75-1123 du 5 décembre 1975 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Kalkalit Nantes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ortscheidt, avocat de la société Kalkalit Nantes ;

1. Considérant que la société Kalkalit Nantes conteste la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande d'abrogation des articles 356 à 363 du code de procédure civile relatifs à la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant qu'à l'occasion d'une action qu'elle avait introduite devant le tribunal de commerce de Nantes, la société Kalkalit Nantes a engagé une procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime ; qu'elle a, alors que cette procédure était en cours, saisi le Premier ministre d'une demande tendant à l'abrogation des articles du code de procédure civile relatifs à la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime, dont elle contestait la légalité ; que, dans ces circonstances, elle justifie d'un intérêt personnel suffisamment direct pour contester les dispositions dont l'abrogation lui a été refusée ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée sur ce point par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, doit être écartée ;

Sur la légalité des articles 356 à 363 du code de procédure civile :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des articles 34 et 37 de la Constitution que les dispositions relatives à la procédure à suivre devant les juridictions relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu'elles ne concernent pas la procédure pénale et qu'elles ne mettent pas en cause les règles ou les principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi ; qu'il résulte de l'article L. 111-8 du code de l'organisation judiciaire qu'en matière civile, le renvoi à une autre juridiction de même nature et de même degré peut être ordonné pour cause de suspicion légitime ; que les dispositions des articles 356 à 363 du code de procédure civile issus du décret du 5 décembre 1975 instituant un nouveau code de procédure civile, qui déterminent les conditions d'application de la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime, se bornent à énoncer les règles applicables à cette procédure et n'ont, contrairement à ce qui est soutenu, ni pour objet ni pour effet de mettre en cause des règles ou principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire n'était pas compétent pour édicter de telles dispositions doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article 358 du code de procédure civile qui indiquent que la décision n'est susceptible d'aucun recours ne concernent que le cas où il est fait droit à la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime présentée par le requérant, lequel, dans une telle hypothèse, n'est pas privé de l'exercice d'un droit qui est satisfait ; qu'aux termes de l'article 359 du même code, en cas de décision défavorable, le président de la juridiction a obligation de transmettre l'affaire, avec les motifs de son refus, au président de la juridiction immédiatement supérieure, cette dernière juridiction devant réexaminer la demande de renvoi et statuer, en chambre du conseil, dans le mois qui suit ; qu'en outre, il est toujours loisible au requérant qui a vu sa demande de renvoi pour cause de suspicion légitime définitivement rejetée de contester à nouveau la régularité de la composition de la formation de jugement à l'occasion de l'appel ou du pourvoi en cassation formé contre le jugement rendu dans l'instance au fond à laquelle s'est greffée la demande de renvoi ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient le droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime ne porte pas sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale et ne concerne pas davantage une contestation sur un droit ou une obligation de caractère civil ; que, par conséquent, elle n'entre pas dans le champ d'application du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, faute de prévoir que les parties sont convoquées et entendues par le président du tribunal ou la chambre du conseil en appel et qu'elles peuvent prendre connaissance des réquisitions du ministère public, la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime méconnaîtrait le droit à un procès équitable et le principe du caractère contradictoire de la procédure garantis par le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Kalkalit Nantes n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation des dispositions des articles 356 à 363 du code de procédure civile ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Kalkalit Nantes est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Kalkalit Nantes, au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 351858
Date de la décision : 13/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2013, n° 351858
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste de Froment
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP ORTSCHEIDT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:351858.20130213
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award